• Le principe est bien établi (cf. Nment : Cass., 3ème civ., 3 mai 2018, n° 3 mai 2018) selon lequel les comptes courants d’associés peuvent et doivent être remboursés immédiatement et sur simple demande (hors dispositions contraires dans les statuts de la société ou dans une très utile convention d’apport en comptes courants).

    Dans un arrêt du 24 mai 2018 (Cass. Com., 24 mai 2018, n° 17-10.119), la Cour de cassation a émis un tempérament d’importance en indiquant que ce principe doit s’effacer devant celui d’égalité des créanciers.

    Il faut dire que les circonstances ayant donné lieu à l’arrêt étaient particulières.

    Le 7 décembre 2010, la société fut condamnée à payer une somme de 166.269 euros aux termes d’une décision définitive qui ne fut signifiée par huissier de justice que le 20 décembre 2010.

    Entre temps, les 10 et 15 décembre 2010, le dirigeant de la société, qui cumulait la triple qualité de détenteur du principal compte courant, d’associé et de dirigeant, décida du remboursement de son propre compte courant, à hauteur de 100.000 euros puis déclara, le 9 janvier 2011, l’état de cessation des paiements de la société, laquelle fit l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire le 19 janvier 2011 !

    La manœuvre consistait évidemment pour le dirigeant à appréhender directement les sommes qu’il avait prêtées à la société afin d’éviter de voir leur remboursement conditionné au résultat d’une liquidation judiciaire qu’il savait inéluctable (avec une probabilité très forte de non remboursement ou de remboursement partiel).

    Bien inspiré, le liquidateur judiciaire assigna alors le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actifs, considérant qu’il avait commis une faute de gestion en remboursant son compte d’associés, ce qui aboutit à sa condamnation à hauteur de la somme dont il avait décidé de la restitution.

    Pour la Cour de cassation, « si les associés ont droit au remboursement à tout moment de leur compte dit courant, c’est à la condition que ce remboursement ne constitue pas un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l’entreprise » alors que le dirigeant « savait inéluctable la déclaration de cessation des paiements » et « tandis qu’il connaissait le risque de devoir une somme aux époux auxquels les opposait une instance judiciaire ».

    Le principe de remboursement des comptes courants d’associés demeure, donc, mais il y est porté une limite lorsque le dirigeant, pleinement informé de la situation de trésorerie de la société et du risque pesant sur elle, privilégie ses propres intérêts de créancier pour faire échec à l’application d’une décision de justice et, plus largement, privilégie ses intérêts à ceux d’autres créanciers légitimes.

    Le sauve-qui-peut du dirigeant est sanctionné : lorsque le navire sombre, le capitaine reste à la barre sans partir dans la première chaloupe disponible.

    Me Xavier Chabeuf


  • Rémunération variable : attention danger !La rémunération du salarié peut comporter une partie variable. Dans certains secteurs d’activité (banque d’affaire par exemple) ou certaines fonctions (commerciales), cette rémunération peut constituer la part essentielle du salaire, voire représenter son intégralité.

    Les conditions de validité d’une clause du contrat de travail prévoyant une variation de la rémunération sont au nombre de trois :

    1. La rémunération variable doit être déterminée par rapport à des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur ;

    2. Elle ne doit pas faire porter le risque d’entreprise sur le salarié ;

    3. Elle ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

    C’est sur la première condition que la Cour de Cassation s’est prononcée dans un récent arrêt du 9 mai 2009 (Soc. 9 mai 2019, FS-P+B, n° 17-27.448).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, la rémunération du salarié, expert estimateur dans un cabinet d’expertise, correspondait, d’après le contrat de travail, à un pourcentage des honoraires facturés aux clients de l’entreprise. Ces honoraires n’étaient cependant pas fixes, ni déterminés par le salarié, qui n’avait pas la maîtrise des tarifications clients, mais par l’employeur.

