• Est-ce la leçon à tirer de l’arrêt rendu le 28 janvier 2014 par la Cour de cassation (n° 12_20497) ? Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le salarié, chef comptable au sein d’un cabinet d’expertise, s’était épris d’une jeune recrue et, pour conquérir son cœur, avait entrepris de lui écrire des lettres enflammées, de lui envoyer des bouquets de fleurs et de l’inviter au restaurant, le galant homme.

    Mal lui en a pris : assimilant ces avances à des agissements de harcèlement sexuel, l’employeur procède au licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités, et cette sanction est finalement approuvée par les juges sans cœur de la Cour Suprême.

    Plus possible de draguer sur son lieu de travail me direz-vous ?

    Non, pas d’affolement, il est toujours permis d’être galant (voire plus si affinité) à condition toutefois de respecter certaines règles de bienséance.

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    Le harcèlement sexuel est défini par la loi comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (articles 222-33 du code pénal et L.1153-1 du code du travail).

    Pour vous permettre de vous situer dans vos relations avec vos collègues ou collaborateurs, sachez par exemple que le harcèlement sexuel a été reconnu s’agissant d’un employeur infligeant quotidiennement des insultes et allusions sexuelles à une salariée provoquant un état dépressif chez celle-ci (CA Nancy 2 février 2011, ch. soc., n° 10-1600), ou encore s’agissant d’un salarié ayant envoyé à ses collègues féminines des SMS à connotation sexuelle et proposant des relations sexuelles, et ayant eu des gestes et propos déplacés à leur encontre (CA Pau 3 février 2011, ch. soc., n° 09-2764).

    A l’inverse, n’a pas été jugé constitutif de harcèlement sexuel le fait pour une salariée de mettre la main sur l’épaule d’une collègue en lui « faisant la bise le matin » et en posant « les mains sur sa taille, afin de vérifier si elle est plus grosse qu’elle » (CA Nîmes, 15 mars 2011, ch. soc., n° 09-04759).

    Enfin, et c’est important de le souligner, Mesdames, Mesdemoiselles, tenez-vous le pour dit : il n’y a pas de harcèlement sexuel en cas de familiarité réciproque : « Mais attendu (…) que les seuls actes établis à l'encontre du salarié s'inscrivaient dans le cadre de relations de familiarité réciproques avec la personne qui s'en plaignait ; que la Cour d’appel a pu en déduire qu'ils ne caractérisaient pas une faute grave ». En l’occurrence il s’agissait d’un chef des ventes qui se voyait reprocher d’avoir embrassé « sur la bouche » une subordonnée qu’il raccompagnait chez elle (le caractère forcé du baiser étant discuté mais non établi), puis de lui avoir fait livrer des fleurs à son domicile (Soc. 10 juillet 2013, n° 12-11.787). Même solution s’agissant d’une salariée qui avait manifestement adhéré à un « mode de rencontre » consistant en des rendez-vous dans des restaurants et hôtels de standing avec son supérieur hiérarchique (Soc. 25 septembre 2012, n° 11-17.542).

    Pour en revenir à notre chef comptable licencié pour faute grave, il faut reconnaitre qu’il avait poussé son avantage un peu fort.

    Les juges ont en effet relevé que l’intéressé ne s’était pas contenté de quelques fleurs et mots doux à l’adresse de sa dulcinée mais que (l’amour rend aveugle, c’est bien connu), il avait persisté à lui envoyer de nombreux courriels lui faisant des « propositions » malgré ses protestations, qu’il lui avait exprimé le souhait de la voir seul-à-seul dans son bureau et qu’il avait reconnu « sa propre insistance et sa lourdeur » (ne jamais avouer, ça c’est un principe). Les juges ont également relevé que « leur différence d’âge, d’ancienneté dans l’entreprise et de situation professionnelle aurait dû l’inciter [lui] à plus de réserve vis-à-vis de cette salariée nouvellement embauchée » sur laquelle il exerçait de surcroît un pouvoir hiérarchique. Enfin les juges ont pris soin de noter qu’il n’était pas établi que « Mélinda » « ait, de quelque manière que ce soit, adopté une attitude ambigüe ou provocante à l’égard de François ».

