• Dessine-moi une procédure prud'homale

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  • Droit de retraitLe « droit de retrait » est la faculté pour tout salarié de se retirer individuellement d’une situation de travail dont il a des motifs raisonnables de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Lorsque le droit de retrait est justifié il ne peut entrainer ni sanction ni retenue de salaire.

    Le danger doit être grave, c’est-à-dire susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. Il peut résulter soit d’une cause exogène au salarié (outils dangereux, pandémie, …), soit être lié à son état de santé (allergie, handicap, …).

    Le danger doit être imminent, c’est-à-dire susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché. Mais il n’est pas nécessaire que le risque se réalise pour légitimer le droit de retrait.

    Le salarié qui exerce son droit de retrait doit prévenir son employeur mais un écrit, s’il est souhaitable, n’est pas requis.

    En cas de divergence sur la réalité du danger ou son caractère imminent, l’employeur doit saisir le comité social et économique (CSE) dans un délai n’excédant pas 24 h ou, à défaut de CSE, l’inspecteur du travail. Si, finalement, il s’avère que le salarié n’avait pas de motif raisonnable de cesser le travail, une retenue sur salaire et/ou une sanction seront possibles.

    La difficulté viendra du fait que le « motif raisonnable » de craindre pour sa vie ou sa santé est apprécié in concreto, c’est-à-dire au cas par cas, en fonction des seules circonstances de la cause, telles que l’âge du salarié, ses aptitudes, le contexte, … (par opposition à une appréciation in abstracto qui ferait abstraction des circonstances en se référant à un modèle de conduite objectif).

    En période de pandémie, le droit de retrait peut être exercé par le salarié qui doit travailler au contact du public ou avec d’autres salariés, si l’employeur ne respecte pas les règles de prévention et de sécurité (pas de fourniture de masque, de gants, pas de mise à disposition de gel hydroalcoolique, non-respect des règles de distanciation, …).

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Quand l'inspecteur du travail est plus dangereux que la Covid-19C’est une affaire de boulangerie dans laquelle l’inspecteur du travail avait prétendu constater des manquements en termes de santé et de sécurité des salariés au regard des risques liés au coronavirus.

    Il avait saisi le juge en référé sur le fondement des dispositions générales du code du travail lui permettant de demander au juge d’ordonner toutes mesures propres à faire cesser un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur mais la particularité de cette affaire est qu’il avait aussi fondé ses demandes sur les dispositions spécifiques du code concernant la prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques (articles L. 4421-1 et R.4421-1).

    Ces textes visent les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. D’après la doctrine du Ministère, il s’agit des professionnels systématiquement exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (professionnels de santé et de secours) et des travailleurs dont les tâches impliquent des contacts de moins d'un mètre avec les personnels contaminés.

    Or, s'il n'est pas contestable que le virus Covid-19 est un agent biologique pathogène, l'activité de boulangerie, ne compte pas parmi les activités pouvant conduire à exposer les travailleurs à de tels agents.

    Aussi est-ce sans surprise que, dans une ordonnance de référé du 30 avril 2020 (RG 20/00365), le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a rejeté ce fondement de la demande en précisant que la réglementation sur les agents biologiques n’a pas pour finalité de s’imposer à l'ensemble des commerces et activités professionnelles recevant du public en période de pandémie.

    Mais le juge ne s’arrête pas là, une fois écarté l’application des dispositions sur la prévention des risques biologiques, il constate que les mesures de prévention appliquées par l’employeur sont suffisantes :

     Une distance d'un mètre au moins entre les salariés et la clientèle ;

     Un sens de circulation dans le magasin, conformément aux préconisations applicables dans la vente depuis la crise sanitaire ;

     Des salariés disposant de masques, de gel hydroalcoolique et de gants ainsi que d'une visière en plexiglas ;

     Une organisation de l'activité adaptée en termes d'horaires de travail ;

     Une procédure de paiement limitant les contacts de la main à la main ;

     Des consignes d'utilisation des équipements de protection individuelle, du lavage des mains et l'organisation du travail (notes de service, affiches) et sensibilisation à ces pratiques ;

    En outre, la société justifiait de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques et l’inspecteur n’avait pas précisé en quoi le document établi était insuffisant.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • La fraude à l'activité partielle sous toute ses formesTandis que l’Etat a mis en place un dispositif exceptionnel d’activité partielle pour soutenir l’économie en assouplissant les conditions d’éligibilité à ce dispositif (application rétroactive à compter du 1er mars 2020, amélioration du montant financier pris en charge par l’Etat, procédure et conditions simplifiée, délais de traitement raccourcis), certains employeurs indélicats rivalisent d’ingéniosité pour frauder le système.

