• La règle générale en matière contractuelle (article 1211 du code civil) est que chaque partie à un contrat conclu pour une durée indéterminée peut y mettre fin à tout moment sous réserve de respecter un préavis.

    En revanche, si le contrat est à durée déterminée, c’est-à-dire si son terme est fixé par un événement certain (même si la date de sa réalisation est inconnue, dès lors que cette réalisation est indépendante de la volonté de l’un des parties), chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme et nul ne peut en exiger le renouvellement (article 1212 du code civil).

    Les pactes d’actionnaires également, peuvent être à durée déterminée ou indéterminée.

    Ceux qui sont à durée déterminée ne nous intéressent pas ici : ils durent pendant la période fixée d’avance ou jusqu’à l’événement qui y met un terme.

    Mais qu’en est-il de la grande majorité des pactes d’actionnaires, applicables tant que leurs signataires demeurent actionnaires de la société ?

    La Cour de cassation a retenu, dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017 (Télécharger « Cour_de_cassation_civile_Chambre_commerciale_20_décembre_2017_16-22.099_Inédit.rtf ») que, conclus pour une durée indéterminée, ils sont résiliables à tout moment par l’un des signataires (sous réserve, ainsi que le prévoit l’article 1211 du code civil, de prévoir un délai de préavis).

    Attention aux pactes d’actionnaires à durée indéterminée, résiliables à tout moment !

    Dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité, les deux actionnaires avaient conclu un pacte organisant les conditions de sortie de capital de deux actionnaires importants d’une société.

    Huit mois après, l’un des deux associés mettait un terme au pacte de façon unilatérale.

    L’autre signataire du pacte le poursuivait en lui réclamant des dommages et intérêts et soutenait que l’accord était à durée déterminée car le terme extinctif du pacte tenait à la perte de la qualité d’actionnaire.

    Cette argumentation apparemment astucieuse a été rejetée, le pacte considéré comme étant à durée indéterminée et donc susceptible, comme tel, d’être résilié à tout moment.

    Cette décision fragilise singulièrement tous les pactes d’actionnaires que leur rédaction rend applicables tant que leurs signataires sont actionnaires de la société objet du pacte : étant de durée indéterminée et résiliables unilatéralement, ils n’ont sans doute pas la portée que leurs signataires leur accordaient lors de la signature.

    N’importe quelle partie peut désormais, sans avoir à en justifier et en respectant un simple préavis, se délier de ses engagements…

    Il importe par conséquent, dans la rédaction des pactes d’actionnaires à venir, de prévoir un terme fixe afin que les pactes soient à durée déterminée.

    Quant aux pactes existants, l’on peut hésiter entre les renégocier afin de leur conférer un terme fixe ou ignorer la nouvelle jurisprudence afin de ne pas signaler aux actionnaires qu’ils ont la possibilité de sortir du pacte simplement et en toute légalité.

    La solution d’un pacte d’actionnaires résiliable unilatéralement, sans motif, est en effet usuellement contraire à l’objectif assigné au pacte de stabilité de l’actionnariat et de respect de conditions qui ont pu justifier la présence au capital d’un ou plusieurs associés.

    Offrir à ces derniers la possibilité de violer leurs engagements en toute bonne conscience est susceptible d’entraîner des réactions en chaîne dont on peut se demander si elles ont bien été évaluées par la Cour de cassation lorsqu’elle a rendu l’arrêt ici évoqué.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Une menace de mort peut constituer un motif de licenciement... pour faute lourde !Lors d’une confrontation avec son employeur, organisée par les gendarmes saisis d'une procédure d'enquête à la suite d'une plainte de l'employeur pour des faits de détournements de fonds commis au cours de l'exécution du contrat de travail, le salarié avait mimé le geste d'égorgement à l'égard de l'employeur.

    Licencié pour faute lourde, l’intéressé se défendait en faisant valoir que la procédure pénale n’avait conduit à aucune condamnation et qu’il s’agissait d'un geste isolé qui, par son outrance, n'avait pas de portée concrète, de sorte qu’il ne caractérisait pas « l’intention du nuire ».

    La qualification de faute lourde, privative de l’indemnité de licenciement et du préavis, suppose en effet que le comportement reproché au salarié soit empreint d’une intention de nuire (Cass. soc. 16-5-1990, n° 88-41.565 ; Cass. soc. 22-10-2015, n° 14-11.291).

    Mais la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, décide au contraire assez logiquement, dans son arrêt du 4 juillet 2018 (n° 15-19.597) que les agissements litigieux constituaient une menace de mort, et impliquaient l’intention de nuire.

    La Cour de Cassation avait déjà retenu, dans des circonstances analogues, l’existence d’une faute grave (Cass. soc. 19 octobre 2016 n° 15-17.481 ; Cass. soc. 10 octobre 2012 n° 11-19.208).

    Il est donc préférable, en toutes circonstances, de s’abstenir de menacer de mort son employeur.

    Me Manuel Dambrin

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  • Epargne salariale : peu importe le lieu de travailLes salariés détachés ou expatriés doivent continuer à bénéficier de l'épargne salariale mise en place au sein de l'entreprise française, dès lors qu'ils remplissent la condition d'ancienneté éventuellement prévue.

    Tel est le principe posé par la Cour de Cassation dans son arrêt du 6 juin 2018 qui présentait à juger le cas de salariés de la société BNP Paribas qui avaient été affectés dans des succursales de l’entreprise situées à Londres, Singapour ou New York.

    En l’occurrence, les accords de participation et d'intéressement excluaient expressément de leur champ d'application les salariés exécutant leur activité professionnelle à l'étranger et dont la rémunération était directement versée par la société d'accueil.

    Les salariés concernés contestaient cette disposition et revendiquaient le paiement de sommes au titre de ces deux dispositifs, participation et intéressement.

    La Cour Suprême leur donne raison et invalide la clause litigieuse des accords, au motif que « tous les salariés de l’entreprise où a été conclu un accord de participation doivent avoir la possibilité de bénéficier de la répartition des résultats de l’entreprise, sans que puisse leur être opposé le fait qu’ils n’exécutent pas leur activité en France ou qu’ils n’y sont pas rémunérés ; que la clause d’un accord de participation excluant les salariés détachés à l’étranger dans une succursale est réputée non écrite » (Cass. Soc. 6-6-2018 n° 17-14.372).

    Me Manuel Dambrin

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  • Inopposabilité d'objectifs qui ne sont pas rédigés en françaisSelon l’article L.1321-6 du Code du travail : « Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail (…) ».

    C’est sur le fondement de ce texte que la Cour de Cassation a rendu l’arrêt du 3 mai 2018.

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le salarié, engagé par la société Reuters Financial Software en qualité de consultant, bénéficiait d’un contrat de travail prévoyant une rémunération variable pouvant atteindre 20 % du salaire fixe annuel.

    Seul hic, ce contrat était rédigé en langue anglaise et aucune traduction n’avait été fournie au salarié.

    Ayant quitté l’entreprise, le salarié avait saisi le Conseil de Prud'hommes pour réclamer le paiement de la part variable de sa rémunération.

    Pour le débouter de sa demande, le juge a retenu que la communication de documents de travail en anglais n’était pas illicite compte tenu du caractère international de l’activité de l’entreprise.

    Mais cette motivation est censurée.

    En effet, pour la Cour de Cassation, « en statuant ainsi, alors qu’il ne résultait pas de ses constatations que le salarié avait eu accès, sous quelque forme que ce soit, à un document rédigé en français fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-13.736).

    Me Manuel Dambrin

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