    « François et Mélinda », dommage, ça sonnait bien …

    Me Manuel Dambrin

    PS : sur le même sujet, mais dans les cabinets d'avocat, sur le blog So help me God : http://www.sohelpmegod.fr/archives/2014/04/09/29633009.html

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  • Nous connaissons bien le paradoxe de notre société démocratique : ses valeurs de respect de la vie privée, de libre détermination des choix personnels, de neutralité des processus économique (droit de la concurrence) et politique (raffinement du droit électoral) sont confrontés chaque jour à des intrusions étatiques et privées qui tendent à vider de leur sens les proclamations enflammées de défense des valeurs affichées.

    La tartufferie a de l'avenir, de Mark Zuckerberg à Manuel Valls.

    En matière financière et bancaire, il est bien établi que nulle zone d'ombre ne saurait résister à la bienveillante inquisition étatique, qui s'est vu reconnaître un droit absolu de ne rien ignorer de nos revenus, de notre patrimoine, de nos habitudes de consommation, de nos déplacements, des personnes que nous fréquentons, etc...

    Nous avons abdiqué notre liberté en contrepartie d'un bien-être prétendûment supérieur.

    Face à l'Etat, le Citoyen est nu.

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    L'idée n'est pas de revenir sur cette évolution, sans doute nécessaire dans une société aussi complexe que la nôtre : qui peut garantir que si l'ordre étatique ne régnait pas, la France ne transformerait pas rapidement en gigantesque Rwanda modèle 1994 ?

    Et plus prosaïquement, il faut bien, à partir du moment où une contribution collective est levée que, pour reprendre les termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, elle soit "également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés" et que nul n'y échappe.

    C'est dans cet esprit que le Gouvernement, dans la loi n° 2013-117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a instauré des sanctions à l'obligation faite aux administrations, établissements et autres personnes qui reçoivent en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces, de déclarer l'ouverture et la clôture des comptes (articles 1649 A et 1649 A bis du Code général des impôts). Le nouveau texte sanctionne d'une amende de 1.500 euros chaque défaut de déclaration et d'une amende de 150 euros chaque omission ou inexactitude. 

    La dénonciation, stade ultime de la vie citoyenne.

    Cette disposition complète celles du deuxième alinéa de l'article 1649 A du Code général des impôts, en vertu duquel les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger selon des modalités fixées par décret.

    Deux observations finales concernant ce dispositif :

    1 - Pour ceux qui l'ignoraient encore, il est clair que dissimuler un compte bancaire à l'Etat ouvert en France en 2014 relève de l'utopie la plus pure.

    2 - Les déclarations effectuées par les administrations et banques dans le cadre de l'article 1649 du Code général des impôts alimentent le fichier FICOBA, ce qui est loin d'être dénué d'intérêt pratique.

    Ledit fichier enregistre plus de 80 millions de personnes qui ont un compte bancaire ouverte en France et recense plus de 100 millions de comptes bancaires au totalL

    Géré par la Direction général des finances publiques du Ministère des Finances, il peut être consulté par les services judiciaires, de policie, douanier, fiscaux, ...

    Plus intéressant, les huissiers de justice y ont accès lorsqu'ils sont chargés par le créancier de former une demande de paiement direct (pension alimentaire), ou lorsqu’ils agissent aux fins d’assurer l’exécution d’un titre exécutoire. Il s'agit donc d'un moyen puissant permettant d'assurer l'exécution des décisions de justice en ayant connaissance de tous les comptes bancaires du débiteur (même si le solde bancaire et les opérations effectuées restant quant à eux inaccessibles).

    En matière successorale, il peut être opportun de le consulter pour connaître l'ensemble des données concernant un défunt. Pour ce faire, un héritier devra obtenir une décision d'un juge l'autorisant expressément à accéder au fichier FICOBA.