    Considérant qu’une telle pratique n’était pas conforme aux règles applicables à la rémunération variable, le salarié en avait fait l’un des arguments d’une demande de résiliation judiciaire de la relation de travail (La demande de de résiliation judiciaire du contrat du travail consiste, pour le salarié, à saisir le juge pour lui demander de rompre son contrat de travail aux torts de l'employeur en raison des manquements commis par ce dernier. La rupture produit alors les effets d’un licenciement abusif).

    La cour d’appel avait écarté cette demande, par la motivation suivante : « la fixation de la partie variable de la rémunération du salarié ne résulte pas uniquement de la volonté de l'employeur mais d'un ensemble de facteurs et contraintes économiques et commerciaux (nature du dossier, prix du marché, enjeux économiques, nécessité de rentabilité) et qu'il appartient à la société d'adopter des solutions de bonne gestion permettant de réguler l'activité de ses collaborateurs et leur rémunération en répartissant les missions qui leur sont confiées selon l'ampleur des tâches et le caractère lucratif variable de chaque dossier ».

    Mais cette solution est cassée. La Cour de Cassation juge en effet : « Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les honoraires servant de base de calcul à la rémunération variable étaient ceux qui étaient retenus par la direction générale à laquelle était rattaché le salarié pour l'établissement du compte d'exploitation, ce dont il résultait que la variation de la rémunération dépendait de la seule volonté de l'employeur, la cour d'appel a violé l’article 1134 du code civil » [l’article 1134 du Code civil – recodifié depuis les faits litigieux sous les articles 1103, 1104 et 1193 - énonce que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi »].

    Me Manuel Dambrin

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  • Sea, work and sunLes vacances d’été sont l’occasion pour les employeurs d’embaucher des jeunes salariés en contrats à durée déterminée. L’URSSAF rappelle quelques règles applicables aux jobs d’été dans une information du 16 mai 2019 (www.urssaf.fr).

    Quatre points de vigilance sont ainsi mis en évidence :

    - Une DPAE (déclaration préalable à l'embauche) doit être obligatoirement transmise à l’URSSAF compétente dans les 8 jours précédant la date prévisible d'embauche d'un salarié ;

    - Un CDD doit être conclu avec le « jeune » et comporter notamment les mentions relatives au motif du recrutement, à la durée du travail et éventuellement à la période d’essai ;

    - Un bulletin de salaire doit être délivré ;

    - Les règles générales du code du travail et les dispositions de la convention collective doivent être appliquées au salarié embauché dans le cadre d'un job d'été.

    L’URSSAF rappelle que le défaut de déclaration d’embauche, l’absence de bulletin de paye ou la mention d’un nombre d’heures sur le bulletin de salaire inférieur à celui réellement accompli ainsi que le manquement aux obligations déclaratives périodiques et/ou de paiements des cotisations et contributions sociales peuvent tomber sous le coup du délit de travail dissimulé.

    L’URSSAF souligne également que les « jobs d’été » ne doivent pas être confondus avec les stages étudiants.

    En effet, durant l’été, les entreprises peuvent aussi accueillir des stagiaires dans le cadre d’un cursus scolaire ou universitaire. Cependant, aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié, pour un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ou pour occuper un emploi saisonnier.

    Par ailleurs, pour les stagiaires en entreprise, non titulaires d’un contrat de travail, il n’y a pas de DPAE à effectuer. Cependant, une convention de stage doit obligatoirement être conclue entre le stagiaire, l’entreprise et l’établissement d’enseignement.

    L’entreprise doit tenir à jour la liste des conventions de stage conclues.

    Par ailleurs, le stagiaire doit obligatoirement recevoir une rémunération à partir de 2 mois de stage.

    L’URSSAF rappelle aussi quelques règles relatives à la rémunération :

    1. La durée du travail d'un jeune majeur est celle applicable à tout autre salarié. Sauf dérogation, les jeunes de moins de 18 ans ne doivent pas travailler plus de 35 h par semaine ni 8 h par jour (c. trav. art. L. 3162-1 et L. 3163-1).

