• "Bore-out"

    "Bore-out"A l’opposé du bien connu « Burn-out » qui peut être défini comme un épuisement lié généralement à un stress intense et/ou une surcharge de travail, le « Bore-out » correspond à une autre forme d’épuisement, provoqué par un manque de travail, l’ennui ou le désœuvrement.

    Au même titre que le « Burn-out », le « Bore-out » peut caractériser un harcèlement moral ; c’est la leçon à tirer de l’arrêt rendu par la Cour de Paris le 2 juin 2020 (Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, n° 18/05421).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le salaire occupait un emploi de Responsable des services généraux et, durant une période d’arrêt maladie, il avait été licencié pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif, ainsi que le permet la jurisprudence.

    Au soutien de la contestation de son licenciement, le salarié faisait principalement valoir qu’il ne s’était plus vu confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles, et qu’il avait été affecté à des travaux subalternes. Pour en justifier il produisait, entre autres éléments, des attestations de collègues témoignant de cette situation : « Il me demandait très régulièrement si je n’avais pas du travail à lui confier pour qu’il se sente utile et utilise ses compétences comme on aurait dû les utiliser […] » ; « il s’est dès lors vu retirer ces fonctions de coordinateur et il n’a plus eu la possibilité d’organiser les séminaires des différents départements […] ».

    La Cour d’appel a considéré que ces témoignages, dont l’absence de valeur probante ne pouvant être déduit du seul fait que leurs auteurs avaient été en litige avec l’employeur, établissaient « le manque d’activité et l’ennui » dont se plaignait le salarié et que « l’état dépressif éventuel préexistant du salarié n’était pas de nature à dispenser l’employeur de sa responsabilité ». En outre, pour les juges, le fait que le salarié n’ait jamais contesté sa situation ni oralement ni par écrit avant sa saisine du conseil de prud’hommes ne suffisait pas à établir que les faits qu’il dénonçait, n’étaient pas avérés.

    Rappelons en effet qu’en matière de harcèlement moral, le salarié n’a pas à prouver l’existence d’un harcèlement moral mais qu’il doit seulement, selon l’article L. 1154-1 du code du travail, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

    Aussi bien, considérant que l’employeur échouait à démontrer que les agissements dénoncés étaient étrangers à tout harcèlement moral, la Cour a jugé que le harcèlement était établi.

    En conséquence, la Cour a alloué au salarié 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral mais, surtout, elle a annulé le licenciement prononcé, aux termes d’une motivation désormais classique, selon laquelle : « Lorsque l’absence prolongée d’un salarié est la conséquence d’une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut, pour le licencier, se prévaloir du fait qu’une telle absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Le licenciement est dès lors nul ».

    Me Manuel Dambrin

     

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