• Condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt immobilier : gare aux excès de zèle !

    Il est assez rare que les acquisitions immobilières par des particuliers ne nécessitent pas la souscription d'un emprunt bancaire permettant de financer le bien visé, même en cas d'apport substantiel.

    La promesse de vente du bien contient presque toujours une condition suspensive relative au financement dont la rédaction revêt une importance considérable, et ce pour deux raisons :

    - il est usuellement prévu une clause pénale dans la promesse de vente, dans laquelle il est convenu que si l'une des parties renonce à régulariser l'acquisition par acte authentique dans le délai prévu dans la promesse, la partie qui est en défaut (qui renonce) doit verser à l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, une somme correspondant généralement à 10 % du prix de vente. Cependant, si le candidat à l'acquisition n'a pas véritablement renoncé, mais s'est vu refuser un concours bancaire, il échappe au règlement de la clause pénale.

    - dans la période actuelle, les conditions de prêt sont historiquement favorables aux emprunteurs et les taux d'intérêt sont extrêmement bas (merci l'euro !). Cependant, les Banques sont très sélectives et ne réservent ces conditions qu'aux bons dossiers (avec un apport minimal et un taux d'endettement raisonnable), à telle enseigne que nombre de promesses de vente ne se concrétisent pas par la signature d'actes authentiques. La condition suspensive relative au financement est donc bien plus fréquemment sollicitée qu'elle n'a pu l'être dans le passé.

    Afin de se prémunir de l'éventuelle procrastination des acquéreurs - de bonne ou de mauvaise foi, peu importe - ou des revirements d'opinion dissimulés en refus de financement bancaire, les vendeurs ont eu tendance à solidement encadrer la condition suspensive (taux et durée du prêt, nombre de banques à approcher, ...) afin de s'assurer que le candidat à l'acquisition va sérieusement se mettre en quête d'un prêt bancaire, processus long et parfois un peu pénible.

    Il en va d'autant plus ainsi que la durée de réalisation de la condition, et donc d'obtention du financement, tourne souvent aux alentours de deux mois, et que la moindre difficulté (désorganisation bancaire, difficulté d'ordre médical chez l'emprunteur,...) est susceptible de faire déraper le processus et de rendre difficile la réalisation de la condition dans le délai imparti.

    La tendance s'est donc généralisée de l'obligation pour le candidat à l'acquisition de déposer ses demandes de prêt dans un délai déterminé dans la promesse de vente et à en justifier auprès du vendeur. Ce délai est souvent court, de 10 jours par exemple.

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    Cette exigence doit être réputée non écrite et ne s'impose donc pas au promettant, candidat à l'acquisition.

    Telle est la solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 février 2014 (Pourvoi n° 12-27.182), qui a considéré que les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 du Code de la consommation interdisaient d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un certain délai, cette obligation contractuelle étant de nature à accroître les exigences de ce texte.

    Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, un couple avait signé une promesse de vente d'une maison assortie d'une double  condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt et au dépôt d'une demande de prêt dans un délai de dix jours. Aucune demande de prêt n'ayant été déposée dans ce délai par le candidat à l'acquisition, les vendeurs l'ont assigné en paiement de la clause pénale. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence les a déboutés de leur demande, solution approuvée par la Cour de cassation.

    En effet, aux termes de l'article L. 312-16 du Code de la consommation, la durée dans laquelle doit être réalisée la condition suspensive ne peut pas être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de la promesse. Cette disposition étant d'ordre public, il n'est pas possible d'y déroger, notamment par contrat. Il en résulte qu'un acheteur ne peut pas être obligé de déposer une demande de prêt dans un délai inférieur à un mois. 

    Tel est le premier enseignement de cet arrêt.

    Le second est que le dépôt d'une demande auprès d'un courtier en prêts immobiliers satisfait à l'obligation de déposer une demande de prêt auprès d'une Banque contenue dans la promesse de vente.

    Voilà qui allège considérablement la charge pesant sur le candidat à l'acquisition, lequel n'est pas tenu de déposer plusieurs dossiers de financement dans des établissements bancaires différents, mais peut se borner à ne déposer qu'un seul dossier auprès d'un courtier qui, lui, va démarcher différentes banques afin de proposer les meilleures conditions à son mandant. Tout dépend cependant de la rédaction de la condition suspensive, laquelle désigne parfois précisément les Banques à approcher. Il faut alors s'y conformer.

    En tout état de cause, et même si cet arrêt doit être approuvé en ce qu'il évite de faire peser des contraintes excessives sur le bénéficiaire de la promesse, candidat à l'acquisition, il est évidemment avisé de ne point tarder après la signature de la promesse de vente pour déposer un dossier de financement auprès d'une banque : le temps imparti par la promesse paraît souvent confortable de prime abord, mais est rapidement consommé, les démarches administratives, examens médicaux, et lourdeurs du fonctionnement interne des banques constituant parfois un véritable parcours du combattant pour le candidat à l'acquisition.

    Me Xavier Chabeuf

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