    2. Les jeunes de 14 et 15 ans autorisés à travailler pendant les vacances scolaires ne peuvent pas effectuer plus de 35 h de travail par semaine ni plus de 7 h par jour (c. trav. art. D. 4153-3).

    3. Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, le SMIC peut être minoré de 10 % pour les jeunes âgés de 17 ans et de 20 % pour ceux de moins de 17 ans. Le mineur bénéficie du SMIC sans abattement s'il justifie de 6 mois de pratique professionnelle dans la branche d'activité de l'employeur (c. trav. art. D. 3231-3).

    4. À partir de 18 ans, le jeune, comme n'importe quel salarié, ne doit pas être rémunéré en dessous du SMIC ni, s’il est plus élevé, du minimum conventionnel.

    5. Les sommes versées au jeune en job d’été ont la nature de salaire. Elles sont donc soumises à l’ensemble des cotisations patronales et salariales de sécurité sociale dans les conditions de droit commun.

    6. Si le salarié est mineur, l'employeur doit verser le salaire aux parents, sauf si ces derniers l'ont autorisé à verser la rémunération directement au jeune, ou s'il est émancipé (c. civ. art. 413-1 à 413-8).

    7. Le jeune en CDD est un salarié de l’entreprise et bénéficie de toutes les dispositions de la législation du travail. Mais pour autant, le CDD conclu pendant les vacances scolaires avec un jeune en cours de cursus scolaire ou universitaire ne donne pas lieu au versement de l’indemnité de fin de contrat (c. trav. art. L. 1243-10, 2° ; c. constit., décision 2014-401 QPC du 13 juin 2014, JO du 15 ; CJUE 1er octobre 2015, aff. C-432/14). Toutefois, si la période du CDD excède celle des vacances scolaires ou universitaires l’indemnité est due si le contrat y donne droit.

    Me Manuel Dambrin

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  • Le sort du "barème Macron" : la première décision de Cour d'appel attendue pour septembreAlors qu’une quinzaine de Conseil de Prud'hommes ont déjà écarté l’application du plafonnement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse institué par l’article L. 1235-3 du code du travail, les premières affaires arrivent devant les Cours d’appel. Ce sont celles de Paris et de Reims qui ont eu à connaitre en premier de dossiers mettant en cause le barème et c’est la Cour de Paris, devant laquelle la conventionnalité du barème a été plaidée à l’audience du jeudi 23 mai 2019 en présence du ministère public, qui devrait rendre la première décision, le 25 septembre prochain.

    Le cadre juridique est connu : L’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne prévoient qu’un plafond qui viendrait aménager les conséquences d’un licenciement irrégulier n’est valable que s’il est dissuasif pour l’employeur et que s’il compense intégralement le préjudice du salarié.

    Côté salarié, il est soutenu que le plafond indemnitaire est trop bas pour constituer un risque pour l’employeur et, selon Force Ouvrière, que « le patronat a inventé le plafond car licencier coûte trop cher ». Or, selon l’organisation syndicale, « On ne peut pas mettre en balance le coût d’une injustice avec la possibilité offerte à l’employeur de provisionner son coût. Les salariés ne sont pas des clones. Les mettre tous sur le même plan dans une grille est injuste ».

    Côté ministère public, on fait valoir que la grille indemnitaire des ordonnances ne fait pas obstacle à une réparation appropriée, car « ni la convention OIT ni la Charte sociale européenne n’interdisent aux États signataires d’aménager un plancher en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il faut seulement que cette indemnisation soit adéquate », et de soutenir qu’un tel mécanisme répond à un « objectif d’intérêt général », en donnant une « certaine prévisibilité » sur le coût potentiel d’un contentieux, le législateur ayant voulu « favoriser l’emploi » et non pas « protéger l’employeur ».

