• Poursuivant l’objectif annoncé de sécuriser la rupture du contrat de travail, et par conséquent de limiter - croit-on - le contentieux prud’homal, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a redéfini l’obligation de reclassement en cas de licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-4).


    Rappelons que l’obligation de reclassement fait partie intégrante du motif économique et que la violation de cette obligation par l’employeur prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

    Le reclassement nouveau est arrivé !


    Pour satisfaire à son obligation en la matière, l’employeur peut désormais choisir :


    - soit d’adresser de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
    - soit de diffuser par tout moyen une liste de postes disponibles à l’ensemble des salariés.


    Quelle que soit l’option choisie, le degré d’information exigé est identique. Selon l’article D. 1233-2-1 du code du travail, les offres écrites précisent :


    -l’intitulé du poste et son descriptif ;
    -le nom de l’employeur ;
    -la nature du contrat de travail ;
    -la localisation du poste ;
    -le niveau de rémunération ;
    -la classification du poste.


    Le décret précise que « En cas de diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie » et que cette liste doit préciser les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste et, le cas échéant, faire l’objet d’une actualisation.


    La liste d’offres doit en outre indiquer « le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite », qui ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf si l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective, auquel cas le délai peut être réduit, sans pouvoir « être inférieur à quatre jours ».


    L’absence de candidature écrite du salarié à l’issue du délai de réflexion fixé par l’employeur vaut refus des offres.


    Ces nouvelles règles peuvent apparaître plus souples que les critères jurisprudentiels jusqu’alors en vigueur, mais ceux-ci avaient le mérite de laisser une place à l’appréciation du juge, au cas par cas. Les conditions qui sont désormais posées en terme de précision des offres et de délai risquent, en cas de méconnaissance par l’employeur, d’entrainer des sanctions imparables.


    Me Manuel Dambrin

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  • Employé de maison : inapplicabilité des dispositions sur la durée du travailLe principe est que le contrat de travail à temps partiel, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, doit obligatoirement être conclu par écrit (C. Trav. art. L.3123-6). A défaut, le contrat s’expose à une requalification en temps plein et l’employeur risque d’être condamné à payer au salarié un rappel de salaire correspondant à la différence entre le salaire effectivement payé et le salaire qui aurait été payé pour un temps plein, peu important l’absence de prestation de travail correspondante.


    La Cour de cassation vient opportunément de rappeler que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (Soc. 7 déc. 2017, FS-P+B, n° 16-12.809).


    Dans cette affaire très banale, une salariée avait été embauchée sans contrat écrit en qualité d’aide à domicile dans le cadre du dispositif du chèque emploi-service universel (CESU) sur une base de huit heures hebdomadaires.


    Se fondant sur l’absence de contrat écrit et sur le fait qu’elle avait en réalité accomplie bien plus d’heures, elle sollicitait un rappel de salaire et, accessoirement, une indemnité pour travail dissimulé.


    La Cour d’appel lui donnait raison au motif que « la salariée ayant travaillé plus de huit heures par semaine, le contrat est donc, faute d’écrit, présumé à temps complet, que faute de justifier du temps de travail accompli par son employée de maison, ni même de ses temps de présence en Normandie puisque sa résidence principale se trouvait en région parisienne, l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des heures de travail effectuées exactement par la salariée, qu’il y a lieu de le condamner à verser à la salariée la somme que cette dernière réclame en complément de celles perçues pour rémunérer le temps plein présumé ».


    La juridiction Suprême censure cette décision en rappelant l’article L.7221-2 du Code du travail qui vise les seules dispositions du code du travail applicables aux travailleurs employés au domicile des particuliers.
    Ces dispositions sont celles relatives au harcèlement moral et sexuel, à la journée du 1er mai, aux congés payés, aux congés pour événements familiaux et à la surveillance médicale.


    Parmi ces dispositions, ne figurent pas celles relatives au temps de travail.


    Aussi bien, selon la Cour de cassation, la requalification du temps partiel n’était-elle pas encourue faute de contrat écrit et la Cour d’appel, qui avait constaté que l’employeur occupait la salariée plus de huit heures par semaine sans contrat écrit, aurait dû se borner à évaluer le nombre d’heures de travail accomplies par la salariée et à fixer les créances de salaire s’y rapportant.


    Me Manuel Dambrin

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  • Le droit à la présomption d’innocence ne prive pas l’employeur de se prévaloir de faits dont il  a eu connaissance dans le cadre d’une procédure pénale pour licencier un salarié qui n’a finalement pas été poursuivi pénalement.


    C’est ce principe de l’indépendance entre procédure disciplinaire et procédure pénale, que vient rappeler un récent arrêt de la Cour de cassation en date du 13 décembre 2017 (n° 16-17.193).


