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    La situation des juridictions en période de confinement

    Comme l’ensemble de l’activité économique et des administrations, la justice est lourdement affectée par les mesures de confinement ordonnées par le Gouvernement.

    En résumé, toutes les procédures sont suspendues, hormis celles qui revêtent une urgence toute particulière.

    Il faut donc s’attendre à un phénomène d’engorgement des juridictions lorsque le confinement prendra fin et à un rallongement significatif de délais de procédure, lesquels étaient déjà singulièrement affectés par les sous-effectifs et les pénuries de moyens judiciaires et par les mouvements sociaux liés à la réforme des retraites.

    Rien n’empêche cependant, bien au contraire, de préparer des actes de procédure pendant la période de confinement, dès à présent.

    Petit inventaire de la situation dans les différentes juridictions (sources : Ordre des avocats au Barreau de Paris) :

     

    TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

    En raison de la crise sanitaire, les services juridictionnels du tribunal de Paris ont été significativement réduits ;

    - Toutes les audiences programmées sont supprimées ;

    - Les délibérés prévus à compter du mardi 17 mars 2020 sont prorogés ;

    - Aucun accueil téléphonique ni physique ne sera assuré ; 

    - Les messages RPVA ne seront pas traités. 

    Les audiences de référé déjà prévues sont annulées sine die (y compris pour les affaires fixées précédemment à l’entrée en vigueur du plan de continuation d’activité) et les délibérés sont tous prorogés.

    Seules les urgences civiles absolues, référés et requêtes, sont traitées à compter du lundi 16 mars 2020 : pour ce faire, une permanence est établie de 10h00 à 13h00 au Tribunal de Paris.

     

    SERVICES DU JUGE DE L’EXECUTION

    Dans le cadre du plan de continuation du tribunal judiciaire de Paris, le service du juge de l’exécution (mobilier et immobilier) n’est pas concerné par ce plan, de sorte que, jusqu’à nouvel ordre :

    - Toutes les audiences programmées sont supprimées ;

    - Les parties seront reconvoquées par le greffe lorsque l’activité reprendra ;

    - Les délibérés sont prorogés ;

    - Les requêtes ne seront pas traitées, sauf l’exception prévue ci-après ;

    - Aucun accueil téléphonique ni physique ne sera assuré ;

    - Les messages RPVA ne seront pas traités.

    Il convient de reporter les assignations devant le juge de l’exécution, tant en matière mobilière qu’en matière immobilière, à la seule exception des cas dans lesquels un délai de procédure doit être interrompu :

    S’agissant du contentieux mobilier, quelques dates d’audience restent ouvertes sur e-juridictions, mais exclusivement en vue de la délivrance des assignations destinées à interrompre le délai prévu à l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution pour contester une saisie-attribution.

    En matière immobilière, quelques dates d’audience seront disponibles sur demande, mais exclusivement en vue de la délivrance des assignations destinées à la prorogation des commandements de payer valant saisie immobilière.  Les audiences correspondantes ne seront physiquement tenues que si d’ici-là, l’activité est revenue à la normale ; dans le cas contraire, les affaires placées seront renvoyées sans audience et les parties reconvoquées par le greffe à une date ultérieure.

     

    POLE FAMILLE

    Le tribunal judiciaire de Paris a adopté dans son plan de continuation d'activité les dispositions suivantes prises pour assurer l'activité du pôle famille laquelle sera réduite aux seules urgences :  

    Toutes les audiences du pôle famille sont supprimées (audiences de cabinet, de mise en état et de plaidoirie des affaires familiales, chambre du conseil, état des personnes, tutelles mineurs, délégation et retrait d‘autorité parentale et délaissement parental).

    Les dossiers qui devaient être examinés à ces audiences font tous l’objet d’un renvoi. Les parties seront informées dès que possible de la date de ce renvoi. Les délibérés prévus au cours de cette période sont tous prorogés à une date qui sera communiquée ultérieurement.          

    A compter de ce jour, seules les requêtes urgentes des affaires familiales (exclusivement en matière d’ordonnances de protection, et de procédure accélérée au fond pour les enlèvements internationaux d’enfants) peuvent être traitées. En dehors de ces situations d’urgence, la permanence des affaires familiales ne délivre plus de date pour les assignations.