    La cour d’appel de Paris devra trancher pour le 25 septembre prochain. Dans l’intervalle, la Cour de cassation pourrait également émettre un avis, le 8 juillet prochain, ayant été saisie de cette question par le conseil de prud’hommes de Louviers.

    Me Manuel Dambrin

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  • Une clause de non concurrence imprécise est nulleLa clause de non concurrence a pour objet d’interdire au salarié, après la rupture de son contrat de travail, quelle qu’en ait été la forme, d’exercer une activité professionnelle susceptibles de faire concurrence à l’entreprise qu’il a quitté.

    La clause de non-concurrence n’est valable que si elle remplit les conditions cumulatives suivantes :

    - être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, appréciés en fonction de l'activité réelle de celle-ci ;
    - être limitée à la fois dans le temps et dans l’espace, pour ne pas empêcher le salarié d’exercer toute activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle ;
    - prendre en compte les spécificités de l’emploi réel du salarié ;
    - prévoir une contrepartie financière à la charge de l'employeur.

    Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 13 mars 2019 (n° 17-11197), un conseiller clientèle d’une société de crédit qui était soumis à une clause de non concurrence avait démissionné pour entrer ensuite au service d’une société concurrence et exercer des fonctions analogues.

    L’employeur considérant que ladite clause avait été violée, avait saisi les juges. Il n’a pas obtenu gain de cause.
    Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont considéré que cette clause était nulle aux motifs qu’elle était imprécise et avait pour effet de mettre le salarié dans l'impossibilité d'exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle.

    La clause était ainsi conçue :

    « compte tenu de vos fonctions commerciales et des contacts établis avec la clientèle, vous vous interdisez en cas de cessation du présent contrat, d'entrer au service d'une entreprise susceptible de concurrencer l'activité de la SMC ou les produits qu'elle commercialise et d'y exercer une activité dans les domaines où vous serez intervenu et de nature à vous mettre en contact par quelque moyen que ce soit, avec les prospects en gestion active et la clientèle de la SMC ; que cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 18 mois commençant le jour de la cessation effective de votre contrat de travail et couvre le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels vous serez intervenu au cours de l'année précédant la cessation du présent contrat sur une zone géographique comprise entre les limites de ce ou de ces départements et une distance de 50 kms ».

    L’imprécision de la clause résidait principalement dans son champ d’application géographique puisqu’il était interdit au salarié d'exercice sur « le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels [il serait] intervenu », si bien qu’au moment où il avait signé la clause (lors de l’embauche), le salarié était dans l'incapacité d'anticiper le périmètre réel de sa zone d'exclusion.

    Par ailleurs, les juges ont retenu que la rédaction de la clause empêchait le salarié d'exercer ses fonctions de conseiller en clientèle non seulement dans le secteur bancaire mais également dans celui des assurances et de la prévoyance, et encore auprès de clients particuliers mais aussi de professionnels et d’entreprises. Or les qualifications et l’expérience professionnelle du salarié ne relevaient que de ces domaines, il se trouvait donc empêché d’exercer une activité normale conforme à son expérience.

    Me Manuel Dambrin

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  • Refuser de récupérer "un pont" suite à un jour férié peut justifier le licenciementL’employeur peut demander aux salariés qu’ils récupèrent les heures non travaillées à la suite d’une interruption collective du travail résultant de situations énumérées par la loi (article L.3121-50 du Code du Travail) :

    « Seules peuvent être récupérées les heures perdues par suite d'une interruption collective du travail résultant :
    1° De causes accidentelles, d'intempéries ou en cas de force majeure ;
    2° D'inventaire ;
    3° Du chômage d'un jour ou de deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d'un jour précédant les congés annuels ».

    Les modalités de récupération sont prévues soit par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, soit, à défaut d’accord, par l’employeur dans le respect des dispositions de l’article R.3121-34 ; la récupération doit alors intervenir « dans les douze mois précédant ou suivant leur perte ».

