• « Motivé, motivé » : la garantie d’un jugement compréhensible

    Dans l’affaire ici commentée (Cass. Crim., 1er février 2017, n° 15-85.199, B), un dirigeant de deux sociétés avait été reconnu coupable d’abus de biens sociaux et condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir transféré la quasi-totalité du bénéfice comptable de l’une vers l’autre, entraînant ainsi la cessation de paiements de la société ponctionnée et l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Il s’était également vu infliger une peine complémentaire de cinq ans d’interdiction de gérer une société commerciale, en application de l’article L. 249-1 du code de commerce.

     

    Devant la Cour de cassation, le dirigeant indélicat faisait valoir que ladite peine complémentaire prononcée à son encontre était disproportionnée au regard de la liberté d’entreprendre et de travailler.

     

    Se posait donc la question de la motivation de la peine et du degré de contrôle du juge de cassation à cet égard.

     

     

     

    Jusqu’à présent, la chambre criminelle estimait que, sans avoir à s’en expliquer, les juges répressifs appréciaient, dans les limites fixées par la loi, la sanction à infliger à l’auteur d’une infraction (voir notamment : Cass. Crim., 14 mai 1998, n° 96-84.622, B. n° 163).

     

    Mais l’arrêt commenté marque une évolution significative.

     

    En effet, la Cour de cassation y énonce qu’« en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ».

     

    Elle estime, au cas présent, que le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de gérer se trouve justifié au regard de ces critères, la cour d’appel ayant relevé que :

    •   le prévenu avait suivi une école de commerce ;
    • qu’il était dirigeant de société depuis 1978 ;
    • qu’il avait repris la gérance de la société placée
      en redressement judiciaire en novembre 2013 ;
    • qu’il ne percevait pas de rémunération au titre de sa gérance et qu’il bénéficiait de revenus fonciers de l’ordre de 10 000 € par mois ;
    • qu’il avait privilégié les intérêts de ladite société dans laquelle il avait des intérêts, et délibérément sacrifié l’autre société et placé celle-ci dans l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Cette nouvelle exigence de motivation, qui permet une meilleure compréhension par le justiciable des peines prononcées à son encontre et dissipe le sentiment d’arbitraire, ne peut qu’être saluée.

    Elle permettra un approfondissement du débat contradictoire sur la nature et le quantum des peines prononcées et, surtout, vient corriger l’incongruité de l’absence de motivation de condamnations pouvant atteindre dix années de prison ferme.

    Cela semble être la moindre des choses.

     

     

    Me Xavier Chabeuf