• Recruter un freelance, oui mais...Recruter un freelance ou avoir recours aux services d’un auto-entrepreneur est une pratique en fort développement particulièrement au sein des petites et moyennes entreprises qui voient dans ce type de collaboration une façon d’éviter les charges et contraintes liées à la conclusion d’un contrat de travail proprement dit. De son côté l’auto entrepreneur peut trouver avantage à la liberté que lui confère ce statut.


    L’exercice n’est toutefois pas sans risque car derrière la façade de l’auto-entreprenariat peut se dissimuler un contrat de travail, qui produira rétroactivement tous ses effets en cas de rupture de la relation : la qualification de contrat de travail donne au prestataire la qualité de salarié et à son donneur d’ordre, la qualité d’employeur ; elle rend applicables à leurs rapports les règles du Code du travail.


    Dans un contexte contentieux – qui surgira en pratique au moment de la rupture des relations – le salarié ainsi requalifié pourra obtenir par exemple des rappels de salaire, des heures supplémentaires, une indemnité de préavis, de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.


    Il faut donc définir le contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail ne dépend pas des actes signés entre les parties ou de la volonté exprimée par elles ; elle dépend des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du collaborateur. Peu importe la qualification que les parties ont donné à leur relation, il faut s'intéresser aux conditions concrètes d'exécution de la relation, au-delà des apparences et des actes.


    Le droit du travail étant d’ordre public, toute clause contractuelle tendant à en évincer l’application est réputée non écrite.
    Le contrat de travail se définit comme le contrat par lequel une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération.


    C’est le « lien de subordination » qui permet de différencier le contrat de travail d’autres formes de collaboration rémunérées (contrat de prestation de service, de partenariat, de consultant, de sous-traitance, …) et qui rend applicable le droit du travail.
    Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut en outre constituer un indice de subordination lorsque le collaborateur est intégré à une équipe et utilise des moyens mis à sa disposition (poste de travail, outils de travail, etc. …).


    Ainsi, tout dépendra des conditions de travail, qui seront appréciées au cas par cas.


    Le récent arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 21 mars 2018 (n° 16-21.466) illustre le rôle du juge en la matière : un auto-entrepreneur fournissait des prestations de « lecteur » (lecture et appréciation des manuscrits) à une maison d’édition. Considérant avoir travaillé dans les conditions d’un contrat de travail, il saisissait le juge d’une demande de requalification, dont la Cour d’appel le déboutait au motif notamment que l’intéressé avait établi des factures tout au long de sa collaboration, qu’il était affilié auprès des organismes sociaux en qualité de travailleur indépendant ; qu’il déclarait ses revenus tous les mois auprès de l'URSSAF, et que la relation de travail était entrecoupée de périodes non travaillées.


    A tort, selon la Cour de Cassation, qui estime « Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et qui ne permettaient pas d'exclure l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel s'est abstenue de vérifier, comme elle y était invitée, si l'intéressé ne justifiait pas d'un lien de subordination tout au long de ses relations contractuelles ».


    Me Manuel Dambrin

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  •  

    La vente judiciaire par adjudication encore appelée vente aux enchères publiques est ouverte à tous.

     

    Néanmoins, pour pouvoir porter les enchères les enchérisseurs doivent tout d’abord constituer avocat. Celui-ci doit être obligatoirement inscrit au barreau du Tribunal de grande instance devant lequel la vente est poursuivie. L’avocat choisi ne peut porter plusieurs mandats au cours de la même enchère et plus généralement, doit éviter tout conflit d’intérêts (Art 12 RIN).

     

    Pour représenter l’enchérisseur, l’avocat recueille au préalable diverses informations relatives à l’identité de son client (nom, prénom, adresse, capacité, situation de famille, profession …) et s’assure de sa solvabilité (absence de procédure de surendettement, de procédure collective ...).

     

    Avant les enchères, l’enchérisseur doit également remettre à son avocat :

     

    • contre récépissé une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque rédigé à l’ordre du séquestre ou du consignataire désigné dans le cahier des conditions de vente représentant 10% de la mise à prix. Le montant de cette garantie ne peut être inférieur à 3000 € (R 322-40 et R 322-41 CPCE),

    • Un chèque de banque à l’ordre de la CARPA du montant des frais,

    • Un pouvoir pour enchérir jusqu’à une somme définie.