     

    POLE CIVIL DE PROXIMITE

    À la suite de l’activation du plan de continuation d’activités au tribunal judiciaire de Paris, les dispositions suivantes ont été prises :

    Toutes les audiences du pôle civil de proximité sont supprimées (référé, déclarations au greffe, AUDONA, CivRSCP, ACR, surendettement, saisie des rémunérations). 

    Les dossiers qui devaient être examinés à ces audiences ont tous fait l'objet d'un renvoi sur un rôle d'attente. Les parties seront informées dès que possible de la date de ce renvoi. Les délibérés prévus au cours de cette période sont tous prorogés à une date qui sera communiquée ultérieurement. 

    En l'état, plus aucune date n’est donnée pour assigner, quelle que soit la nature du contentieux. 

    Les requêtes déposées au SAUJ à destination du Pôle civil de proximité ne seront pas traitées, le greffe n’étant plus présent au tribunal et le magistrat désigné gérant les urgences à distance.

    En cas d'absolue urgence (pour l’essentiel les contestations de funérailles), les avocats peuvent saisir le pôle d'une requête à fin d'assignation d’heure à heure.

    Si l'absence de délivrance de date se heurte à une difficulté pour un délai procédural qui devrait expirer avant le 16 avril prochain (forclusion, prescription), les avocats peuvent, sur la même adresse mail, adresser une requête à fin d'obtenir une date déterminée au fond.  

    Toutes les autres demandes qui n’entreront pas dans ce cadre d’urgence ne seront pas considérées comme saisissant la juridiction.

    Pour ne pas faire courir le délai de péremption, le nécessaire sera fait au sein du pôle pour que soit mentionnée sur les dossiers la cause du renvoi et l’absence de diligences attendues des parties.  

     

    LA COUR D’APPEL DE PARIS

    La cour d’appel de Paris est fermée, sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels : les audiences de la chambre des appels correctionnels concernant les prévenus détenus et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences ; les permanences du parquet général ; les référés en matière civile visant l’urgence ; les audiences de privation de liberté en matière civile (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers); les audiences de la chambre de l’instruction pour le contentieux de la détention.

    Le bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris a demandé au Ministère de la justice de prendre des dispositions visant  à suspendre, à compter du 16 mars et jusqu’à la fin de la période de confinement, tous les délais de procédure prescrits à peine de caducité, irrecevabilité, péremption, forclusion ou prescription, ceci dans toutes les procédures civiles, pénales et administratives de première instance et d’appel qu’il s’agisse de diligences substantielles ou de délais prescrits en application des règles de procédure civile, pénale ou administrative. Aucune réponse n’a à ce jour été apportée de telle sorte que les délais procéduraux continuent de s’appliquer. Différentes ordonnances seraient néanmoins ont en cours d’élaboration et notamment une ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.    

     

    LES JURIDICTIONS PRUD’HOMALES

    Les audiences sont annulées jusqu'à nouvel ordre.

    Les requêtes devant le conseil de prud’hommes peuvent toujours être envoyées par courrier.  

     

    LES TRIBUNAUX DE COMMERCE

    Tribunal de commerce de Paris : S’agissant du contentieux général, seules les affaires urgentes sont susceptibles d’être retenues. L’ouverture de nouvelles procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne paraît pas, en principe, relever de l’urgence au regard des mesures annoncées par le gouvernement. Toutefois, les demandes de mandataire ad hoc (article L. 611-3 du code de commerce) peuvent relever de l’urgence, tout autant que les jugements statuant sur des plans de cession lorsque ceux-ci peuvent avoir une incidence significative sur l’emploi. Il reste également possible de déposer une déclaration de cessation des paiements de manière dématérialisée de manière à respecter l’obligation de la déposer dans un délai de 45 jours suivant la cessation des paiements.

    Tribunal de commerce de Nanterre : Pour les affaires au fond : renvoi automatique à 8 semaines pour les affaires des audiences de la semaine du 16 au 20 mars (et à 6 semaines pour les affaires des semaines suivantes) Pour les référés : suspension des audiences, sauf référé́ d’heure à heure – toutes les affaires sont renvoyées par le greffe à 6 semaines

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • COVID-19 : Sang froid et détermination

    Dans un contexte de pandémie et de confinement national sans précédent, nous tenons à vous adresser notre soutien ainsi que nos pensées les plus chaleureuses.

