• Les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier de parts sociales dans une société civile immobilière donne souvent lieu à différends.

     

    L’arrêt rendu le 15 septembre 2016 par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 septembre 2016, n° 15-15.172) aidera à clarifier la situation.

     

    Il a été décidé, au terme d’une assemblée générale d’une SCI familiale, de vendre l'immeuble constituant le seul actif de la société pour un prix identique à la valeur du bien estimée 22 ans plus tôt. 

     

    L’un des nu-propriétaires des parts de la SCI demande alors l’annulation de cette assemblée, au motif que l’usufruitière des parts sociales n’y a pas été convoquée.

     

    La convocation de l'usufruitier de parts sociales d’une SCI aux assemblées générales d’associés

    On peut comprendre qu’elle soit directement concernée par la décision d’aliéner le bien dans lequel elle réside et la question de savoir si elle a voix au chapitre se pose légitimement.

     

    Pour autant, la Cour de cassation juge qu'une assemblée générale de SCI, ayant pour objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l'affectation des bénéfices, ne saurait être annulée au motif que l'usufruitier de parts sociales n'a pas été convoqué pour y participer.

     

    La décision présente un intérêt pratique évident, en ce qu’elle cantonne l’obligation de convoquer l’usufruitier des parts sociales d’une SCI aux seules décisions pour lesquelles il bénéficie d’un droit de vote, à savoir, celles qui concernent l’affectation des bénéfices.

     

    Elle présente également un intérêt théorique, en ce que la Cour de cassation semble implicitement dénier la qualité d’associé à l’usufruitier de parts sociales.

     

    On sait, en effet, que l’article 1844, alinéa 1er, du code civil dispose que « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ».

     

    C’est ainsi, par exemple, que le nu-propriétaire ne peut être privé de son droit de participer aux décisions collectives, même lorsque le droit de vote est attribué à l'usufruitier (Com., 2 décembre 2008, n° 08-13.185).

     

    C’est ainsi également, dans une autre hypothèse que celle du démembrement de propriété qui nous intéresse ici, les propriétaires indivis de parts sociales doivent tous être invités à participer aux assemblées générales.

     

    En revanche, la Cour de cassation ne reconnaît pas ce droit à l’usufruitier.

     

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • A l’inverse d’un salarié, un dirigeant mandataire social peut être révoqué à tout moment – ad nutum – pour tout motif.

    Cela signifie -t-il pour autant que les associés peuvent congédier le président sans aucune garantie pour ce dernier ?

    Certes non, et la chambre commerciale de la Cour de cassation vient utilement de le rappeler dans un arrêt du 22 novembre 2016 (P. n° 15-14.911) : l’obligation de loyauté implique que le dirigeant ait connaissance des motifs de sa révocation avant qu’elle soit décidée, pour qu’il puisse s’en expliquer.

    Dans cette affaire, les statuts d’une SAS prévoyaient que son président était révocable à tout moment par décision de la collectivité des associés statuant à la majorité simple, sans que cette décision ait à être motivée.

    A la suite d’un désaccord survenu entre deux associés, une assemblée générale est convoquée, au terme de laquelle le président de la société est révoqué.

    Ce dernier conteste les circonstances de cette révocation et demande des dommages-intérêts.

    Même le dirigeant révoqué a le droit de connaître les raisons de son éviction !

    La cour d’appel accueille ses demandes, en relevant que le vote de l’assemblée a été obtenu au vu d’un rapport ne reflétant pas la réalité, et sur lequel le dirigeant révoqué n’a pas pu s’exprimer.

    Le pourvoi soutient que la révocation du dirigeant d’une SAS intervient dans les conditions prévues par les statuts, lesquels stipulaient en l’espèce que la révocation du président pouvait être décidée ad nutum. Il en déduisait que la réalité des motifs invoqués était indifférente à la régularité de la révocation.

    Mais la Cour de cassation écarte le moyen. En effet, la cour d’appel ayant retenu que la société invoquait à l’encontre de son président, en cause d’appel, des griefs différents de ceux soulevés dans le rapport préalable à sa révocation, de sorte qu’il n’avait pas pu s’expliquer sur ces griefs, elle a pu en déduire que les associés avaient méconnu leur obligation de loyauté.

    La Cour de cassation rappelle ainsi que la possibilité de révoquer un dirigeant ad nutum ne dispense pas les associés de leur obligation de loyauté à son égard dans la mise en œuvre de cette révocation.

    Si le dirigeant peut être révoqué sans justes motifs, il ne peut cependant l’être sur le fondement de motifs fallacieux, sans être informé des véritables motifs de sa révocation avant le vote de l’assemblée générale (déjà en ce sens : Com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, B. n° 80).

    Les associés peuvent révoquer le dirigeant à tout moment, sans préavis, pour toute raison qui leur semble valable, mais ils sont tenus au respect d’un certain formalisme processuel : le motif de l’éviction du dirigeant doit lui être communiqué, être exposé aux associés, et le dirigeant doit disposer de la possibilité de s’expliquer avant que la mesure de révocation ne soit adoptée.

    Libres à eux de maintenir leur décision ensuite.

    Me Xavier Chabeuf

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  • L’actualité récente nous rappelle l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 29 septembre 2010 (n° 09-41544). Dans cette affaire, la salariée, collaboratrice d’un député, avait dénoncé au procureur de la république le caractère fictif de l'emploi occupé par la fille de son employeur au sein de sa permanence parlementaire. Le député, considérant que cette initiative constituait une faute grave, licencia la délatrice.