    Dans l’affaire dont a eu à connaitre la Chambre Sociale de la Cour de Cassation et qui a donné lieu à son arrêt du 20 février 2019 (pourvoi n° 17-20.651), le salarié avait été licencié pour absence injustifiée le samedi 18 juin 2011, qui devait être travaillé en récupération des heures perdues un jour ouvré chômé (jour de pont).

    Contestant son licenciement le salarié avait saisi la juridiction prud’homale. Le Conseil de Prud'hommes lui donna raison mais en appel, le salarié fût débouté et le licenciement approuvé. Solution également approuvée par la Cour de Cassation, qui rejeta le pourvoi du salarié.

    Me Manuel Dambrin

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  • Le Conseil national des barreaux, à qui le législateur a confié le soin d’unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat, a pris, le 28 mars 2019, une décision portant réforme du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat précisant que seul celui qui a rédigé la convention de divorce par consentement mutuel peut la signer et que la signature doit se faire en présence des avocats et des époux, « simultanément », « sans substitution ni délégation possible ».

    Et ce même si les époux préféreraient ne pas se trouver en présence l’un de l’autre et même si cela disconvient aux avocats éloignés géographiquement…

    Cette précision est la bienvenue, dans la mesure où le nouveau divorce par consentement, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a rendu possible un divorce qui, dans la grande majorité des cas, résulte d’un simple accord des parties sans passage devant le Juge aux affaires familiales.

    Néanmoins, chaque époux doit être assisté d’un avocat et l’intervention d’un notaire est nécessaire, au moins pour enregistrer l’acte, mais aussi pour liquider le régime matrimonial lorsque le couple possède un ou des biens immobiliers.

    Il incombe par conséquent aux époux de trouver un accord, assistés de leurs avocats, sur le principe de la séparation et sur les conditions auxquelles cette séparation intervient (répartition du patrimoine, garde des enfants, pension alimentaire, prestation compensatoire, etc…).

    Le nouveau divorce par consentement mutuel, premier bilan

    Pour ses promoteurs, cette réforme était riche de promesses.

    Elle était censée (i) désengorger les tribunaux et accélérer le traitement des divorces contentieux, voire même libérer des postes de magistrats affectés à d’autres missions ; (ii) faciliter et accélérer le divorce des couples ayant trouvé un accord sur leur séparation.

    L’idée d’une « dédramatisation » du divorce, devenu banal (120.000 à 130.000 divorces par an, plus de 50 % des mariages se traduisant par un divorce, plus de la moitié des divorces l’étant par consentement mutuel), constituait aussi l’un des objectifs poursuivis.

    Deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la réforme, ces objectifs ont-ils été remplis ?

    S’agissant du désengorgement des tribunaux, la réduction de la charge de travail des magistrats de 60.000 dossiers ne s’est pas traduite par une rapidité et une fluidité spectaculaires de la justice civile, ni d’ailleurs par une amélioration perceptible de la qualité des décisions rendues. Il faudra attendre des statistiques du ministère sur le temps de traitement des procédures pour observer l’existence d’un impact éventuel de la réforme. En tout état de cause, les divorces par consentement mutuel étaient loin de représenter l’essentiel de l’office des Juges aux affaires familiales puisque ces affaires étaient les plus rapides à traiter et que le jugement se réduisait à sa plus simple expression. Ce sont tout au plus quelques dizaines de postes de magistrats en équivalent temps plein qui ont été économisés. Le besoin est tel en matière de recrutement que l’on comprend aisément qu’une soixantaine de postes économisés sur toute la France ne soit pas perceptible.

    Quant à la facilitation et à l’accélération du divorce, il s’agit d’une pure vue de l’esprit dans la plupart des cas.

    Certes, la formule semble adaptée en l’absence d’enfants et de patrimoine à partager.