    Face aux incertitudes considérables créées par la situation présente, aux conséquences juridiques, financières, sociales encore imprévisibles, les avocats du Cabinet Cardinal sont déterminés à vous aider à maintenir votre activité dans les meilleures conditions.

    Dès à présent, nous sommes mobilisés à vos côtés, tout en respectant les préconisations sanitaires gouvernementales, pour faire face aux difficultés les plus immédiates et tâcher d’anticiper celles qui ne manqueront pas de survenir très vite.

    Lorsque le confinement prendra fin et que le virus sera vaincu - car il le sera - la vie reprendra de manière différente, certes, mais les contraintes juridiques et financières demeureront fortes, quels que soient les efforts gouvernementaux pour atténuer les situations les plus critiques.

    Et puisque le confinement donne le sentiment de ralentir le cours du temps, de desserrer l’emprise des urgences quotidiennes, utilisons ce temps pour nous projeter, pour faire le point sur notre situation actuelle et sur les perspectives qu’il convient de tracer.

    Vous pouvez compter sur nous.

    Toute l'équipe de CARDINAL

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  • Les avancées concernant les droits des femmes passent par des prises de position médiatiques, des manifestations spectaculaires, des révélations choquantes, mais aussi, et c’est heureux, par des évolutions juridiques qui, d’apparences techniques n’en sont pas moins essentielles.

    Il en va ainsi du statut du conjoint collaborateur.

    Chacun a en tête ces conjoints, le plus souvent des conjointes, qui travaillent pendant des années aux côtés de leur époux chef d’entreprise, artisan ou exerçant une profession libérale : secrétaire générale de la société « de fait », caissière ou serveuse dans les magasins, bars et restaurants, assistante médicale, …

    Leur statut juridique n’est pas toujours clairement défini, quand il n’est pas, tout simplement inexistant, ce qui a des conséquences dramatiques en termes de pension de retraite ou en cas de divorce, par exemple.

    Statut du conjoint du chef d’entreprise : la fin de l'ambiguitéLe décret n°2019-1048 du 11 octobre 2019, entré en vigueur en partie le 14 octobre 2019 et en partie le 1er janvier 2020, précise les conditions de déclaration, par le chef d’entreprise, du statut de son conjoint ou partenaire de PACS qui exerce dans l’entreprise familiale une activité professionnelle de manière régulière (statut de conjoint collaborateur – associé – ou salarié).

    Ce décret a été pris en application de la loi Pacte du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, dont l’un des objectifs était de renforcer la protection du conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale.

    Si la loi prévoyait déjà, à travers l’alinéa IV de l’article L.121-4 du code de commerce que « le chef d’entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise », dans les faits, l’activité du conjoint n’était pas toujours déclarée.

    Il en résultait principalement deux conséquences néfastes, que ce soit pour le chef d’entreprise ou pour le conjoint.

    D’une part, le défaut de déclaration exposait le premier à une condamnation pour travail dissimulé, et d’autre part, le conjoint bénévole était privé des avantages conférés par la reconnaissance d’un statut (assurance-maladie ; droits à la retraite, etc.).

    Depuis le 22 mai 2019, l’alinéa IV de l’article L.121-4 du code de commerce ajoute qu’« à défaut de déclaration d’activité professionnelle, le conjoint ayant exercé une activité professionnelle de manière régulière dans l’entreprise est réputé l’avoir fait sous le statut de conjoint salarié.

    A défaut de déclaration du statut choisi, le chef d’entreprise est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de conjoint salarié ».

    En attribuant automatiquement le statut de conjoint salarié (le plus protecteur des trois statuts possibles) en cas de défaut de déclaration de la part du chef d’entreprise familiale, le législateur fait d’une pierre deux coups : (1) Il protège le chef d’entreprise lui-même contre les sanctions pouvant résulter d’un défaut de déclaration, et (2) il met fin à la situation floue dans laquelle étaient placés de nombreux conjoints ou partenaire de PACS.

    Les conséquences de ce statut de salarié « par défaut » sont nombreuses.