     

    Le code de procédure civile d’exécution énonce que « Les enchères sont arrêtées lorsque quatre-vingt-dix secondes se sont écoulées depuis la dernière enchère. […] Le juge constate sur-le-champ le montant de la dernière enchère, laquelle emporte adjudication. » (R322-45 CPCE).

    Eléments clefs de l'adjudication par licitation

     

    Si l’enchérisseur n’est pas déclaré adjudicataire, la somme encaissée  ainsi que tous les documents confiés par le client à son avocat seront restitués dès l’issue de l’audience.

     

    Si l’enchérisseur est déclaré adjudicataire, il devra attendre 10 jours suivant l’adjudication -pendant lesquels toute personne peut effectuer une surenchère du dixième- avant d’être déclaré définitivement adjudicataire. Cette surenchère vaut fixation d’une audience de surenchère au cours de laquelle la surenchère devra être couverte à peine de voir le surenchérisseur devenir adjudicataire du bien.

     

    Si l’enchérisseur est définitivement déclaré adjudicataire, il devra s’acquitter des sommes suivantes :

     

    • De la somme principale de l’adjudication (prix de vente),

    • Si la somme n’est pas consignée dans les deux mois, celle-ci sera augmentée des intérêts au taux légal jusqu’à la consignation complète du prix (R322-56 du code de procédure civile),

    • Des frais préalables à la vente (frais de poursuite),

    • Des droits de mutation,

    • Des émoluments (proportionnels au montant de la vente compris entre 8% et 1,65% du prix de vente),

    • Des honoraires de son avocat.

     

    A défaut de complet paiement du prix ainsi que des accessoires, la vente sera résolue de plein droit et l’adjudicataire défaillant devra payer la différence entre le montant de son enchère et le prix de vente.

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • Signer ou ne pas signer ses objectifs, là n'est pas la question.Contrairement à une idée largement répandue, rien n’oblige l’employeur à recueillir l’accord du salarié sur les objectifs à atteindre. En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut fixer unilatéralement les objectifs qu’il estime devoir assigner à ses salariés.


    Au demeurant, le fait pour le salarié d’avoir signé ses objectifs ne permet pas à l’employeur de sanctionner automatiquement la non atteinte de ces derniers.


    Ainsi que le rappelle la Cour de Cassation dans un récent arrêt du 7 mars 2018 (n°16-21.588), La question à se poser est de savoir si les objectifs, acceptés ou non, étaient réalisables compte tenu de la situation du marché et des moyens accordés au salarié.


    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision il s’agissait d’une société de commercialisation de maisons individuelles, dans laquelle chaque chef des ventes devait atteindre un objectif annuel de 94 ventes. L’employeur reprochait à l’un d’eux de n’avoir pas réalisé cet objectif (en ne vendant que 45 maisons) et l’avait licencié en invoquant une insuffisance professionnelle.
     

    Or, la cour d’appel avait constaté, d’une part, que le chef des ventes en question était affecté à un secteur géographique réputé difficile et, d’autre part, que son équipe commerciale était inférieure en nombre à celle des autres chefs des ventes.
     

    Compte tenu de ces éléments, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir conclu à des objectifs irréalistes et à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


    Me Manuel Dambrin

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  • Actions gratuites, licenciement et perte de chanceL'attribution d'actions gratuites, ou AGA, est la possibilité offerte à une société, cotée ou non cotée en bourse, d’attribuer gratuitement à des salariés un certain nombre de ses actions, en complément de la rémunération. L'attribution gratuite d'actions constitue un outil de motivation des salariés souvent utilisé par les entreprises de croissance. Elle permet d'éviter toute sortie d'argent au bénéficiaire et d'associer certains salariés au développement de la société.


    Dans une logique de fidélisation, le règlement du plan d’attribution prévoit généralement que les salariés ne deviennent propriétaires des actions qu’après un certain délai suivant leur attribution (généralement deux ans) et ce, à condition qu’ils exercent toujours leurs fonctions à cette date.


    D’où la question : que se passe-t-il si le salarié est licencié abusivement entre la date à laquelle il s’est vu attribuer les actions et la date à laquelle il en devient pleinement propriétaire ?


    La question n’est pas nouvelle mais sa solution vient d’être rappelée par la Cour de Cassation dans l’affaire qui a donné lieu à sa décision du 7 février 2018 (n° 16-11635).


    Dans cette affaire, plusieurs salariés avaient été licenciés en janvier 2011 tandis qu’ils s’étaient vu attribués des actions gratuites dont la propriété ne devait leur être transféré qu’en décembre 2011 soit à une date assez éloignée de leurs licenciements.