    L’instruction du 14 mai 2020 de la Direction Générale du Travail renseigne sur la typologie des fraudes que les entreprises ont pu commettre, de la plus classique à la plus sophistiquée.

    Ont peut citer bien sûr le cas des salariés qui ont continué à travailler pendant leurs heures de chômage partiel, notamment en télétravail, réalisant ainsi un travail dissimulé.

    Le cumul congés (ou arrêt maladie) et chômage partiel est aussi un grand classique : le salarié est en congé ou en arrêt maladie et perçoit ses indemnités pendant la période d’activité partielle.

    Les fausses déclarations ne sont pas en reste : gonflement des salaires (l’employeur déclare des taux horaires supérieurs au réel), nombre d’heures de chômage partiel déclarées supérieur au nombre d’heures effectivement chômées.

    Le recours à la sous-traitance ou à l’intérim a pu être constaté : mise en activité partielle des salariés et utilisation de la sous-traitance ou de l’intérim ou de la prestation de services internationale pour prendre temporairement en charge l’activité normalement réalisée par les salariés.

    Mais le must reste incontestablement le salarié fictif : l’employeur déclare en activité partielle un salarié fictif, ou embauche un salarié et le place immédiatement en activité partielle avec un salaire important et rompt le contrat avant la fin de la période d’essai.

    Face à ces dérives, différents contrôles sont diligentés, sur pièces ou sur place, qui peuvent conduire à des sanctions sur le plan pénal (peines pouvant atteindre 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour de fausses déclarations) et administratif (exclusion pour une durée maximale de 5 ans de l’accès à certaines aides publiques, remboursement des aides accordées ...).

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Le moins que l'on puisse dire, c'est que le fonctionnement de la justice n'est pas apparu comme une priorité gouvernementale depuis le 16 mars dernier (cf. notre article du 25 mars 2020 : ici).

    Sauf urgences extrêmes, notamment en matière pénale, les juridictions sont à l'arrêt : les décisions qui devaient être rendues depuis le 16 mars ne le sont pas, les audiences ne se tiennent pas, les greffes ne répondent pas, les délais de procédure sont semble-t-il suspendus (mais l'on ne saurait prendre le risque de ne pas respecter les délais de procédure initialement fixés), aucune perspective n'est donnée concernant les dates de renvoi des dossiers ni la tenue des audiences. 

    Le pouvoir a manifestement renoncé à exercer cette fonction régalienne par excellence qui consiste à trancher les litiges entre ses concitoyens, à dire le droit, à juger. 

    Il a déserté en rase campagne, tétanisé par la peur.

    Pourtant, il aurait été possible de tenir des audiences en limitant le nombre de personnes présentes à l'audience, en imposant le port du masque, en mettant à disposition du gel hydroalcoolique. En organisant des audiences par visioconférence, comme cela se fait devant le Tribunal de commerce (cf. infra).

    On se demande aussi ce qui empêche la Cour d'appel et le Tribunal judiciaire de rendre des arrêts et des jugements dans des affaires qui ont déjà été plaidées. Sans doute les greffes sont-ils immobilisés, mais des solutions ne pouvaient-elles pas être trouvées ? Lorsque l'on constate avec quelle facilité le Gouvernement a mis en place des régimes d'exception par ordonnance, à titre temporaire, on se dit que c'est surtout la volonté qui a fait défaut.

    Les conséquences ne sont pas minces dans tous les contentieux de droit immobilier, de droit de la construction, de droit de la copropriété, de droit de la famille et du patrimoine, de droit des procédures d'exécution.

    Cette situation fait la part belle aux mauvais payeurs, aux contractants malhonnêtes et opportunistes, à tous les coupables d'infractions civiles. 

    L'Etat, omniprésent et impotent, a disparu, l'impunité règne.