    On peut citer, par exemple le fait que le conjoint entre dans les effectifs de la société, avec les conséquences de cette intégration en termes de franchissement de seuils ; qu’un contrat de travail devra être conclu et une rémunération versée comme pour n’importe quel salarié ; que le conjoint salarié restera dans la société même en cas de cession de cette dernière par l’époux ; que la question du licenciement et des indemnités afférentes devra généralement être réglée en cas de divorce (il est probable que les époux divorçant ne souhaitent plus se côtoyer au travail, même si tout est envisageable) ; qu’en l’absence de fixation du statut du conjoint des demandes de régularisation sont envisageables ; que le licenciement entraînera, naturellement, le versement d’indemnités versées par Pôle emploi.

    Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la protection des droits est bien mieux assurée par l’obligation de choisir un statut au conjoint du chef d’entreprise commerciale, libérale ou artisanale et par l’option par défaut pour le statut de conjoint salarié.

    Paradoxe apparent toutefois : cette avancée des droits a pour conséquence la clarification de la position de chacun car le conjoint salarié doit, comme tout salarié, se trouver en situation de subordination par rapport au chef d’entreprise, qui dirige et contrôle son activité.

    Le chef d’entreprise doit assurer seul la direction de son activité, sans intervention de son conjoint salarié, le conjoint salarié risquera d’être qualifié de « gérant de fait ».

    Vigilance aussi, exigée du chef d’entreprise qui ne souhaiterait pas que son conjoint se voit attribuer la qualité de salarié, avec les conséquences de l’application de statut en termes de protection, certes, mais également de coût. Il convient, sans tarder, d’opter positivement pour l’un des deux autres statuts envisageables : conjoint collaborateur ou conjoint associé.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Liberté d’expression au sein de l’entreprise : jusqu’où peut-on aller ?La liberté d’expression est une liberté fondamentale consacrée par divers textes internationaux, européens et nationaux, tels que la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales ou la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen.

    Aucun texte ne protège spécialement la liberté d’expression au sein de l’entreprise, si ce n’est l'article L.1121-1 du Code du travail qui dispose de manière générale que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

    C’est au visa de ce texte que la Cour de Cassation a posé le principe selon lequel, sauf abus caractérisé par des « propos injurieux, diffamatoires ou excessifs » le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression.

    Toute la difficulté réside donc dans l’identification des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, dont l’appréciation variera, au cas par cas, selon les fonctions exercées, le milieu professionnel, le contexte dans lequel ils ont été tenus. Il faudra également s’attacher à l’ampleur de leur diffusion et à l’identité des personnes destinataires.

    La jurisprudence est foisonnante mais reste toujours très protectrice de la liberté d’expression, comme l’illustre le récent arrêt du 15 janvier 2020 (n°18-14.177).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le commercial d’une entreprise de vente d'équipements informatiques avait été licencié en raison de son comportement agressif et critique à l’égard d’autres salariés et des responsables hiérarchiques, illustré par des e-mails assez peu aimables, du type : « peut-on répondre à son besoin oui ou non ? » , « concernant ma demande je ne vous parle pas d’urgence, je vous demande une réponse dans les meilleurs délais », « le premier bon à tirer qui n’est ni fait ni à faire », « crois-tu que je puisse traiter ce genre de mail ? », « je ne sais pas comment vous pouvez écrire de telles calembredaines »,« vous êtes très mal informé », « soyez plus visionnaire M. G… », « on est dans la vente de produits techniques pas à la Redoute ».

    La Cour d’appel a estimé que l’attitude du salarié, si elle n’était pas constitutive d’une faute grave, justifiait néanmoins le licenciement pour cause réelle et sérieuse (licenciement assortie d’un préavis et d’une indemnité de licenciement).

    A tort, selon la Cour de Cassation. Après avoir rappelé que « sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression », la Cour Suprême censure cette décision au motif que la Cour d’appel n’a pas caractérisé « en quoi les courriels rédigés par le salarié comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ».