    Ainsi, les mesures nouvellement adoptées, pour intrusives qu'elles puissent paraître, renforceront en fin de compte les outils à la disposition des avocats pour faire exécuter les décisions de justice et leur conférer une meilleur efficacité.

    On ne peut que s'en féliciter.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Dans la nuit de lundi à mardi 25 février 2014, les députés ont voté une proposition de loi visant à limiter le recours aux stages et à améliorer le statut des stagiaires. Cette proposition de loi devrait être examinée par le Sénat à compter du 29 avril.

    Cette proposition de loi a un champ d’application très étendu : elle vise aussi bien les stages étudiants intégrés à un cursus de l'enseignement supérieur (université, écoles) que les périodes de formation en milieu professionnel intégrés aux cursus technologiques et professionnels de l'enseignement scolaire.

    Il est rappelé que le recours à un stagiaire nécessite la signature d’une convention de stage tripartite (entre l’organisme d’accueil, le stagiaire et établissement d’enseignement) et que le stage doit s’inscrire dans un cursus pédagogique.

    La proposition de loi rappelle également la définition du stage, à savoir une période nécessairement limitée dans le temps, permettant à l’étudiant, placé sous la responsabilité d’un tuteur, d’être mis en situation professionnelle, au cours de laquelle il acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification, en contrepartie d’une gratification (indemnité de stage obligatoire pour les stages d'au moins 2 mois consécutifs).

    Il est donc exclu de recourir aux stagiaires pour l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, occuper un emploi saisonnier ou encore remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail. A bon entendeur …

    Jusque-là, rien d’innovant dans le projet de loi.

    Stagiaires

    La nouveauté vient principalement avec les mesures suivantes :

    1. Limitation du nombre de stagiaire. C’est la mesure principale : le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’entreprise d’accueil serait limité en fonction de l’effectif global de celle-ci. On évoque un pourcentage de 10% ;

    2. Impossibilité de déroger à la durée maximum de 6 mois. Jusqu’à présent, si un même stagiaire ne pouvait pas effectuer plus de 6 mois de stage par année d’enseignement dans la même entreprise d’accueil, la loi (art. L.612-9 du code de l’éducation) prévoyait qu’il était possible de déroger à cette durée par décret. La proposition de loi exclue cette possibilité (qui était restée théorique faute de décret pris en ce sens) ;

    3. Obligation de respecter un délai de carence entre deux stagiaires. Il s’agirait là d’une simple recodification de l’article L. 612-10 du code de l’éducation, souvent méconnu, selon lequel le recours successif à des stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n'est possible qu'à l'expiration d'un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent ;

    4. Mention sur le registre unique du personnel. Afin de faciliter les contrôles, l’organisme d’accueil serait tenu d’inscrire les stagiaires sur le registre unique du personnel, prévoyant une rubrique particulière à cet effet ;

    5. Tickets restaurant et frais de transport. Pour les stages d’une durée supérieure à deux mois, le stagiaire bénéficierait  de tickets restaurant et de la prise en charge des frais de transport « domicile / lieu de stage » dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise ;

    6. Congés et absence. Les stagiaires pourraient bénéficier de congés et d’autorisations d’absences, de la même façon que ceux accordés aux salariés en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption. Pour les stages d'une durée supérieure à 2 mois, la convention de stage devrait prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage ;

    7. Durée du travail. Les stagiaires se verraient transposer les règles applicables aux salariés de l’entreprise en matière de présence de nuit, de repos quotidien et hebdomadaire et de jours fériés. Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne pourrait pas excéder la durée de travail des salariés. Pour assurer le respect de ces dispositions, l’entreprise d’accueil aurait l'obligation de tenir un décompte des durées de présence du stagiaire.

    8. Contentieux accéléré. En cas de saisine du Conseil de prud'hommes par un stagiaire en vue de voir requalifier la convention de stage en contrat de travail, le conseil devrait trancher l’affaire dans le mois de la saisine. On demande à voir …

    Me Manuel Dambrin

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  • Le vieillissement de la population française engendre des conséquences lourdes en matière de retraite et de santé publique.