    Après avoir jugé que les licenciements étaient injustifiés, la Cour d’appel a estimé que l’employeur avaient privé indûment les salariés de l’avantage financier que constituaient ces actions et, en réparation, leur a alloué une indemnisation correspondant au prix atteint par les actions en décembre 2011 soit à la date à laquelle les salariés en seraient devenus propriétaires s’ils n’avaient pas été licenciés.


    Cette solution est logiquement censurée.


    La Cour de cassation rappelle en effet que « le salarié qui n'a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d'acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, [ne] subit [qu’] une perte de chance ».


    La « perte de chance » est le préjudice résultant de la disparition de la probabilité d’un évènement favorable et qui donne lieu à une réparation partielle, en fonction de la probabilité qu’avait l’évènement, de se réaliser. La perte de chance ne peut donc pas être indemnisée à hauteur de l’avantage espéré.


    Autrement dit, en l’espèce, les licenciements ont certes fait obstacle à l’acquisition de la propriété des actions, mais s’ils n’avaient pas été prononcés, d’autres évènements, non nécessairement imputables à la faute de l’employeur, auraient pu survenir entre janvier 2011 (date des licenciements) et décembre 2011 (date d’acquisition des actions) et compromettre cette acquisition d’action, n’engageant alors pas la responsabilité de l’employeur et n’ouvrant pas droit à réparation. On pense à la démission, à la liquidation judiciaire ou encore à l’éventualité d’un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse.


    Il reviendra donc à la Cour d’appel de renvoi – devant laquelle l’affaire est renvoyée après cassation – d’évaluer la perte de chance subie par les salariés en fonction de la probabilité que ces derniers avaient de quitter l’entreprise avant la date du transfert de propriété des actions.


    Me Manuel Dambrin

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  • L’inégalité salariale entre les femmes et les hommes a conduit le législateur à intervenir pour tenter de réduire les disparités de rémunération, dont l’une des causes est l’absence de l’entreprise pendant le congé maternité.


    Depuis la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes du 23 mars 2006, une salariée revenant de congé de maternité ou d’adoption a droit aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues ou décidées pendant la durée de son congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise (c. trav. art. L. 1225-26).


    Concrètement, lorsque la salariée réintègre l’entreprise à la suite de son congé maternité, l’employeur doit lui appliquer les augmentations de rémunération qui sont intervenues pendant cette absence.

    Congé maternité et augmentation de salaire garantie



    Par rémunération, il convient de retenir une conception large puisque la loi renvoie à l’article L. 3221-3 du code du travail qui énonce que « constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier ».


    Les primes et les bonus sont donc à prendre en considération.


    Dans une affaire qui a donné lieu à un récent arrêt de la Cour de Cassation du 14 février 2018 (16-25.323), l’employeur avait remplacé l’augmentation de salaire à laquelle la salariée pouvait prétendre, par une prime exceptionnelle d’un montant équivalent, solution qu’avait approuvé la Cour d’appel dans la mesure où l’intéressée avait donné son accord à cette solution.


    Mais cette décision est censurée par la Cour Suprême car une telle prime, pour équivalente qu’elle soit à l’augmentation de salaire survenue durant le congé maternité, n’est perçue qu’une fois et ne peut donc se substituer à une augmentation de salaire. Cette pratique allait donc à l’encontre de l’objectif de la loi qui est d’apporter des « garanties d’évolution de la rémunération » et qui revêt un caractère d’ordre public.


    Me Manuel Dambrin

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  • Utilisation abusive de Tickets restaurant : amende au tournant !Le fonctionnement des tickets restaurant est bien connu : l’employeur achète auprès d’une société spécialisée dans l'émission de titres restaurant, des tickets de différentes valeurs, qu’il remet aux salariés. L’employeur prend en charge entre 50 et 60% du montant du ticket (cette participation bénéficie d'exonérations fiscales et de cotisations sociales). Le reste du prix est payé par le salarié en étant prélevé sur sa fiche de paie. La société émettrice du titre restaurant rembourse au restaurateur les tickets utilisés par le salarié.

    Si le principe est simple, les conditions d’utilisation de ces titres sont très encadrées et souvent méconnues.


    Les salariés peuvent utiliser les tickets pour payer un repas dans un restaurant ou acheter en magasin des préparations alimentaires.