    Les juridictions parisiennes déconfinent

    Toutes ces matières relèvent du Tribunal judiciaire, anciennement Tribunal de grande instance, et de la Cour d'appel, il faut le souligner. 

    Car toute autre est l'organisation du Tribunal de commerce de Paris. 

    Celui-ci, dès les premiers jours du confinement, a continué à assurer ses missions en matière de défaillance d'entreprises et d'assistance portées à ces dernières. 

    Les magistrats consulaires (issus de l'entreprise, élus, non professionnels, et non rémunérés) ont tout mis en oeuvre avec les greffes de tribunaux de commerce (privatisés et assurés par des professionnels libéraux) pour trouver une solution de continuité de l'activité de la juridiction commerciale compatible avec le respect de la sécurité sanitaire.

    C'est ainsi que les greffes des Tribunaux de commerce, où s'effectuent toutes les démarches liées à la vie des entreprises, fonctionnent de manière dématérialisée.

    C'est ainsi, aussi, que les audiences devant les juridictions contentieuses ont repris. Il est alors offert la possibilité aux parties, soit de déposer leur dossier, soit de plaider leur dossier en visioconférence. J'ai personnellement expérimenté le procédé et il est efficace. Il faudra évidemment revenir aux audiences "physiques" lorsque la crise sanitaire sera derrière nous (si si, ce jour viendra), mais cette solution pourrait être conservée à titre subsidiaire si les parties ne s'y opposent pas.

    Quant aux procédures collectives (redressement et liquidation judiciaires, notamment), cela fait près d'un mois que les audiences en visioconférence sont la règle devant le Tribunal de commerce. Là encore, j'ai pu expérimenter l'excellent fonctionnement de la plate forme de visioconférence TIXEO utilisée par le Tribunal de commerce de Paris, qui offre le double avantage d'être française et cryptée. Un simple ordinateur portable suffit, le téléchargement de l'application prenant cinq minutes.

    Le déconfinement a déjà commencé au Tribunal de commerce de Paris, qui remplit sa mission de service public avec détermination.

    Au Tribunal judiciaire, le plan de continuité de l'activité reste modeste.

    Dans le domaine que nous suivons au Cabinet Cardinal (chambres civiles avec représentation obligatoire et procédure écrite en droit des contrats, droit de la famille, droit des biens, droit de l'immobilier et de la construction, droit bancaire, départage prud'homal), tous les dossiers clôturés dans lesquels une audience de plaidoirie devait se tenir entre le 16 mars et le 10 mai sont traités selon la procédure sans audience : les dossiers sont examinés sur pièce, la procédure est exclusivement écrite.

    Il en ira de même pour tous les dossiers fixés à une audience de plaidoirie entre le 11 mai et le 24 juin. 

    Les parties peuvent s'opposer à une telle procédure sans audience, sans que l'on sache si l'audience se tiendra à la date initialement prévue au Palais de justice, à une date ultérieure non encore fixée, ou selon d'autres modalités non précisées.

    Il est toujours intéressant de vous demander de choisir lorsque l'on ignore la teneur de l'alternative proposée...

    L'incitation est claire de déposer le dossier, ce qui va dans le sens de la volonté contemporaine de décourager les avocats de plaider dans les procédures écrites. Ces affaires sont pourtant complexes et, si la plaidoirie n'est pas la simple répétition des conclusions déposées (ce qui s'observe trop souvent) mais s'efforce de clarifier les enjeux et de dire ce qui n'a pas pu être écrit, elle est éminemment utile. 

    La solution idéale était sans doute de privilégier l'audience en visioconférence. On ne peut que souhaiter voir les magistrats professionnels du Tribunal judiciaire s'inspirer des bonnes pratiques et de l'efficacité du greffe et des magistrats du Tribunal de commerce.

    Me Xavier Chabeuf

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  • COCID-19, cas de force majeure ?La crise sanitaire engendrée par le COVID-19 peut-elle constituer un « cas de force majeure » permettant à l’employeur de rompre une promesse d’embauche, ou un contrat signé dont l’exécution n’aurait pas commencé ?

    Rien n’est moins sûr.

    Il faut d’abord que l’on soit en présence d’une véritable proposition d’embauche, c’est-à-dire d’une lettre ou d’un courriel précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonctions, acceptée dans le délai imparti par l’employeur ou dans un délai considéré comme raisonnable. A fortiori, un contrat signé fera l’affaire. 