    Il faut souligner ici que la Cour de Cassation ne se prononce pas sur le caractère, en l’espèce, « injurieux, diffamatoires ou excessifs » des propos tenus par le salarié mais censure l’insuffisance de la décision de la Cour d’appel qui n’a pas caractérisé le dépassement par le salarié de sa liberté d’expression au regard du triptyque injure/diffamation/propos excessifs. Il appartiendra à la Cour d’appel désignée pour rejuger ce dossier de combler cette lacune, sans qu’il puisse être préjugé, à ce stade, de l’issue finale du litige…

    Me Manuel Dambrin

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  • Discrimination à l'embauche et preuveEn vertu de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise en raison d’un des critères suivants :

    -son origine,
    -son sexe,
    -ses mœurs,
    -son orientation sexuelle,
    -son identité de genre,
    -son âge,
    -sa situation de famille ou de sa grossesse,
    -ses caractéristiques génétiques, sa particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue,
    -son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race,
    -ses opinions politiques,
    -ses activités syndicales ou mutualistes,
    -ses convictions religieuses,
    -son apparence physique,
    -son nom de famille,
    -son lieu de résidence
    -sa domiciliation bancaire,
    -son état de santé,
    -sa perte d’autonomie ou son handicap,
    -sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

    La difficulté pour le salarié qui s’estime victime d’une discrimination à l’embauche est, bien souvent, d’en rapporter la preuve dans la mesure où, en droit commun de la preuve, c’est à celui qui intente l’action en justice de rapporter la preuve de ce qu’il avance : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » (article 9 du code de procédure civile).

    Autrement dit, ce serait, selon ce principe, au salarié de prouver qu’il a été discriminé et non à l’employeur de prouver qu’il n’a pas discriminé le salarié, ce qui paraît somme toute assez logique.

    Pour faciliter cependant la tâche du salarié, le code du travail vient à son secours en aménageant la charge de la preuve en matière de discrimination (à l’embauche, mais aussi de façon générale).

    L’article L.1134-1 du Code du Travail dispose ainsi que « Lorsque survient un litige en raison d'une [discrimination], le candidat […] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, […]. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination […] ».

    Autrement dit, le salarié ne supporte pas la totalité de la charge de la preuve ; il n’a pas à prouver qu’il est discriminé ; il doit seulement verser aux débats des éléments « laissant supposer » qu’il a été discriminé, à charge pour l’employeur de démontrer que sa décision (par exemple de ne pas recruter ce salarié) n’était pas discriminatoire.

    L’arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 23 janvier 2019 (n° 16/09755) illustre cette méthodologie.

    Dans cette affaire, le salarié passait avec succès un entretien d’embauche pour un poste de serrurier puis remettait à son futur employeur la copie de sa carte vitale et de son titre de séjour nécessaires à l’établissement de la déclaration préalable à l’embauche. Une semaine plus tard il recevait un mail indiquant « qu'ayant rencontré de grosses difficultés au niveau de la préfecture et ne sachant pas que vous n’aviez pas la nationalité française, nous avons le regret de vous annoncer que notre offre n’est plus d’actualité ».

    Il s’agissait là des « éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte » de sorte que le salarié assumait sa part de la charge de la preuve et qu’il revenait alors à l’employeur de justifier qu’il était revenu sur sa décision pour des raisons étrangères à la nationalité ou à l’origine.

    Pour se justifier, l’entreprise versait aux débats le contrat de travail d’un de ses salariés, dont elle indiquait que la consonance du nom ne laissait aucun doute sur ses origines même s’il était français, ainsi que son registre du personnel sur lequel figuraient par exemple Rachad Tchamed ou Mimoune Benouda mais dont la nationalité n’était pas connue.

    La Cour d’appel a cependant estimé qu’il convenait de retenir la discrimination, au motif que ces éléments n’établissaient pas que la décision de rétractation était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à l’absence de nationalité française, étant de plus observé que l’employeur n’établissait pas l’existence des difficultés rencontrées auprès de la préfecture s’agissant d’un travailleur ne disposant pas de la nationalité française.

    Ce partage de la charge de la preuve est bien connu du droit du travail, il est le même en matière de harcèlement moral et d’heures supplémentaires.

    Me Manuel Dambrin

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  • Peut-on cumuler un mandat social et un contrat de travail ?La question est importante en raison des avantages qui s’attachent à la qualité de salarié, non seulement durant l’exécution du contrat de travail (temps de travail, salaire minimum, ancienneté, congés payés, procédures disciplinaires) mais aussi au moment de la rupture (préavis, indemnité de licenciement, éligibilité aux prestations de Pôle emploi), avantages dont le mandataire social (gérant de SARL, Président de SAS, …) est privé.

    La question alimente un contentieux important illustré par le récent arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 22 janvier 2020 (17-13.498).