    Les faits étaient les suivants :


    Le salarié travaillait en tant qu’« assistant spectacle » au sein de la société Euro Disney et avait été auditionné par les services de police dans le cadre d’une enquête relative à un trafic de stupéfiants entre salariés au sein du parc d’attraction.


    Il n’avait finalement, ni été mis en examen, ni fait l’objet d’une condamnation.

    Il fût cependant licencié pour faute grave, sur la base des déclarations qu’il avait faites lors de son audition pénale.
     

    La Cour d’appel de Paris avait annulé le licenciement en considérant notamment qu’il « ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d’une audition auprès des services de police menant une enquête pénale (…) ; qu’un licenciement intervenu dans ces conditions en violation de cette liberté fondamentale que constitue la présomption d’innocence, ne peut qu’être déclaré nul ».

    La présomption d'innocence de protège pas du licenciementLa Cour de Cassation n’a pas été de cet avis et donne raison à l’employeur.


    Dans sa décision cassant l’arrêt de la Cour d’appel, elle juge que « le droit à la présomption d’innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d’une infraction pénale n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement », et que « la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence lorsque l’employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale ».


    Ce qui n’est pas pénalement répréhensible peut être disciplinairement sanctionnable, et vice versa, d’ailleurs !
     

    Me Manuel Dambrin

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  • Le salarié est, en principe, libre de se vêtir à sa guise. L'employeur peut néanmoins imposer des contraintes vestimentaires notamment pour des questions d'hygiène et de sécurité (chaussures de sécurité ou blouse de travail par exemple) ou en raison du contact que le salarié peut avoir avec la clientèle (port d’un uniforme distinctif).

    Selon la formule consacrée, ces limites apportées à la liberté vestimentaire doivent être « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [et] proportionnées au but recherché » (art. L1121-1 du code du travail).

    Le juge apprécie au cas par cas si les restrictions apportées à la liberté de se vêtir des salariés sont légitimes en fonction du contexte. La « tenue correcte exigée » n’est pas la même dans tous les milieux professionnels.

    Il a ainsi pu être exigé d’un veilleur de nuit d’hôtel, qu’il porte une cravate (CA Paris 18 janvier 1991, 22e ch. B), d’une secrétaire au sein d’une agence immobilière, qu’elle ne se présente pas au travail en survêtement (cass. soc. 6 novembre 2001, n° 99-43988) ou d’une autre qu’elle ne vienne pas vêtue d’un chemisier transparent sans soutien-gorge, sa tenue suggestive pouvant susciter un trouble dans l’entreprise (cass. soc. 22 juillet 1986, n° 82-43824).

    Balance ton shortEn revanche, ni le fait de porter des vêtements moulants, ni de simples négligences vestimentaires (cass. soc. 24 janvier 1991, n° 89-40761 D) ne peuvent être reprochés à un salarié.

    De la même façon, l’employeur peut imposer une apparence physique à la stricte condition que cette exigence soit justifiée, proportionnée et non discriminatoire. Les juges ont ainsi admis qu'un pâtissier devait se couper les cheveux qu’il portait longs et sales ou les dissimuler sous une coiffe, cette restriction à sa liberté répondant à des impératifs d’hygiène (CA Paris 28 mars 1989, 22e ch. A).

    À l’inverse, l'employeur ne peut pas imposer à un salarié n'ayant pas de contact avec la clientèle de ne pas porter la barbe (CA Nîmes 14 mai 1996, ch. soc.).

    De même, l'employeur prend une décision discriminatoire en interdisant à un serveur de porter une boucle d'oreille, même s'il fait valoir « que son restaurant gastronomique recevait une clientèle attirée par sa réputation de marque, laquelle impose une tenue sobre du personnel en salle, que le salarié était au contact direct de cette clientèle et qu'ainsi le port de boucles d'oreilles pendant la durée du service était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail ». La lettre de licenciement énonçant que « votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d'oreilles sur l'homme que vous êtes », c'est l'apparence physique du salarié rapportée à son sexe qui était sanctionnée, l'employeur ne justifiant pas sa décision de lui imposer d'enlever ses boucles d'oreilles par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (cass. soc. 11 janvier 2012, n° 10-28213, BC V n° 12).

    L’employeur peut inscrire dans le règlement intérieur les règles relatives à la tenue vestimentaire dans l’entreprise sachant que les restrictions apportées à la liberté de se vêtir doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché. Par exemple, une clause imposant à tous de porter un uniforme sans aucune raison objective ou interdisant de porter tout badge et tout insigne serait disproportionnée, de même qu’une clause imposant le port d’une tenue vestimentaire, d'une coiffure ou le maquillage pour des raisons d’ordre purement esthétique serait illicite.

    L’importance du règlement intérieur doit être souligné dans la mesure où faire des reproches à un salarié sur sa tenue vestimentaire suppose d'avoir, au préalable, défini la tenue exigée et inscrit cette règle dans son règlement intérieur ou dans le contrat de travail.

    Me Manuel DAMBRIN

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