    Il faut ensuite que l’on soit en présence d’un cas de force majeure, et c’est là que cela se complique.

    Le cas de force majeur se définit comme un événement extérieur, imprévisible et irrésistible (dans le sens d’insurmontable, rien à voir avec le pouvoir de séduction) ayant pour effet de rendre impossible l’exécution du contrat de travail.

    Les cas dans lesquels la jurisprudence admet que les éléments constitutifs de la force majeure sont réunis sont extrêmement rares en droit du travail.

    Ainsi, le placement en liquidation judiciaire d’un club de rugby qui avait signé une promesse d’embauche avec un joueur pour la saison n’a pas été considéré comme un cas de force majeure (Cour d’appel d’Aix en Provence du 11 avril 2014, n°13/11762), pas plus que la destruction totale des locaux d’une entreprise consécutive à un sinistre, l’employeur, appartenant à un groupe, n’établissant nullement que la destruction par l’incendie des bâtiments de production rendait impossible la reprise de l’exploitation, après reconstruction (Cass. soc, 7 déc. 2005, n° 04-42.907).

    En matière d’épidémie on peut citer un arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 22 novembre 2010 (RG n°09/00003) qui a considéré, en substance, que l’épidémie de Dengue de Martinique en 2007 ne constituait pas un cas de force majeure car cette épidémie n’était pas imprévisible en raison du caractère endémo-épidémique de cette maladie dans cette région et, n’était pas irrésistible compte-tenu de l’existence de moyens de prévention…

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Concilier reprise du travail et respect de l'obligation de sécurité en période de COVID-19Alors que la reprise de l’activité économique s’annonce malgré la permanence du risque de contamination par le COVID19, se pose avec acuité la question du respect par l’employeur de son obligation de sécurité.

    L’enjeu est multiple : si l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité, ses salariés peuvent exercer leur droit de retrait, prendre acte de la rupture de leur contrat de travail ou encore, si le risque se réalise, engager la responsabilité de l’employeur dans le cadre d’une action en reconnaissance d’une faute inexcusable.

    L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés » (article L. 4121-1 du Code du travail).

    L’article L. 4121-1 du Code du travail pose un certain nombre d’objectifs à l’employeur, dont :

     Eviter les risques ;

     Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

     Combattre les risques à la source ;

     Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

     Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

     (…)

    Le risque d’exposition au COVID19 est-il un « risque professionnel » ?

    On pourrait en douter dans la mesure où il n’est pas lié à l’exercice d’un emploi donné (même si certains sont plus exposés) mais affecte aussi les non travailleurs et les travailleurs dans leur vie privée.

    Mais ce serait méconnaitre la notion de « risque professionnel ».

    Il n’existe pas de « risque professionnel » par nature ; le risque est professionnel parce qu’il peut se réaliser pendant le temps et sur le lieu du travail et que l’employeur a la possibilité d’agir pour éviter sa survenance, en prenant des mesures d’information, de prévention, de formation, d’organisation, etc…

    Ainsi, « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail » (arrêt Air France du 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

    Concrètement et sans entrer dans le détail des actions qui seront possibles au cas par cas en fonctions des différentes configurations de travail, il s’agira pour l’employeur, de prendre des mesures telles que :

    - Recours au télétravail ;

    - Mise à disposition de gel hydroalcoolique ;

    - Distribution de masques ;

    - Respect des distances de sécurité (marquage au sol) ;

    - Installation d’hygiaphone et autres barrières ;

    - Aménagement ou individualisation des horaires pour éviter la présence simultanée de salariés en trop grand nombre ;

    - Roulement de personnel ;

    - Filtrage des entrées pour les établissements accueillant du public

    - Nettoyage régulier des locaux et des surfaces ;

    - 

    Au-delà de l’effectivité de ces mesures il importera à l’employeur d’être en mesure de rapporter la preuve de leur mise en place, d’où la nécessité d’une information collective (note de service) et individuelle. Le recours au constat d’huissier pourra être envisagé.