    La plainte contre le député fut classée sans suite au motif que l'infraction n'était pas caractérisée mais, pour autant, les juges du contrat de travail ont considéré que le licenciement de la collaboratrice n’était pas justifié.

    La Cour de Cassation a posé en effet le principe que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l'entreprise qui lui paraissent anormaux, qu'ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute ».

    Et, appliquant ce principe au cas qui leur était soumis, les juges ont retenu que « L’employeur avait établi une attestation destinée à l'Assedic mentionnant inexactement qu'il employait sa fille ; qu'il résultait des procès-verbaux d'enquête que celle-ci n'avait exercé aucune activité au profit de son père ; que les sommes payées à titre de salaire pour cette prétendue activité, d'abord versées sur son compte bancaire, avaient été transférées sur celui du père et que les bulletins de paie correspondants avaient été envoyés à une adresse à laquelle seul ce dernier pouvait accéder ; qu'ainsi, les faits dénoncés par la salariée n'étaient pas mensongers et que, peu important la décision de classement sans suite, la salariée n'avait commis aucune faute en les lui révélant ».

    Cette solution peut aujourd’hui s’inscrire dans le cadre du nouvel article L.1132-3-3 du code du travail issu de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, qui institue une protection spécifique en faveur des « lanceurs d’alerte », ces salariés qui dénoncent, de bonne foi et de manière désintéressée, des faits constatés dans l’entreprise, constitutifs notamment d’un manquement grave à la loi, d’un crime ou délit.

    A noter que pour bénéficier de « l’immunité » et pouvoir ainsi remettre en cause son licenciement, le lanceur d’alerte doit être « désintéressé » et « de bonne foi », deux conditions qui devront être appréciées par le tribunal au cas par cas et qui promettent d’intéressants débats judiciaires…

    Me Manuel Dambrin

    Dénoncer un emploi fictif n'est pas un motif de licenciement

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  • Le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 pris en application de la loi Macron a introduit dans le Code du travail un nouvel outil pour assister le juge dans la fixation du montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués en cas de licenciement jugé abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
    Cette nouvelle disposition laisse intacte la règle de base selon laquelle le salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et qui est employé au sein d’une entreprise de plus de dix salariés peut prétendre, en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité égale au minimum à 6 mois de salaire (article L.1235-3 du code du travail).
    L’objet du décret susvisé, qui introduit dans le Code du travail l’article R. 1235-22, est de fixer un « référentiel indicatif » d'indemnisation, en fonction de l'ancienneté dans l’entreprise, quelle que soit d’ailleurs la taille de celle-ci.

    Contentieux du licenciement : tarification des dommages et intérêts

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le référentiel est le suivant :

    ANCIENNETÉ
    (en années complètes) 

    INDEMNITÉ
    (en mois de salaire) 

    ANCIENNETÉ
    (en années complètes) 

    INDEMNITÉ
    (en mois de salaire) 

    0 

    1 

    22 

    14,5 

    1 

    2 

    23 

    15 

    2 

    3 

    24 

    15,5 

    3 

    4 

    25 

    16 

    4 

    5 

    26 

    16,5 

    5 

    6 

    27 

    17 

    6 

    6,5 

    28 

    17,5 

    7 

    7 

    29 

    18 

    8 

    7,5 

    30 

    18,25 

    9 

    8 

    31 

    18,5 

    10 

    8,5 

    32 

    18,75 

    11 

    9 

    33 

    19 

    12 

    9,5 

    34 

    19,25 

    13 

    10 

    35 

    19,5 

    14 

    10,5 

    36 

    19,75 

    15 

    11 

    37 

    20 

    16 

    11,5 

    38 

    20,25 

    17 

    12 

    39 

    20,5 

    18 

    12,5 

    40 

    20,75 

    19 

    13 

    41 

    21 

    20 

    13,5 

    42 

    21,25 

    21 

    14 

    43 et au-delà 

    21,5 


    Il est prévu en outre que ces montants soient majorés d'un mois si le salarié est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture. Ils sont également majorés d'un mois en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d'activité considéré.


    Ce barème est moins révolutionnaire qu’il n'y paraît.

    D’une part, il ne fait qu’entériner une pratique des juridictions du travail, consistant peu ou prou à allouer un mois de salaire par année d’ancienneté avec un écrêtement au-delà d’une certaine ancienneté.
    D’autre part il n’est, comme son nom l’indique, qu’« indicatif », c’est-à-dire que sauf accord mutuel des parties pour s’en remettre au barème en cas de condamnation,  le juge est toujours libre, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation du préjudice, d’accorder une indemnité plus ou moins élevée que celle indiquée par le barème, en fonction des données particulières de chaque cas particulier.


    Enfin, il ne faut pas perdre de vue que ce barème ne concerne que les dommages et intérêts susceptibles d’être alloués en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse ; il n’a pas vocation à régir le cas des licenciements discriminatoires, de ceux consécutifs à des agissements de harcèlement moral ou encore de ceux prononcés en violation d’une liberté fondamentale, qui comme tels sont frappés de nullité et obéissent à un régime propre d’indemnisation.

    Manuel Dambrin

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