    Depuis le 1er mars 2010, les règles sur l’utilisation des titres restaurant en supermarché ont changé. Désormais, ils sont limités aux préparations alimentaires consommables immédiatement : plats cuisinés frais, sous vide, en conserve et surgelé, salades préparées et salades de fruits, sandwiches, produits laitiers.


    Depuis les décrets du 3 mars et du 30 novembre 2010, le titre restaurant peut aussi être utilisé pour acheter des fruits et légumes chez les détaillants ou dans les marchés, même si ceux-ci ne sont pas directement consommables. Cette disposition a été instaurée pour que les salariés puissent plus facilement consommer 5 fruits et légumes par jour.


    L'utilisation des titres-restaurant est limitée à 19 € par jour.


    Les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que dans le département du lieu de travail des salariés bénéficiaires et les départements limitrophes, sauf pour les salariés qui sont, du fait de leurs fonctions, appelés à des déplacements en dehors de ces limites.


    Enfin, le salarié ne peut utiliser son titre restaurant que pendant ses jours de travail.


    C’est la violation de cette règle qui a valu au patron d’une PME un rappel à l’ordre circonstancié de l’inspecteur du travail : lors d’un contrôle effectué auprès d’un restaurant McDonald’s, le zélé inspecteur a constaté l’utilisation par des salariés de ladite PME de titres restaurant un jour non ouvrable – donc a priori non travaillé – alors que selon l’article R3262-8 : « Les titres-restaurant ne sont pas utilisables les dimanches et jours fériés, sauf décision contraire de l'employeur au bénéfice exclusif des salariés travaillant pendant ces mêmes jours ».


    La méconnaissance de ces règles d’utilisation par le salarié expose l’employeur à l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe : 135 euros, par salarié.


    Me Manuel Dambrin

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    La crise est passée par là… Pour encadrer les prêts des banques, le législateur, tant européen que français, multiplie les devoirs d’information, devoirs de mise en garde et autres obligations destinées à protéger le consommateur et même le commerçant profane.

     

    Pour preuve, la directive n° 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs : « La crise financière a montré que le comportement irresponsable de participants au marché pouvait miner les fondements du système financier, avec une perte de confiance chez toutes les parties, en particulier les consommateurs, et des conséquences économiques et sociales potentiellement graves. »

     

    La Cour de cassation, interprète des règles de droit a abondé dans le même sens de protection de l’emprunteur. C’est ainsi que la cour suprême (Cass. Civ 1ère, 8 juin 2004, n° 02-12.185) a institué le devoir de mise en garde du banquier vis-à-vis du débiteur, sous peine de voir sa responsabilité contractuelle engagée. Si le banquier n’est pas tenu de refuser à l’emprunteur un prêt dépassant ses capacités de remboursement (par exemple, 50 ou 60 %), il doit quand même le prévenir du danger que cette situation représente pour lui… et s’en ménager la preuve (c’est là que le bât blesse, en général).

     

    Pour rappel, un emprunteur non averti doit être mis en garde :

    1. si son prêt est inadapté à ses capacités financières , ou

    2. si le risque d'endettement du fait de l'octroi du crédit est disproportionné.

     

     

    La banque doit mettre en garde la caution non avertie en cas de risque d’endettement de l’emprunteur

    L’affaire jugée par la chambre commerciale le 15 novembre 2017 (Cass. com., n° 16-16.790) est banale. Madame Catia X, sortant d’une période de chômage de longue durée s’est lancée dans un projet de thé dansant - restaurant. Elle a créé une société, qui a emprunté 60 000 euros pour acheter un fonds de commerce. La banque a demandé à Madame X de se porter caution à titre personnel. Cette dernière a justifié d’un bien immobilier lui appartenant d’une valeur de 180 000 euros. La banque, satisfaite des conditions financières de la caution, a alors accordé le prêt à la société.

     

    Cependant, la société a fait défaut au remboursement du prêt et la caution a été appelée en garantie.

     

    Mme. X a alors invoqué la violation du devoir de mise en garde du banquier lors de son engagement de caution.

     

    La Chambre commerciale (Cass. com. 3 mai 2006, n° 04-19.315) avait déjà consacré le devoir de mise en garde de la caution profane, en parallèle de l’emprunteur. En effet, la caution devait être avertie si son engagement était disproportionné à sa surface financière. Restait tout de même une ambigüité : la banque devait-elle aussi l’avertir du risque d’endettement de l’emprunteur ? C’est à cette question que la Haute Juridiction s’est attachée à répondre.