    Il implique aussi la mise en place d’outils juridiques adaptés pour prendre en compte l’incapacité physique ou mentale dans laquelle se trouvent nombre des personnes concernées pour gérer leurs propres affaires et leur patrimoine.

    Il en va plus particulièrement ainsi en matière de succession, du fait de la situation de faiblesse et de dépendance dans laquelle se trouve fréquemment les personnes âgées, vis-à-vis de membres de leur entourage familiale, mais aussi fréquemment de tiers à la famille qui occupent une place d’autant plus grande que les enfants des personnes âgés sont peu présents.

    Chacun a en tête des exemples d’aides ménagères ou de « gentil voisin » couchés sur le testament ou bénéficiaire de généreuses donations.

    Et d’ailleurs, pourquoi pas ? Si la liberté de tester n’est pas totale, elle demeure pour partie, et toute la question est de savoir si la donation ou les dispositions testamentaires résultent d’une volonté saine et éclairée.

    Un régime spécial est cependant prévu à l’article 909 du Code civil pour « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ».

    Ces derniers ne peuvent profiter d’aucune donation de la part de la personne suivie, ni être désignés en qualité d’héritier.

    Cette incapacité voit son champ étendu aux proches du médecin par l’article 911 du Code civil qui indique que « [t]oute libéralité au profit d'une personne physique, frappée d'une incapacité de recevoir à titre gratuit, est nulle, qu'elle soit déguisée sous la forme d'un contrat onéreux ou faite sous le nom de personnes interposées, physiques ou morales. »

    L’article 909 du Code civil constitue donc une exception au principe général édicté à l’article 902 du Code civil suivant lequel « [t]outes personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables ».

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    A ce titre, elle doit être appliquée strictement, ce que vient de rappeler la première chambre civile de la Cour de cassation :

    « les juges du fond apprécient souverainement la qualité de médecin traitant et les éléments constitutifs d’un traitement médical au sens de l'article 909 du code civil» (Cass., 1ère civ., 15 janvier 2014,  pourvoi n° 12-22.950 : Arret).

    Au cas présent, un médecin, son épouse, et ses trois enfants ont perçu du défunt des donations et legs à hauteur de 1,3 million de dollars. Le neveu du disposant demandait leur nullité sur le fondement de l’article 909 du Code civil précité.

    Les juges du fond l’ont débouté, motif pris qu’il n’était pas acquis que le légataire ait administré un quelconque traitement au défunt dans le cadre de sa maladie fatale et qu’au contraire il n’est « intervenu que de manière ponctuelle, en exécution d'une décision prise par l'un des deux médecins en charge du traitement ».

    Le neveu du disposant a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt et la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel, jugeant qu’elle avait justement écarté la qualité de médecin traitant du bénéficiaire des donations et legs (i.) ainsi que l’existence d’un traitement médical (ii.).

    (i)                 L’éviction de la qualité de médecin traitant : l’apparition des liens personnels

    Pour la Cour suprême, en mettant en évidence les « liens affectifs anciens et profonds qui unissaient [le bénéficiaire] au malade », la Cour d’appel a légalement écarté la qualification de médecin traitant.

    En effet, le défunt et le bénéficiaire étaient notoirement proches : tous deux Libanais, ils entretenaient des relations très étroites, sur le plan politique et amical, le légataire ayant fait partie du même parti politique que le défunt.

    Il n’y a pas de raison de penser qu’il en irait autrement des « membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux » visés par la nouvelle version de l’article 909 du Code civil issue de la loi du 5 mars 2007, l’existence de liens personnels et la qualité en laquelle les personnes concernées sont intervenues auprès du disposant devant être prises en considération pour décider de l’incapacité à recevoir par donation ou testament.

    (ii)               Défaut de « traitement médical » en présence d’une intervention ponctuelle

    Le bénéficiaire  « avait procédé à un examen clinique [du défunt] et(…) le 5 avril 2000, il lui avait fait son injection quotidienne ».