    Dans cette affaire, l’intéressée avait été désignée gérante de la filiale en France d’une société allemande spécialisée dans la conception de lits médicalisés. Puis elle avait conclu, avec cette même filiale, un contrat de travail pour occuper le poste de directrice administrative et commerciale.

    Elle fût révoquée de son mandat par l’associé unique de la maison mère allemande, qui procédait également à son licenciement à titre conservatoire, tout en contestant sa qualité de salariée, privant de ce fait l’intéressée des droits évoqués plus haut.

    Celle-ci saisissait alors la juridiction prud’homale pour faire reconnaitre l’existence de son contrat de travail, contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités liées à la rupture du contrat de travail contesté.

    Pour approuver la Cour d’appel d’avoir fait droit à sa demande, la Cour de Cassation énonce « que l’intéressée assurait le suivi des commerciaux et avait un secteur commercial dédié, qu’elle rendait compte de son activité au représentant de l’associé unique de la société WIBO France et devait obtenir son autorisation avant de prendre certaines décisions, a pu en déduire qu’elle avait exercé des fonctions techniques de directrice administrative et commerciale distinctes de son mandat de gérante, dans un lien de subordination à l’égard de la société WIBO France ».

    La solution est classique mais mérite d’être rappelée : un contrat de travail ne peut se superposer au mandat que si l’intéressé exerce, à côté de son mandat, des fonctions techniques distinctes, dans le cadre d’un lien de subordination vis-à-vis de l’actionnaire, à qui il rend compte.

    Me Manuel Dambrin

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  • Peut-on licencier un salarié malade ?Le principe est qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de son absence liée à son état de santé et médicalement justifiée par des arrêts de travail (et dont le médecin du travail n’a pas prononcé l’inaptitude à son emploi).

    Le principe connait toutefois une exception : lorsque l’on est en présence, selon la formule consacrée, d’une « absence prolongée ou répétée désorganisant le fonctionnement de l’entreprise et nécessitant le remplacement définitif ».

    Trois conditions doivent donc être réunies pour procéder au licenciement :

    1. Une « absence prolongée ou répétée ». Après avoir vérifié si la Convention Collective ne prévoit pas une période de garantie d’emploi empêchant de considérer l’absence comme prolongée ou répétée à partir d’une certaine durée, il s’agira pour l’employeur de justifier que le salarié est absent, de manière continue ou discontinue, depuis une certaine durée. En pratique, plusieurs mois d’absence seront nécessaires pour convaincre un juge ;

    2. Une « désorganisation de l’entreprise ». Il appartiendra ici à l’employeur de démontrer que l’absence, par son caractère prolongé ou répété perturbe le fonctionnement de l’entreprise. En pratique, plus le poste occupé par le salarié sera subalterne ou interchangeable (et donc susceptible d’être pourvu dans le cadre de CDD de remplacement ou de contrat d’intérim), plus cette démonstration sera difficile ;

    3. Le « remplacement définitif ». Dernière condition et non des moindres, le licenciement n’est possible que si l’employeur procède, concomitamment à ce licenciement, au recrutement d’un salarié en CDI, pour remplacer le salarié absent. Cela dit, le remplacement « par glissement » est admis, c’est-à-dire le remplacement par un salarié de l’entreprise, lui-même remplacé dans ses fonctions par un salarié nouvellement embauché.

    La Cour de cassation vient cependant de rappeler que si le salarié démontre que l’absence répétée ou prolongée est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne pourra se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l’entreprise (Cass. Soc., 30 janvier 2019, 17-31.473).

    Me Manuel Dambrin

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  • Peut-on dormir au travail ?La photo a fait polémique. Elle représentait un employé de la ville de Paris, ou plus exactement l’employé d’un sous-traitant chargé de la propreté, vêtu d’une chasuble jaune et une combinaison verte, allongé sur le rebord d'une vitrine d'un commerce. Alerté par la diffusion du cliché, l’employeur de l’agent de propreté a procédé à son licenciement pour faute grave.

    Sans commenter ici l’indignité de la démarche qui consiste à photographier des personnes, fussent-elles endormies, à leur insu et de poster ensuite la photo sur les réseaux sociaux, qu’en est-il de la sieste au travail ?