     

    La Cour a d’abord pris le temps de constater que Madame X était bien une caution profane, justifiant que « l’opération était vouée à l’échec dès son lancement ». Puis, en vertu de l’article 1147 du Code civil, elle a jugé qu’une caution non avertie devait être mise en garde en cas de « risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation aux capacités financières de l’emprunteur ». Par conséquent, la garante aurait dû être avertie du danger d’endettement de la société emprunteuse.

     

    La Cour de cassation impose ici à la banque une obligation contraire à son intérêt immédiat, qui est d’obtenir la caution d’un bon garant pour « sécuriser » un prêt potentiellement à risque.

     

    Cet avertissement est susceptible de rendre moins probable l’opération dans son ensemble tant la caution risque d’y réfléchir à deux fois avant d’accorder sa garantie à un prêt dont la banque elle-même l’avertit qu’il est « inadapté aux capacités financières de l’emprunteur ». Et d’ailleurs, si tel est le cas, on se demande pourquoi la banque accorde un prêt à un tel emprunteur.

     

    Dans les faits, il est à craindre que les banques ne satisfassent pas au devoir de mise en garde tel qu’institué par l’arrêt ici commenté et prétendent que le prêt accordé n’était pas inadapté aux capacités financières de l’emprunteur.

     

    Les contentieux risquent donc d’être nombreux et il reviendra à la caution souhaitant échapper à son engagement de prouver (i) que le prêt n’était pas adapté à ses capacités financières, (ii) que le prêt était inadapté aux capacités financières de l’emprunteur, (iii) que la banque a manqué à son devoir de mise en garde.

     

    Ajoutons que les contentieux risquent d’autant plus de se multiplier que la jurisprudence est rétroactive, puisque nous vivons dans la fiction juridique que la Cour de cassation ne « dit » pas le droit, mais se borne à l’interpréter. Ignorant qu’elles étaient soumises au devoir de mise en garde de la caution (qui s’ajoutait à celui de l’emprunteur), les banques ne se sont donc pas pliées à une contrainte dont elles ignoraient l’existence…

     

    Dans le cas de l’espèce examinée, Madame X s’est-elle vue attribuée 40 000 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de ne pas contracter sur le fondement de la responsabilité contractuelle du banquier. Une belle indemnisation, au vu de la somme de 60 000 euros de crédit octroyé !

    Me Xavier Chabeuf et Monsieur Stéphane Scheftsik de Szolnok 

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  • Le développement de certaines pratiques managériales considérées comme étant à l’origine de dépressions et d’anxiété a conduit récemment La France insoumise à former une proposition de loi pour la reconnaissance du « burn out » comme maladie professionnelle. Proposition rejetée par L’Assemblée ce jeudi 1er février 2018.
     

    De quoi s’agit-il ?

    Burn out et maladie professionnelleUne maladie professionnelle est une maladie en lien avec l’activité professionnelle. Elle est la conséquence de l'exposition, plus ou moins prolongée, à un risque qui existe lors de l'exercice habituel de la profession. La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie revêt pour le salarié un enjeu important tant sur le plan financier (maintien de salaire, indemnités journalières majorées) que sur le plan du contrat de travail (statut protecteur, indemnités de rupture majorées en cas de licenciement pour inaptitude).


    Il existe une centaine de « tableaux des maladies professionnelles » qui classent les différentes maladies et désignent les travaux susceptibles d’en être à l’origine. Par exemple, le tableau n°57 relatif aux « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » prévoit la « tendinite » en cas de « travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts ».


    Lorsque la maladie est référencée dans un de ces tableaux et a été contractée dans les conditions prévues auxdits tableaux, elle est présumée d'origine professionnelle et la reconnaissance est automatique.


    Lorsque cela n’est pas le cas, la reconnaissance en tant que maladie professionnelle est possible (on parle de maladie « hors tableau ») mais seulement au terme d’un processus long et aléatoire. En effet, si la pathologie n’a pas entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %, le dossier est transmis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), qui va mener une expertise médicale afin d'établir, le cas échéant, le lien direct entre la maladie et le travail habituel. Puis il existe des voies de recours contre la décision du CRRMP, devant la Commission de Recours Amiable (CRA), puis le Tribunal des affaires sociales de sécurité (TASS), la Cour d’appel et, en dernier ressort, la Cour de Cassation. Autant dire que le chemin peut être long.


