• On lit parfois que le devoir de fidélité figurant encore à l’article 212 du code civil (« les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ») est tombé en déshérence.

    Et il est vrai que le droit a suivi des mœurs qui ont profondément évolué au cours des quarante dernières années et que le devoir de fidélité s’est édulcoré. S’il continue à être proclamé comme un idéal, il n’est en général plus sanctionné par les Tribunaux.

    Or que vaut une règle si sa violation n’entraîne pas de conséquences pour celui qui l’enfreint ?

    Le devoir de fidélité n’a cependant pas disparu complètement et peut justifier, dans le cadre d’un divorce prononcé aux torts exclusifs d’un époux, sa condamnation à verser à l’époux bafoué des dommages et intérêts pour le préjudice moral causé. Cette condamnation reste en pratique d’un montant symbolique quant à son montant.

    Il est pourtant un domaine où l’adultère est susceptible d’entraîner des conséquences patrimoniales lourdes pour l’époux volage : le droit des successions.

    C’est ce que vient de rappeler avec une vigueur certaine la Cour de cassation dans un arrêt du 25 octobre 2017 (Cass., 1ère civ., 25 octobre 2017, n° 16-21.136) : l’adultère constitue une cause d’ingratitude au sens de l’article 955 du code civil.

    Adultère et révocation de la donation pour ingratitude

     

    Cet article prévoit que « la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants : 1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ; 2° S’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ; 3° S’il lui refuse des aliments ».

    Ainsi, tant le donateur que ses héritiers peuvent former une demande en révocation de la donation entre époux pour cause d’ingratitude (laquelle se prescrit dans le délai très bref d’un an à compter du fait reproché au bénéficiaire de la donation ou de sa connaissance par le donateur).

    Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ci-dessus, un homme avait fait une donation au dernier vivant à sa seconde épouse.

    Postérieurement à cette donation, l’épouse s’est rendue coupable d’adultère envers son mari, ce dont ce dernier a d’abord été instruit par la rumeur publique, avant d’obtenir confirmation directe de l’outrage, lequel l’a profondément blessé, ce d’autant que son épouse le trompait avec l’un de ses amis.

    Précisons que les faits se déroulaient dans un village corse, que l’inconduite de l’épouse était notoire, que l’époux était amoureux de sa femme, et qu’il a fini par mettre fin à ses jours.

    Dans le délai d’un an suivant la découverte des faits, les enfants du défunt, issus d’une précédente union, ont assigné l’épouse en révocation de la donation au dernier vivant qui lui avait été consentie.

    La Cour de cassation a retenu que la Cour d’appel de Bastia avait pu considérer, au vu des faits exposés ci-dessus, que la gravité de l’injure faite au défunt par son épouse infidèle constituait une cause d’ingratitude justifiant la révocation de la donation qui lui avait été consentie.

    L’épouse sanctionnée n’est cependant pas privée de tout droit sur la succession de son mari, et demeure habilitée à percevoir la part qui lui est légalement reconnue par l’article 757 du code de procédure civile (soit un quart en pleine propriété dans le cas qui nous intéresse ici puisqu’en présence d’enfants issus d’une précédente union le conjoint survivant est privé de la possibilité d’opter pour le bénéfice de l’usufruit sur la totalité de la succession) ; seule la donation est affectée par l’action engagée par les enfants.

    Qui dira que le code civil ne préserve pas une forme de morale publique ?

    Me Xavier Chabeuf

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