    Mais dans toutes les autres situations - les plus délicates humainement, financièrement, juridiquement - l’observation empirique aboutit à des résultats exactement contraires à ceux visés par les promoteurs de la réforme.

    L’explication tient principalement au fait que les époux peinent à s’accorder en l’absence de perspective de soumission du différend à un juge : s’ils divorcent, c’est bien parce qu’ils ne s’entendent plus ! Espérer les voire miraculeusement trouver une solution intelligente à la vie post divorce, c’est souvent trop leur demander. Nombre de sujets qui ont posé problème au cours du mariage sont à nouveau remis en discussion (éducation des enfants, rapport à l’argent, équilibre famille/travail, rôle des beaux-parents, …) à un moment paroxystique qui a conduit les époux, lesquels ont souvent longtemps repoussé cette perspective, à considérer que la vie en commun n’était plus possible.

    Et les avocats qui interviennent au soutien de l’un et de l’autre n’ont pas la faculté de trouver un accord lorsque chacun campe sur des positions irréconciliables. Il en va d’autant plus lorsque – et c’est fréquemment le cas – l’un des deux époux souhaite moins que l’autre divorcer, voire n’a pas perdu l’espoir de « reconquérir » celui ou celle qui souhaite reprendre sa liberté.

    Alors les discussions s’éternisent, avec pour conséquence un divorce plus lent, mais aussi plus coûteux.

    En effet, outre que chacun des époux doit disposer d’un avocat et que les conseils doivent rédiger la convention de divorce, la longueur des discussions, les multiples échanges souvent nécessaires pour parvenir à un accord, les alternances entre ultimatums et phases plus constructives se traduisent par une inflation du coût de la procédure que les parties n’ont souvent pas anticipée.

    Mais la critique la plus sérieuse que l’on peut adresser au nouveau divorce par consentement mutuel tient au fait qu’il présente un risque sérieux de voir ignorés ou sérieusement affectés les droits de certaines parties.

    En effet, la réforme du divorce par consentement mutuel a contribué au passage du mariage « institution » (le mariage intéresse les époux mais aussi la société toute entière car la famille représente la cellule de base de la société) à un mariage purement contractuel dans lequel c’est la volonté des époux qui détermine les obligations de chacun, notamment au moment de la séparation.

    C’est ainsi que le divorce par consentement mutuel sans juge conduit les époux à se consentir des concessions réciproques afin de parvenir à un accord. Si un époux veut l’application du code civil et de tout le code civil en se fondant sur les jurisprudences les mieux établies, il est à craindre qu’aucun accord n’intervienne, surtout si le débiteur des obligations (souvent l’époux) est moins désireux de divorcer.

    Le débiteur des obligations (pension alimentaire, prestation compensatoire, notamment, même si la question se pose aussi au stade de la liquidation du régime matrimonial) aura donc beau jeu de conditionner son accord à des concessions de l’époux créancier : contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants revue à la baisse, réduction du montant de la prestation compensatoire ou même suppression pure et simple de celle-ci dans des cas où un juge en attribuerait sans doute une.

    Le divorce par consentement mutuel sans juge aboutit ainsi à ce que l’un des époux, pour parvenir à un accord renonce de lui-même, prétendument volontairement (mais en réalité parce que le législateur l’a laissé seul dans une situation asymétrique), à des droits bien établis dans le code civil, auxquels il pourrait prétendre.

    Si l’on rappelle que les femmes sont demanderesses au divorce dans près des trois quarts des cas et qu’elles sont le plus souvent créancières d’obligations financières acquittées par l’ancien époux, l’on aboutit au paradoxe selon lequel la réforme « progressiste » du divorce par consentement mutuel conduit à un affaiblissement de la position des femmes et à un recul par rapport à des droits reconnus formellement dans le code civil mais dont l’application concrète est en net retrait.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Un honoraire de résultat ne peut pas être exigé en l'absence de décision définitiveLorsqu’une convention d’honoraires prévoit un honoraires complémentaire de résultat, c’est-à-dire un honoraire calculé en fonction du résultat obtenu (généralement un pourcentage des condamnations prononcées) l’avocat ne peut en solliciter le bénéfice qu’une fois que la décision de justice est définitive, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est plus susceptible d’être remise en cause, notamment par l’exercice d’une voie de recours.