    C’est dans cette seconde catégorie (hors tableaux) que se situent actuellement les maladies dites « psychiques » puisqu’à ce jour, il n'existe pas de tableau des maladies professionnelles pour les pathologies telles que la dépression, le syndrome d'épuisement professionnel et autre surmenage.


    Me Manuel Dambrin

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  • Fait-il trop froid pour aller travailler ?Goutte au nez, glissades, chutes, hypothermie, gelures ... N’en jetez plus, l'exposition à de faibles températures pendant le travail peut entraîner des risques pour la santé des salariés. Il est donc important de connaitre les règles applicables.


    Le Code du travail ne fixe aucune température minimum ou maximum précise à partir de laquelle il conviendrait de cesser de travailler.
     

    Certains règlements traitent cependant des conséquences du froid sur l'état de santé des salariés et fixent des règles, tout en laissant une assez large place à l’interprétation :
    Pour le travail en intérieur l’article R.4223-13 du code du travail dispose que « Les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide. Le chauffage fonctionne de manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune émanation délétère ».


    L’article R.4213-7 ajoute que « Les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l'adaptation de la température à l'organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs ».


    Pour les salariés travaillant en extérieur l’article R.4225-1 du code du travail dispose que les postes de travail doivent être aménagés de telle sorte que les travailleurs soient, « dans la mesure du possible », « protégés contre les conditions atmosphériques » et « ne puissent glisser ou chuter ».


    Par ailleurs, l’article R.4223-15 prévoit que « L'employeur prend, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, toutes dispositions nécessaires pour assurer la protection des travailleurs contre le froid et les intempéries ».


    Concrètement, lorsqu’ils estiment que les conditions climatiques mettent leur santé en danger, les salariés peuvent décider d'exercer leur droit de retrait prévu par l’article L.4131-1 du Code du travail selon lequel un salarié peut exercer ce droit s'il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Le bienfondé de l'exercice du droit de retrait relève d’une appréciation au cas par cas en fonction des circonstances de fait (degré de température, nature des fonctions des salariés, exposition du poste, etc..).


    Pour se retirer d’une telle situation de travail, le salarié alerte son employeur mais n'a pas à obtenir son accord. L'exercice de ce droit n'est soumis à aucune formalité. La jurisprudence considère notamment qu'il ne peut pas être subordonné à la saisine du CHSCT.


    L'absence d'accord de l'employeur ne peut donc pas justifier le licenciement, qui doit être considéré comme nul (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n° 14-21272).


    Si l'exercice du droit de retrait est justifié, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié. Ce dernier doit donc percevoir l'intégralité de son salaire. Si le danger persiste, l'employeur ne peut pas imposer au salarié de reprendre son travail.


    Me Manuel Dambrin

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  • Un véhicule momentanément arrêté sur une voie de circulation pour une cause autre qu’un événement de force majeure est un véhicule en circulation. Le conducteur d’un tel véhicule peut donc être poursuivi du chef d’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation.

    Non mais "Allo" quoi !?C’est ce qui résulte de l’arrêt rendu le 23 janvier dernier par la Chambre Criminelle de la cour de cassation (N°17-83.077) dans les circonstances suivantes :

    L’automobiliste avait été contrôlé alors qu’il faisait usage d’un téléphone en étant assis au volant de son véhicule, qui stationnait sur la file de droite d’un rondpoint avec les feux de détresse allumés. La question de savoir si le moteur était en marche constituait un point de désaccord puisque le contrevenant soutenait qu’il avait coupé le moteur, tandis que le procès-verbal de renseignement judiciaire indiquait le contraire.

    Pour demander la relaxe, l’impétrant se référait à l’article R. 412-6-1 du code de la route dont l’alinéa 1 dispose que « l’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit », subordonnant ainsi la commission de l’infraction au fait que le véhicule soit « en circulation », ce qui n’était pas le cas, selon lui, d’un véhicule à l’arrêt.

    Mais cette thèse est écartée au motif que « doit être regardé comme étant toujours en circulation, au sens et pour l’application de l’article R. 412-6-1 du code de la route, le véhicule momentanément arrêté sur une voie de circulation pour une cause autre qu’un événement de force majeure ».

    La solution aurait été différente si le véhicule avait été régulièrement stationné sur place réservée à cet effet. Dans ce cas l’article R. 412-6-1 du code de la route est inapplicable car l’obligation de se tenir constamment en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres nécessaires ne s’appliquent qu’au conducteur d’un véhicule en circulation.
     

    Me Manuel Dambrin

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