    Rappelons enfin que si l’obligation de sécurité et de prévention pèse principalement sur l’employeur, le salarié est aussi un acteur de sa propre sécurité et de celle de ses collègues puisqu’en vertu de l’article R.4122-1, « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Activité partielle (chômage partiel) : quelle base de calcul pour l'indemnité ?Le recours à l’activité partielle (aussi appelée chômage partiel) se généralise pour les nombreuses entreprises évoluant dans un secteur d’activité touché par la crise sanitaire liée au covid-19 et éprouvant actuellement d’importantes difficultés économiques.

    Pour rappel, cet outil permet aux entreprises qui font face à une réduction ou une cessation de son activité et de celle de ses salariés, de solliciter la prise en charge par l’Etat de la rémunération des salariés d’une entreprise dans certaines proportions.

    Dans un précédent article consacré au sujet (« Activité partielle ou chômage partiel : on vous dit tout ! », 28 mars 2020), nous avons exposé les motifs de recours à ce dispositif et ses modalités de mise en œuvre afin de permettre aux employeurs comme aux salariés de pouvoir le comprendre, dans la mesure où il s’agit d’un mécanisme dont il était fait peu de cas jusque très récemment.

    Il nous semble pertinent désormais de faire le point sur l’application concrète du dispositif, une fois l’autorisation délivrée l’administration, afin que le montant de l’indemnité versée par l’employeur et perçue par le salarié soit conforme aux dispositions encadrant le recours à l’activité partielle.

    En effet, si le dispositif prévoit le remboursement par l’État de l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur à son salarié, encore faut-il comprendre comment calculer le montant de cette indemnité afin d’éviter de voir fleurir les contentieux en la matière au terme du confinement.

    C’est ce que nous allons voir, en nous appuyant sur les dispositions légales et réglementaires, ainsi que sur la jurisprudence applicable en la matière.  

    L’article D. 5122-13 du code du travail tel qu’issu du Décret n°2020-325 du 25 mars 2020 dispose :

    « le taux horaire de l'allocation d'activité partielle est égal pour chaque salarié concerné à 70 % de la rémunération horaire brute telle que calculée à l'article R. 5122-12, limitée à 4,5 fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

    Ce taux horaire ne peut être inférieur à 8,03 euros. Ce minimum n'est pas applicable dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article R. 5122-18. »

    L’on comprend que c’est l’article R. 5122-12 du code du travail qui détermine les modalités de calcul de l’indemnité.

    Celui-ci précise que l’indemnité doit s’entendre selon un taux horaire fixé « à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés telle que prévue au II de l'article L. 3141-24 ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail ».

    L’article L. 3141-24 du code du travail est celui qui consacre la méthode de calcul dites « du maintien de salaire » utilisée pour l’indemnité de congés payés.

    L’indemnité d’activité partielle est donc calculée sur la base de l’assiette de l’indemnité de congés payés déterminée par la méthode du maintien de salaire.

    Quelles sommes doivent être incluses dans cette assiette ?

    La méthode du maintien de salaire prévoit que l’assiette d’indemnité de congés payés correspond à « la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler », laquelle dépend  « du salaire gagné dû pour la période précédant le congé » et « de la durée du travail effectif de l’établissement ».

    Concrètement, pour un salarié dont le seul élément de rémunération est un salaire de base de 2.000 € bruts, le calcul est simple : s’il prend un mois de congés, il percevra 2.000 € bruts, soit la rémunération qui aurait été perçue s’il avait travaillé.

    Le calcul se corse cependant pour le salarié qui perçoit plusieurs éléments de salaires, dont certains ont pour effet de faire varier sa rémunération d’un mois sur l’autre.

    Dans ce cas, deux questions se posent :

     (i) Quels sont les éléments de salaire qui doivent entrer dans l’assiette de  l’indemnité congés payés ?

    Selon la jurisprudence, « la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de congés payés est la rémunération totale du salarié, incluant les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en contrepartie ou à l'occasion du travail » (Cour de cassation, chambre sociale, 7 septembre 2017, n°16-16.643)

    A l’inverse, sont exclus les éléments de rémunération du salarié qui couvrent à la fois les périodes de travail et celles de congés payés ou qui ne sont pas liées à la performance du salarié (ex : prime de 13ème mois, prime de participation et/ou d’intéressement, primes exceptionnelles versées à la discrétion de l’employeur, remboursement de frais, indemnités journalières).