    Pour écarter cependant la qualification de traitement médical, la Cour d’appel a relevé « qu'un examen clinique ne s'analyse pas en un traitement médical et que l'injection quotidienne pratiquée résultait d'une prescription émanant [d’un tiers], de sorte qu'il y a lieu de retenir que [le bénéficiaire] n'est intervenu que de manière ponctuelle, en exécution d'une décision prise par l'un des deux médecins en charge du traitement [du défunt] ».

    Cette solution doit être approuvée : un examen clinique unique et une seule injection effectués par un ami médecin ne sauraient disqualifier ce dernier pour recevoir par donation ou testament, dans la mesure où le praticien en question n’a pas prodigué au défunt « des soins réguliers et durables pendant la maladie dont il est décédé ».

    La solution de l’arrêt commenté est heureuse en ce qu’elle interprète strictement  l’interdiction de bénéficier de dispositions entre vifs ou testamentaires. La liberté de donner et partant de recevoir doit en effet demeurer le principe et la nullité des aliénations librement consenties, l’exception.

    Me Xavier Chabeuf

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  • C’est ce qu’enseigne la décision rendue le 3 juillet 2013 par le Conseil d'État (N°349496 : CE_3_juillet_2013). Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, un salarié a été licencié pour faute en raison de son comportement agressif et des violences commises à l’encontre de son supérieur.

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    Pour refuser d’autoriser le licenciement (s’agissant d’un délégué syndical, son licenciement était soumis à autorisation administrative), le juge s’est fondé sur une expertise médicale établissant que l’intéressé était atteint de troubles psychiques et prenait des médicaments, lesquels auraient entrainé une addiction et auraient eu pour effet secondaire une altération de son état de conscience et une désinhibition du comportement.

    Les juges ont considéré que les violences reprochées étaient « la conséquences d’un état pathologique ou d’un handicap de l’intéressé ».

    Or, si les violences d’un salarié sur son lieu de travail sont passibles de sanctions disciplinaires, l’employeur ne peut en revanche ni sanctionner ni licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap (article L.1132-1 du Code du travail :  art__L_1232_1). Un tel le licenciement serait discriminatoire.

    Aussi bien, dès lors qu’il existait un lien de causalité entre les faits reprochés (violences) et l’état pathologique de l’intéressé (état de santé), le licenciement était exclu.

    Et le Conseil d’État d’énoncer que « lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé [délégué syndical] est motivée par un comportement jugé fautif, elle ne peut être légalement accordée si les faits reprochés sont la conséquence d'un état pathologique ou d'un handicap de l'intéressé ».

    Il est donc vivement conseillé aux salariés de se munir d’une prescription médicale avant de lever la main sur leurs collègues, et aux employeurs d’user avec discernement du pouvoir disciplinaire.

    Me Manuel Dambrin

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  • Quinze ans après sa création, en 1999, le ministère de la Justice dresse un bilan statistique du pacte civil de solidarité (PACS) : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_126.pdf.

    Quelques chiffres d'abord : en 2012, plus de 160.000 PACS ont été conclus, 2,6 millions de PACS ont été conclus depuis 1999, tandis que 520.000 ont été rompus.

    Ce premier constat permet de mesurer à quel point le PACS a finalement été un succès (sans porter de jugement sur cette institution) et à quel point il paraît avoir répondu à une attente.

    Cependant, le PACS a largement échappé à ses promoteurs et s'est maintenant durablement installé dans le paysage du droit civil, en prenant sa propre autonomie.

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    En effet, l'observation des données statistiques, objectives, déjoue bien des idées reçues :