    Pour la Cour d’Agen « le fait de s’endormir sur les lieux et pendant les heures de travail constitue, sauf circonstances particulières, une cause réelle et sérieuse de licenciement ». Ainsi jugé à propos de l’employé d’une société Transports Frigorifiques qui s’était « assoupi » dans la cabine de son camion sur le parking de l’entreprise. En l’occurrence l’état de santé et les conditions de travail difficiles invoqués par le salarié pour justifier son endormissement n’ont pas été retenus (arrêt du 28 juin 2016 (n° 15/00732).

    Pour la Cour de Bordeaux, constitue une faute grave le fait pour un pompier d’aéroport d’avoir été retrouvé, avec des écouteurs sur les oreilles, profondément endormi dans son véhicule de travail, dont le siège était en position semi-allongée : « cet agissement, eu égard aux fonctions du salarié, est constitutif d’un manquement d’une importance telle qu’elle a empêché la poursuite de la relation salariale, même pendant la période du préavis ». Le salarié avait bien invoqué un « surmenage », mais n’a pas été suivi (arrêt du 17 février 2016, n° 13/05556).

    Pour la Cour de Colmar, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais pas une faute grave, le fait pour l’agent de sûreté aéroportuaire, chargé du contrôle des bagages, de s’être endormi devant son écran et d’avoir déclaré, dès lors notamment qu’il n’est « pas démontré que le salarié se serait volontairement endormi », alors pourtant que le salarié avait déclaré à son réveil : « c’est l’heure de ma sieste » (arrêt du 13 juin 2017, n° 16/04077).

    En revanche, à Riom, on sait l’importance de la sieste. Pour les juges riomois, peut dormir sur ses deux oreilles l’ouvrier polyvalent, « soumis au forfait jours et se trouvant donc libre de l’organisation de son temps de travail », retrouvé à quatre reprises « endormi et ronflant » derrière une machine, la Cour relevant « qu’il n’est pas illégitime de souhaiter n’être pas surpris pendant un moment de sommeil ». Licenciement jugé abusif (arrêt du 20 septembre 2016, n° 14/01464).

    Un dernier pour la route. Pour la Cour de Versailles, n’est pas fautif l’agent de sécurité chargé de surveiller des écrans de contrôle et le système incendie de la société, qui s’endormait régulièrement, étant observé, non seulement que la photographie en rapportant la preuve avait été prise de façon déloyale sans que le salarié ait été averti du fait que son image pouvait être enregistrée, mais aussi que l’endormissement du salarié était lié à son état de santé dont l’employeur était informé. Licenciement annulé (arrêt du 27 octobre 2016, n° 14/01826).

    Me Manuel Dambrin

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  • Prise d'acte de la rupture et préavis : attention au retour de bâton !Le mécanisme de la « prise d’acte » de la rupture du contrat de travail est maintenant bien connu. Il s’agit de l’initiative que prend le salarié de notifier à son employeur la rupture de son contrat de travail, sans pour autant démissionner, mais en raison de faits qu’il lui reproche (non-paiement de salaires, harcèlement,…).

    La démarche consiste ensuite à saisir le Conseil de Prud'hommes pour faire requalifier cette « prise d’acte » en licenciement.

    L’alternative est alors la suivante :

    Soit le juge estime que les faits pour lesquels le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail sont réels et suffisamment sérieux, et dans ce cas il fera produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement abusif : le salarié, réputé licencié abusivement, percevra une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

    Soit, au contraire, le juge estime que les griefs invoqués au soutien de la prise d’acte ne sont pas réels ou suffisamment sérieux (par exemple parce qu’ils étaient trop anciens ou véniels), et dans ce cas il fera produire à la prise d’acte les effets d’une démission : le salarié ne perçoit aucune indemnité.

    C’est quitte ou double.

    Dans le cas où la prise d’acte est requalifiée en démission, se pose avec acuité la question du préavis.

    Lorsqu’il démissionne purement et simplement, le salarié est débiteur envers l’employeur de l’exécution d’un préavis, généralement de deux ou trois mois. S’il ne l’exécute pas, il est redevable envers son ancien employeur d’une indemnité compensatrice de préavis.

    En cas de prise d’acte, le salarié n’aura généralement pas exécuté son préavis car l’exécution d’un préavis aurait pu affaiblir son dossier en incitant le juge à considérer que les griefs invoqués au soutien de la prise d’acte ne sont pas sérieux.