    En ce qui concerne la rémunération variable d’un salarié, la Cour de cassation considère que la prime qui dépend en tout ou partie des résultats produits par le travail de l'intéressé est nécessairement affectée pendant la période de congés payés (Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2016, n° 15-19475).

    En pratique et pour se repérer dans la foultitude de décisions rendues sur le sujet, il faut donc retenir que la rémunération variable qui subit une diminution du fait de la prise de ses congés par le salarié doit entrer dans l’assiette de l’indemnité de congés payés.

    La solution est donc à adapter au cas par cas.

     (ii) Quelle est la période qui doit être prise en compte pour le calcul de  l’indemnité  de congés payés ?    

    Maintenant que les éléments de salaire constituant l’assiette d’indemnité de congé a été précisée, il faut savoir sur quelle période il convient de se baser pour calculer précisément l’indemnité due au salarié.  

    L’article L. 3141-24 du code du travail n’est pas d’une grande utilité en ce sens puisqu’il fait seulement référence à la « période précédant le congé ».

    Il n’est ainsi pas précisé si l’indemnité est basée sur l’assiette de congés payés du dernier mois travaillé précédant les congés pris, ou bien la moyenne des trois derniers mois travaillés, des douze derniers mois travaillés ou encore de la période de référence servant de base au calcul du nombre de jours de congés payés (généralement du 1er juin N au 31 mai N+1).

    Cela a pourtant une incidence cruciale pour le salarié percevant une rémunération variable qui peut varier de façon importante selon les mois ou qui ne perçoit sa rémunération variable sur objectifs qu’une fois dans l’année.

    Dans cette hypothèse, la jurisprudence semble se prononcer généralement en faveur d’un calcul sur la base de la moyenne des douze derniers mois de salaire : 

    « la base de calcul de l’indemnité compensatrice de préavis doit être la moyenne des douze derniers mois de salaire incluant rémunération fixe et variable ayant le caractère de salaire » (Cour d'appel de Paris, 19 mars 2014, n° 11/08643)

    Pour calculer l’indemnité d’activité partielle, l’employeur devra donc, pour chaque salarié :

    → Tout d’abord, calculer le montant de la rémunération annuelle du salarié basé sur l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés ;

    → Ensuite, diviser ce montant annuel par douze pour obtenir la base mensuelle sur laquelle devra être calculé le taux horaire de l’indemnité d’activité partielle ;  

    → Enfin, diviser le montant mensuel obtenu par le nombre d’heures mensuelles correspondant à la durée légale du travail, soit 151,67 (attention, cela doit en principe s’appliquer même pour les salariés travaillant plus de 151,67 heures par mois, puisque le texte indique que le taux horaire se calcule « sur la base de la durée légale du travail »).

    Pour finir, prenons l’exemple de M. X, salarié de la société Y, placé dans la situation suivante :

    - M. X travaille 39 heures par semaine (169 h/mois) et perçoit :

     → Une rémunération mensuelle de base de 2.000 € correspondant à la durée  légale de 151,67 h (soit un taux horaire de 13,19 €)

     → Une rémunération complémentaire de 285,60 € correspondant aux 17,33  heures mensuelles supplémentaires majorées à 25 % (soit un taux horaire de  16,48 €) 

    - M. X perçoit également une rémunération variable correspondant à un pourcentage des ventes qu’il réalise chaque mois. Sur les douze derniers mois (avril 2019 à mars 2020), il a perçu 10.000 € au titre de cette rémunération variable.

    - M. X perçoit une prime de 13ème mois annuelle d’un montant de 2.285,60 €

    M. X est placé en activité partielle à compter du 1er avril 2020.

    Pour déterminer l’indemnité d’activité partielle due à M. X, la société Y va tout d’abord calculer la rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés 

    Dans le cas de M. X, la société prendra en compte la rémunération de base, la rémunération des heures supplémentaires et la rémunération variable. Elle exclura cependant la prime de 13ème mois, qui n’entre pas dans l’assiette de calcul.

    La rémunération brute de M. X servant d'assiette de l'indemnité de congés payés calculée sur les douze derniers mois est donc la suivante :

    (2.000 x 12) + (285,60 x 12) + 10.000 = 37.427,20 €

    La moyenne mensuelle qui va servir de base au calcul du taux horaire de l’indemnité d’activité partielle s’élève donc à 3.118,93 €.