    • la création du PACS et son développement constant depuis sa création n'ont pas véritablement affecté le nombre de mariages. Celui-ci a bien régressé, passant en quinze ans d'un petit peu plus de 300.000 à environ 250.000 par an, mais, dans le même temps, le nombre de PACS est passé, lui, de 0 à 160.000. Le PACS a donc davantage progressé aux dépens du concubinage qu'à celui du mariage (sans que l'on puisse savoir si l'absence de PACS aurait vu pareillement le nombre de mariages régresser).
    • Le nombre de PACS homosexuels est faible (4 %, avec à peu près autant de couples de femmes que de couples d'hommes), alors que le PACS avait été institué de prime abord afin de créer un statut ad'hoc pour les couples de même sexe à une époque où les promoteurs du PACS écartaient vigoureusement toute possibilité de mariage homosexuel (Discours).
    • La répudiation, argument fréquemment opposé au PACS, reste anecdotique : 3 % seulement des PACS sont dissous par la volonté d'un seul des deux conjoints, 57 % l'étant d'un commun accord. L'on sait que ledit accord commun résulte le plus généralement de la volonté plus affirmée par l'un de recouvrer sa liberté, et de la résignation de l'autre à une situation qu'il ne peut empêcher. Mais l'objection est identique s'agissant du divorce par consentement mutuel.
    • Si la Gauche a créé le PACS, la Droite a assuré son succès puisque le véritable développement du PACS remonte nettement à 2005, année où le statut fiscal des couples pacsés a été aligné sur celui des couples mariés.
    • Le PACS n'est pas plus instable que le mariage, et il l'est peut-être moins : 20 % des PACS conclus ont été dissous, alors qu'environ 45 % des mariages se soldent par un divorce. Cette différence de taux trouve sans doute à s'expliquer dans le fait que les divorces pris en considération comprennent tous les mariages et pas seulement ceux intervenus depuis 1999.
    • Le PACS constitue souvent une passerelle vers le mariage, 39 % des dissolutions de PACS étant dus au mariage des conjoints pacsés. Le PACS pourrait donc être vu par certains comme une nouvelle forme de fiançailles, une sorte de "sas" pré-mariage dont la précarité exigerait que l'on prenne la précaution d'une vie commune dans le cadre d'un lien juridique plus lâche que celui du mariage.
    • La proportion de PACS passés devant notaire (et non devant le Tribunal d'instance) augmente : possible depuis 2011, la conclusion du PACS devant notaire permet de rédiger une convention régissant les rapports patrimoniaux du couple ainsi que les modalités de la vie commune (et notamment de son financement). Une telle convention permet de déroger conventionnellement au régime de la séparation de biens et à son corollaire en cas d'achat de biens en commun puis de dissolution : l'indivision.

    Cette dernière possibilité du PACS conclu par devant notaire, ainsi que les caractéristiques du PACS tel que les Français se le sont appropriés, conjuguée à la précarisation du mariage, ne permettent plus clairement de distinguer le PACS du mariage, et conduisent à se demander ce qui, juridiquement, différencie encore ces deux régimes légaux. En somme, pourquoi se marier ?

    Ce sera l'objet d'un prochain article...

    Xavier Chabeuf

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  • Que l'indivision soit volontaire (indivision conventionnelle) ou subie (indivisions successorale ou post-communautaire faisant suite à un divorce), elle constitue une source de difficultés juridiques considérables.

    En effet, si les coïndivisaires s'accordent sur tout, tout va bien.

    Mais il suffit que certaines tensions surgissent, que des désaccords apparaissent, et l'indivision conduit à l'immobilisme ou au chantage permanent ("je donnerai mon accord à telle décision nécessaire au fonctionnemment de l'indivision si...").

    L'indivision étant susceptible de concerner toutes sortes de biens, des problématiques différentes apparaissent : être propriétaire indivis d'un bien immobilier suscite des difficultés distinctes de celles rencontrées concernant un compte bancaire, une oeuvre d'art, ou encore des parts sociales.

    S'agissant de ces dernières, plusieurs questions se posent : qui a la qualité d'actionnaire ? Qui a droit aux dividendes ? Qui exerce les droits de l'actionnaire et notamment qui participe aux assemblées générales et avec quelles prérogatives ?

    Depuis un arrêt en date du 6 février 1980, il est acquis que les indivisaires de droits sociaux sont tous pourvus de la qualité d'actionnaire (Cass. civ. 1ère, 6 février 1980, Bull. civ. I, n° 49, P n° 78-12.513).

