• Par un arrêt récent rendu le 10 février 2015 (Cass, Com., 10 février 2015, n°13-14.779) la Cour de cassation poursuit une fois encore son œuvre de bornage de la sphère privée du salarié, s’agissant de la correspondance personnelle que celui-ci entretient pendant ses horaires de travail, au moyen du matériel mis à sa disposition par l’employeur.

     

    L’arrêt fondateur en la matière est le désormais célèbre arrêt « Nikon » (Cass, Soc., 2 octobre 2001, n°99-42.942), qui au visa de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), avait affirmé le droit du salarié au respect de sa vie privée même au temps et au lieu de travail. La haute juridiction en avait déduit que « l’employeur ne pouvait ainsi pas prendre connaissance de messages électroniques du salarié identifiés comme « personnels », envoyés ou reçus grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. »

     

    A contrario, la Cour de cassation avait jugé plus récemment que « les courriels adressés et reçus par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels »  (Cass, Soc., 16 mai 2013, n°12-11.866 ; Cass, Soc., 19 juin 2013, n°12-12.138).

     

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    L’arrêt du 10 février 2015 développe plus avant cette jurisprudence en l’étendant aux SMS envoyés ou reçus au moyen d’un téléphone portable mis à la disposition du salarié  par son employeur pour les besoins de son activité professionnelle.                    

     

    En l’espèce, une société de courtage, soupçonnant l’un de ses concurrents de débaucher massivement ses salariés, a fait procéder, en vue d’une action en justice pour concurrence déloyale, à un constat d’huissier sur les outils de communication mis à disposition de ses anciens salariés, dont le contenu était resté automatiquement enregistré sur ses serveurs informatiques conformément à la règlementation de l’Autorité des Marchés Financiers.

     

    La société concurrente contestait ce procédé, au motif que les SMS, contrairement aux courriels, ne contiennent pas de champ « objet », et ne peuvent donc pas être identifiés comme personnels, de sorte que ce critère n’était pas de nature à protéger le droit à la vie privée des salariés.

     

    La Cour de cassation rejette cet argumentaire, et, raisonnant par analogie en reprenant sa formule classique en matière de courriels, qu’elle adapte à l’hypothèse des SMS, retient que « les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels. »

     

    On ne peut donc que conseiller aux salariés qui souhaiteraient échanger des messages personnels au moyen de leur téléphone professionnel, d’y faire clairement figurer la mention « personnel », même si une telle précaution peut être contraignante s’agissant de messages courts ou anodins.

     

    La meilleure solution reste encore dans tous les cas, de réserver sa correspondance privée à son téléphone personnel.

    Me Manuel Dambrin et Monsieur Hugo Tanguy (élève-avocat)

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  • « Toutes les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance ». Cette disposition de l’article L114-1 du Code des assurances, souvent méconnue des assurés, peut parfois se révéler pour eux lourdes de conséquences.

     

    Pour résumer simplement, si l’assureur n’a pas versé l’indemnité dans le délai de deux ans suivant la date du sinistre, l’assuré ne pourra en principe plus s’en prévaloir et en réclamer le paiement en justice.

     

    Nombreux sont ceux qui se laissent piéger par ces subtilités procédurales, les compagnies d’assurances cherchant souvent à retarder au maximum le moment du versement de l’indemnité, dans l’espoir de voir la prescription acquise et ainsi se décharger en toute légalité de leurs obligations contractuelles.

     

    assurances

     

    Toutefois, il existe un tempérament à ce principe, exposé à l’article L114-2 du code précité, qui prévoit que cette prescription peut être interrompue, notamment, par « l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité ».

     

    En droit, l’interruption de la prescription permet de réinitialiser la course du délai de prescription, c’est-à-dire, dans l’hypothèse qui nous concerne, permettre le redémarrage du délai de deux ans.

     

    Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation est assez restrictive et impose un contenu spécifique à cette lettre recommandée pour pouvoir la considérer comme une cause d’interruption de la prescription.

     

    Ainsi, pour la haute juridiction, les juges du fond ne peuvent simplement se contenter de constater l’existence d’un courrier recommandé adressé par l’assuré à l’assureur, sans « analyser les termes de cette lettre » pour s’assurer qu’elle concerne bien le règlement de l’indemnité, au sens de l’article L114-2. (Cass., 3e civ., 14 mars 2012, n°11-11.313)

     

    Que doit donc comporter cette lettre recommandée pour que la prescription soit à coup sûr interrompue ?

     

    La jurisprudence est claire à ce sujet et exige que celle-ci « réclame à l’assureur l’exécution de sa garantie au titre des conséquences du sinistre », en un mot : le paiement de l’indemnité réparatrice du dommage subi. (Cass., 3e civ., 17 juin 2009, n°08-14.104)

    Les juges du fond apprécieront strictement cette condition, et rechercheront si la lettre recommandée « demande clairement le règlement de l’indemnité ». (CA Paris, 4 juin 2014, n°10/10232)

     

    A l’inverse, une lettre recommandée qui se contenterait par exemple de réclamer à l’assureur la communication de documents en vue d’une analyse préalable à une possible action future, ne saurait interrompre la prescription. (Cass., 2e civ., 9 février 2012, n°10-20.357)

     

    Il est donc recommandé à l’assuré, lorsque la compagnie d’assurances tarde à verser l’indemnité contractuellement due, de lui adresser régulièrement une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, réclamant très clairement le paiement de l’indemnité, même si celle-ci n’est pas suivie d’effet, afin, à tout le moins, de ne pas fermer la porte à une éventuelle procédure judicaire.

     

    Me Xavier Chabeuf et Monsieur Hugo Tanguy (élève avocat)

     

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