    Conformément à l’article R. 5122-12 du code du travail, il faut désormais ramener cette rémunération mensuelle à un taux horaire sur la base de la durée légale du travail, soit 151,67 heures :

    3.118,93 / 151,67 = 20,56 €

    L’indemnité horaire versée au titre de l’activité partielle correspondra à 70 % de ce taux horaire soit 14, 39 € (20,56 x 0,70).

    Si M. X est placé en activité partielle totale, l’employeur lui versera cette indemnité horaire (14,39 €), multipliée par le nombre d’heures habituellement travaillé chaque mois (169 heures), soit une indemnité mensuelle de 2.431,91 €, qui lui sera ensuite remboursée par l’État.

    Me Tristan Aubry-Infernoso

     

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  • Activité partielle ou chômage partiel : on vous dit tout !Le recours au dispositif d’activité partielle (aussi appelé chômage partiel) est principalement encadré par les articles L. 5122-1 et suivants et R. 5122-1 et suivants du code du travail.

    Il a été aménagé par le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 pour faire face aux difficultés rencontrées par les employeurs en raison des mesures de confinement prises par le gouvernement afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19.  

    Il est essentiel que les entreprises qui emploient des salariés disposent d’informations viables et actualisées pour savoir s’ils sont éligibles à ce dispositif et, le cas échéant, le mettre en œuvre afin d’assurer la sauvegarde de leur activité et le maintien de l’emploi au sein de l’entreprise.

    Il est tout aussi utile pour les salariés de savoir en quoi consiste ce dispositif, qui leur permettra de conserver leur emploi et être indemnisés en dépit d’une cessation de fonctions ou d’une diminution de leur temps de travail.

     

    1. Notion et formes de l’activité partielle 

    Le dispositif d’activité partielle est prévu pour permettre à l’employeur de pouvoir faire face aux situations dans lesquelles il est contraint de réduire ou suspendre temporairement et collectivement (tous les salariés sont concernés) son activité.

    La mise en œuvre du dispositif d’activité partielle n’est donc pas réservée aux employeurs conduits à une cessation totale d’activité mais peut également se présenter comme une solution pour l’employeur contraints de réduire le temps de travail des salariés en dessous de la durée légale du travail, fixée à 35h par semaine. 

     

    2. Le Covid-19, motif de recours à l’activité partielle

    Le code du travail prévoit plusieurs motifs de recours au système d’aide prévu par l’État, parmi lesquels figurent le motif tiré de la « circonstance de caractère exceptionnel ».

    La crise sanitaire consécutive à l’épidémie de Covid-19 étant une circonstance de caractère exceptionnel, elle constitue un motif susceptible de justifier le recours au dispositif d’activité partielle, à condition qu’elle emporte des conséquences sur l’activité de l’employeur.

    Si la nature de ces conséquences n’a pas été clairement définies à ce stade, il semble prudent de considérer que le recours au dispositif est justifié dès lors que l’employeur fait face :

     - A une suspension de son activité en raison d’une fermeture administrative 

     - A une baisse d’activité entraînant une diminution de chiffre d’affaires ou à des difficultés  d’approvisionnement ;

     - A l’impossibilité matérielle de mettre en place le télétravail.

     

     3. La mise en œuvre du dispositif d’activité partielle

    a) Demande d’autorisation de recours au dispositif

    Chaque établissement de l’entreprise (s’il y en a plusieurs) doit faire l’objet d’une demande spécifique.

    La demande doit se faire par voie dématérialisée, en ligne, via une plateforme sécurisée et confidentielle accessible à l’adresse suivante : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr

    b) La demande doit préciser :

     - Le motif justifiant le recours à l’activité partielle, à savoir « circonstance exceptionnelle -  crise sanitaire liée au Covid-19 » ;

     - La période prévisible de sous-activité ;

     - Le nombre de salariés concernés ;

     - Le nombre d’heures chômées prévisionnelles, étant précisé qu’un arrêté du 26 août 2013  (toujours en vigueur à notre connaissance) a fixé une indemnisation maximum à hauteur de  mille heures par an et par salarié  ;

     - Les circonstances détaillées et la situation économique justifiant la demande.