    C’est ce que vient de juger – pour la première fois semble-t-il – la Cour de Cassation, mettant fin à une pratique contestable de certains confrères (Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 avril 2019, n° 18-16.410).

    Le cas qui a donné lieu à cette solution est d’autant plus topique qu’en l’occurrence, la convention d’honoraires prévoyait la restitution de l’honoraire de résultat versé en application de la décision de justice, si celle-ci était par la suite remise en cause. La convention prévoyait en effet que « si à l’issue de la décision de première instance et dans la perspective où le résultat défini au 1.4 serait obtenu, l’avocat a la possibilité de demander le versement de l’honoraire de résultat, au risque de devoir le restituer au cas où la décision de première instance se trouverait réformée ».

    Mais la Cour de Cassation condamne de manière générale la perception d’un honoraire de résultat lorsque le résultat n’est pas définitif, en posant, au visa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, que l’honoraire de résultat n’est pas exigible, nonobstant les termes de la convention d’honoraires, tant qu’il n’est pas justifié d’une décision irrévocable.

    Me Manuel Dambrin

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  • Accident du travail : nouveau délai pour émettre des réservesEst considéré comme accident du travail ou de trajet tout accident qui survient par le fait ou à l'occasion du travail.

    L’employeur doit déclarer tout accident porté à sa connaissance, dans les 48 h, à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dont la victime relève (c. séc. soc. art. L. 441-2 et R. 441-3) et ce, même si l’accident n'entraîne pas d'arrêt de travail ou s’il doute du caractère professionnel de l’accident ou tout simplement de sa matérialité.

    Un décret du 23 avril 2019 modifie la procédure de reconnaissance des accidents du travail (et des maladies professionnelles), avec une entrée en vigueur prévue pour le 1er décembre 2019. S’agissant des accidents du travail, la réforme modifie notamment la procédure applicable lorsque l’employeur émet des réserves.

    L’employeur peut émettre des réserves motivées sur l’accident du travail (c. séc. soc. art. R. 441-11 ; c. trav. art. R. 441-6 à compter du 1er décembre 2019) mais, alors qu’aucun délai n’était imposé pour ce faire jusqu’alors, l’employeur disposera d’un délai de 10 jours francs à compter de la date à laquelle il a effectué la déclaration pour émettre des réserves motivées auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (c. séc. soc. art. R. 441-6 modifié).

    Il en ira de même lorsque l’entreprise n’accomplira pas son obligation de déclarer l’accident du travail et que la victime prend l’initiative d’adresser la déclaration à la CPAM : l’employeur disposera également d’un délai de 10 jours francs, à compter de la date à laquelle il aura reçu le double de la déclaration, pour émettre auprès de la caisse, des réserves motivées.

    L'absence de réserve ne vaut pas reconnaissance du caractère professionnel d'un accident (cass. civ., 2e ch., n° 06-14849 D) mais face à des réserves motivées, la CPAM envoie à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procède à une enquête contradictoire auprès des intéressés avant de prendre sa décision sur la qualification professionnelle ou non de l'accident (c. séc. soc. art. R. 441-11).

    Me Manuel Dambrin

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  • Un nouvel avocat chez Cardinal !"Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". 

    Tels sont les termes du serment d'avocat qu'a prêté hier Me Antoine Delapalme, devant la Première chambre de la Cour d'appel de Paris. 

    Il rejoint le Cabinet Cardinal en qualité de collaborateur.

    Bonne chance à lui !

     

     

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