    En effet, même s’il a pu être jugé que l’exécution d’un préavis par le salarié n’était pas forcément incompatible avec la requalification de la prise d’acte en licenciement abusif (Cass. Soc., 2 juin 2010 et 9 juillet 2014), il reste que la prise d’acte, pour être requalifiée en licenciement abusif, suppose traditionnellement des manquements « empêchant la poursuite du contrat de travail », ce qui est difficilement conciliable avec l’exécution d’un préavis.

    Aussi, utilisée de manière hâtive ou irréfléchie la prise d’acte peut se retourner contre son auteur, comme l’illustre un arrêt de la Cour de Paris du 13 janvier 2017 (n° 13/09318).

    Dans cette affaire, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur sa déloyauté et à ses méthodes managériales consistant à imposer des missions aux consultants, à les leur imposer même s’ils n’ont pas les compétences pour les remplir, à donner justement de fausses informations sur leurs compétences, etc…

    Considérant cependant que le salarié n’établissait pas suffisamment ces manquements, la Cour d’appel a jugé que la rupture du contrat de travail n’était pas imputable à l’employeur et qu’elle devait produire les effets d’une démission. Rappelant ensuite que lorsque le salarié démissionnaire ne respecte pas le délai de préavis, l’employeur peut prétendre au versement, par le salarié, de l’indemnité compensatrice de préavis, elle a condamné le salarié à verser une somme de 10.250 € à ce titre.

    Me Manuel Dambrin

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  • "Le Slip français" baisse-t-il sa culotte ?Un groupe de personnes se met en scène sur Instagram en pratiquant un « blackface » - en français « maquillage en Noir » - qui consiste à se grimer le visage en noir pour caricaturer une personne de couleur. Le réseau social fait son œuvre de diffusion et la Société "Le Slip Français" est citée car il se trouve qu’elle emploie certains de ces « instagrameurs ».
     

    Devant le flot de messages indignés et d’appel au boycott de la marque, provoqué par la diffusion de ces images, l’employeur publie un communiqué pour annoncer sa décision de « sanctionner fermement les deux salariés concernés ».
     

    Des circonstances extérieures à la vie professionnelles et tenant à la vie privée ou à la vie personnelle des salariés peuvent-elles justifier une sanction disciplinaire ?
     

    Telle est donc la question posée par cette affaire.
     

    La réponse est a priori négative : en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié n’est plus soumis au pouvoir de direction de son employeur. En outre, l’article 9 du Code civil assure à chacun le droit au respect de sa vie privée. Le principe est donc qu’un fait tiré de la vie privée ne peut pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
     

    Le principe connait cependant une exception : le salarié peut être passible d’une sanction si les faits commis dans sa vie privée ont des répercussions sur l’employeur.
     

    Ce principe et cette exception sont résumés par la Cour de Cassation de la façon suivante : « chacun a droit au respect de sa vie privée ; (qu’)il en résulte qu'il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (Cass. Soc., 22 janvier 1992, n° 90-42517).
     

    Ainsi par exemple, n’est pas justifié le licenciement d’un gardien d’immeuble pour une altercation qu’il a eu avec un locataire alors qu’il se trouvait en arrêt de travail (Cass. Soc., 14 mai 1997, n°94-45473).
     

    En revanche, est justifié le licenciement d’un agent de service ayant des fonctions de surveillant de nuit au sein d’une association chargée de personnes inadaptées et handicapées, auquel il était reproché de participer à des vidéos à caractère pornographique directement accessible sur Internet, ce comportement constituant un trouble objectif pouvant avoir des conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise (Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 26 septembre 2019, n° 16/02284).
     

    L’appréciation du « trouble caractérisé » au sein de l’entreprise n’est parfois pas évident à cerner.
     

    Ainsi jugé que le fait, pour un cadre de banque, d’émettre des chèques sans provision relève de sa vie privée et ne dénote aucun trouble objectif caractérisé apporté à l’entreprise (Cass. Soc., Chambre sociale, du 30 juin 1992, 89-43.840).
     

    A voir, dans l’affaire du « Le slip français », si l’employeur sera en mesure de démontrer un trouble caractérisé au sein de l’entreprise…
     

    Me Manuel Dambrin

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