     

    L’un des aménagements prévus par le décret du 25 mars 2020 consiste à permettre à l’employeur d’adresser sa demande dans un « délai de trente jours à compter du placement des salariés en activité partielle », là où il fallait auparavant que la demande et l’autorisation soient délivrées en amont du passage en activité partielle.

    Sachant que la création d’un compte sur la plateforme sécurisée nécessite une validation de l’administration qui peut nécessiter plusieurs jours, compte tenu de la surcharge actuelle de demandes, l’employeur doit  veiller à ne pas s’y prendre au dernier moment.

    Dans le même ordre d’idée, l’avis rendu par le comité social et économique (pour les entreprises dotées de plus 50 salariés), qui doit en principe intervenir préalablement au recours à l’activité partielle, peut désormais intervenir après le placement des salariés en activité partielle et être adressé dans un délai de 2 mois à compter de la demande d’activité partielle.

    Autre aménagement exceptionnel, la réponse de l’administration devra intervenir dans un délai de deux jours (48 heures), contre quinze jours auparavant, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.

    A défaut de réponse dans le délai de deux jours, 

    L’autorisation de recours au dispositif d’activité partielle peut désormais être accordée pour une durée de 12 mois, contre 6 mois auparavant.

    Me Tristan Aubry-Infernoso

     

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  • Bonne vacances !La crise sanitaire que nous traversons actuellement engendre des difficultés inédites pour de nombreuses entreprises, dont l’activité est à l’arrêt, ou fonctionne de façon ralentie. 

    Les situations exceptionnelles s’accompagnent de mesures exceptionnelles et le gouvernement a    voulu donner aux employeurs certaines prérogatives temporaires afin de préserver autant que faire se peut leur stabilité économique et leur permettre de s’adapter au contexte actuel.

    C’est ainsi que la question épineuse de la prise de repos imposée par l’employeur pendant la période de confinement a été tranchée par l’ordonnance n°2020-323, laquelle figure parmi les 25 ordonnances prises par le gouvernement le 25 mars 2020 en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020.

    Il s’agit de dispositions temporaires, qui n’ont vocation à s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2020.

     

    1.- L’article 1 de l’ordonnance prévoit qu’un accord collectif (de branche ou d’entreprise) peut être conclu afin d’autoriser l’employeur à :

    - Imposer aux salariés la prise de jours de congés payés dans la limite de six jours ouvrables, soit une semaine de congés payés, en respectant un délai de prévenance d'au moins un jour franc ; il peut s’agir des jours acquis par le salarié à prendre avant ou après l’ouverture de la période de congés (en principe avant le 31 mai et après le 1er juin) ;

    - Modifier les dates d'un congé déjà posé, là encore en respectant un délai de prévenance d'au moins un jour franc (possibilité déjà consacrée en droit du travail mais subordonnée au respect d’un délai de prévenance d’un mois).

    - Fractionner les congés sans qu’il ne soit nécessaire de recueillir l’accord du salarié.

    - S’affranchir de l’obligation édictée par l’article L. 3141-14 du code du travail d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un PACS travaillant dans son entreprise.

    Ainsi qu’il a d’emblée été précisé, ces dispositions sont expressément subordonnées à la conclusion d’un accord collectif prenant la forme d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise.

    En revanche, les dispositions qui suivent (articles 2 à 5) ne font pas référence à la nécessité d’un accord de branche ou d’entreprise et peuvent donc être mises en œuvre par l’employeur sans condition particulière, si ce n’est celle de servir « l'intérêt de l'entreprise (...) eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ».

     

    2.- Les articles 2, 3 et 4 permettent ainsi à l’employeur d’imposer ou modifier la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos parmi :

     → les jours acquis de RTT (ou autre dispositif similaire prévu  conventionnellement) ;

     → les jours résultant des droits affectés au compte-épargne temps du salarié ;

     → des jours de repos prévus dans le cadre d’une convention de forfait. 

    En tout état de cause, l’employeur doit respecter un délai de prévenance d’un jour franc et le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou modifier la date dans le cadre de cet article ne peut être supérieur à dix (ex : 5 RTT et 5 jours CET, mais pas 10 de chaque).

     

    3.- L’article 5 précise que le le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou modifier la date dans le cadre des articles 2, 3 et 4 ne peut être supérieur à dix toutes causes confondues.

     Me Tristan Aubry-Infernoso

     

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