• Prise d'acte de la rupture et préavis : attention au retour de bâton !


    Prise d'acte de la rupture et préavis : attention au retour de bâton !Le mécanisme de la « prise d’acte » de la rupture du contrat de travail est maintenant bien connu. Il s’agit de l’initiative que prend le salarié de notifier à son employeur la rupture de son contrat de travail, sans pour autant démissionner, mais en raison de faits qu’il lui reproche (non-paiement de salaires, harcèlement,…).

    La démarche consiste ensuite à saisir le Conseil de Prud'hommes pour faire requalifier cette « prise d’acte » en licenciement.

    L’alternative est alors la suivante :

    Soit le juge estime que les faits pour lesquels le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail sont réels et suffisamment sérieux, et dans ce cas il fera produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement abusif : le salarié, réputé licencié abusivement, percevra une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

    Soit, au contraire, le juge estime que les griefs invoqués au soutien de la prise d’acte ne sont pas réels ou suffisamment sérieux (par exemple parce qu’ils étaient trop anciens ou véniels), et dans ce cas il fera produire à la prise d’acte les effets d’une démission : le salarié ne perçoit aucune indemnité.

    C’est quitte ou double.

    Dans le cas où la prise d’acte est requalifiée en démission, se pose avec acuité la question du préavis.

    Lorsqu’il démissionne purement et simplement, le salarié est débiteur envers l’employeur de l’exécution d’un préavis, généralement de deux ou trois mois. S’il ne l’exécute pas, il est redevable envers son ancien employeur d’une indemnité compensatrice de préavis.

    En cas de prise d’acte, le salarié n’aura généralement pas exécuté son préavis car l’exécution d’un préavis aurait pu affaiblir son dossier en incitant le juge à considérer que les griefs invoqués au soutien de la prise d’acte ne sont pas sérieux.

    En effet, même s’il a pu être jugé que l’exécution d’un préavis par le salarié n’était pas forcément incompatible avec la requalification de la prise d’acte en licenciement abusif (Cass. Soc., 2 juin 2010 et 9 juillet 2014), il reste que la prise d’acte, pour être requalifiée en licenciement abusif, suppose traditionnellement des manquements « empêchant la poursuite du contrat de travail », ce qui est difficilement conciliable avec l’exécution d’un préavis.

    Aussi, utilisée de manière hâtive ou irréfléchie la prise d’acte peut se retourner contre son auteur, comme l’illustre un arrêt de la Cour de Paris du 13 janvier 2017 (n° 13/09318).

    Dans cette affaire, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur sa déloyauté et à ses méthodes managériales consistant à imposer des missions aux consultants, à les leur imposer même s’ils n’ont pas les compétences pour les remplir, à donner justement de fausses informations sur leurs compétences, etc…

    Considérant cependant que le salarié n’établissait pas suffisamment ces manquements, la Cour d’appel a jugé que la rupture du contrat de travail n’était pas imputable à l’employeur et qu’elle devait produire les effets d’une démission. Rappelant ensuite que lorsque le salarié démissionnaire ne respecte pas le délai de préavis, l’employeur peut prétendre au versement, par le salarié, de l’indemnité compensatrice de préavis, elle a condamné le salarié à verser une somme de 10.250 € à ce titre.

    Me Manuel Dambrin

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