• Discrimination et harcèlement moral : indemnisations cumulatives

    La réparation des préjudices liés aux conditions de travail n’en finit pas de s’accroître.

     

    En effet, la jurisprudence, consciente des problématiques actuelles de souffrance au travail, et soucieuse de protéger toujours mieux le salarié contre les violations par l’employeur de ses obligations contractuelles, interprète de manière toujours plus extensive les dispositions du Code du travail.

     

    C’est ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt récent rendu le 3 mars 2015 (Cass. Soc., 3 mars 2015, n°13-23.521), indique de manière très claire le caractère cumulatif des indemnisations respectives de plusieurs préjudices résultant des conditions de travail du salarié, tels que la discrimination et le harcèlement moral.

     

    En l’espèce, une salariée, à la suite de plusieurs congés maternité successifs, avait vu son activité professionnelle graduellement diminuée, entraînant pour elle une diminution de sa rémunération, dont une part importante était variable, et lui occasionnant un sentiment vexatoire d’être « mise au placard ».

     

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    Elle avait alors saisi les juridictions du travail, demandant, notamment, la réparation des préjudices matériels et moraux résultant, d’une part, d’une discrimination fondée sur son état de grossesse, et d’autre part, des faits de harcèlement moral dont elle avait été victime.

     

    La Cour d’appel de Paris, après avoir retenu l’existence en l’espèce d’une discrimination fondée sur l’état de grossesse de la salariée et alloué à celle-ci une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé, rejette la demande d’indemnisation au titre du harcèlement moral, retenant que « les griefs invoqués pour caractériser le harcèlement sont les mêmes que ceux qui ont permis à la cour de retenir l’existence d’une discrimination et que le préjudice est également identique dès lors que les dommages-intérêts indemnisent le préjudice moral qui a effectivement été subi. »

     

    Ainsi, pour la juridiction du second degré, la discrimination et le harcèlement moral s’excluraient mutuellement, dès lors que les faits qui en sont l’origine et les préjudices qui en résultent sont identiques dans les deux hypothèses.

     

    La Cour de cassation rejette cette argumentation et casse l’arrêt d’appel, jugeant que « les obligations résultant des articles L. 1132-1 [prohibant la discrimination] et L. 1152-1 [prohibant le harcèlement moral] du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques. »

     

    Pour la haute juridiction, les préjudices causés par les faits de discrimination (« résultant de la privation d’une partie des fonctions de l’intéressée après retour de ses congés maternité ») et par ceux de harcèlement moral (« résultant de l’atteinte à la dignité et à la santé de la salariée ») sont distincts et en tant que tel, appellent deux indemnisations distinctes.

     

    La Cour de cassation se place ici très clairement en faveur du salarié, n’hésitant pas à démultiplier les préjudices pour permettre une meilleure indemnisation de ce dernier.

    Ma Manuel Dambrin et Monsieur Hugo Tanguy (élève avocat)

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