    Une telle situation n'est évidemment pas sans poser de difficultés et il est alors nécessaire d'avoir recours au système de la représentation tel que prévu par le Code civil en son article 1844, lequel dispose : « [l]es copropriétaires d'une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi parmi les indivisaires ou en dehors d'eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice à la demande du plus diligent. »

    Une fois désigné, ce mandataire se voit confier le droit de vote qu’il exercera à l’occasion des assemblées générales de la société dans le sens de l’intérêt commun de l’indivision.

    Dans le cas d’une désignation conventionnelle, il convient de privilégier le recours à un mandat exprès, étant précisé que la Cour de cassation a écarté en la matière le jeu du mandat tacite de l’indivision légale visé à l’article 815-3, alinéa 4 du Code civil (Cass. com. 16 novembre 2004, pourvoi n° 01-10.666).

    Dans le cas d’une désignation judiciaire, le Code de commerce prévoit que celle-ci intervient « par ordonnance du président du tribunal de commerce, statuant en référé. » (pour les SA : article R. 225-87, c. com.) Rien ne s’oppose à ce que, dans cette hypothèse également, le mandataire soit choisi parmi les coïndivisaires (Cass. com. 10 juillet 2012, Bull. civ. IV., n° 157, pourvoi n° 11-21.789).

    Le mandataire désigné, quels sont ses pouvoirs ? De voter au nom des coïdivisaires, certes, mais sa présence à l'assemblée générale implique-t-elle un effacement total de ses mandants ?

    Telle est la question tranchée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 janvier 2014 (Cass. com., 21 janvier 2014, pourvoi n° 13-10.151 : ici), dans laquelle la Haute Juridiction a dit que les coïndivisaires de parts sociales étaient fondés, en dépit de la désignation d’un mandataire commun, à assister et particper aux assemblées générales.

    Pour la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 20 septembre 2012, n° 11/06049), la présence des indivisaires aux assemblées générales était nécessairement exclue par la désignation d'un mandataire commun représentant l'indivision. En effet, selon la Cour d’appel, « il n'y a[vait] pas lieu de dissocier artificiellement la discussion préalable des points soumis au vote et le vote lui-même, qui participent d'une seule démarche intellectuelle », si bien qu’étant privés de leurs droits de vote, les associés indivis étaient ipso facto privés de l’ensemble de leurs droits politiques, en ce compris le droit de s’exprimer à l’occasion de l’assemblée générale.

    En conséquence de la désignation d’un mandataire commun, les juges du fond estimèrent ainsi qu’un des associés indivis n'avait « aucun titre ou qualité pour assister aux assemblées générales de [la société] » et, partant, ils lui interdirent « de se faire assister ou représenter par [son époux] auxdites assemblées générales, sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée ».

    ca-va-pas-du-tout-ce-discours

    En rappelant les dispositions d’ordre public de l’article 1844, alinéa 1er du Code civil, la Haute juridiction souligne à titre liminaire que " tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ". Elle précise ensuite, pour censurer l’arrêt déféré et compléter le syllogisme, « que les copropriétaires indivis de droits sociaux ont la qualité d'associé ».

    Il faut en conclure que la délégation intervenue au bénéfice du mandataire commun ne concerne que l’exercice du droit de vote sans déposséder les associés indivis de leur droit d’assister aux assemblées générales et d'intervenir librement (même de manière périssable, cf. dessin supra).

    Le droit pour tout associé d’assister aux assemblées générales est inaliénable, même s’il apparaît sérieusement entamé lorsqu’un mandataire commun représentant les associés indivis a été désigné.

    L’associé indivis conserve alors une fonction tribunitienne et ne peut qu'espérer convaincre l'assemblée générale par la force de sa conviction et la rigueur de son raisonnement, sans jamais pouvoir « joindre le geste à la parole » en votant sur les résolutions discutées.

    Les associés indivis participent ainsi, concurremment avec le mandataire, à la discussion préalable au vote sur les questions figurant à l’ordre du jour.

    Ils le font en toute connaissance de cause, puisqu'ils sont titulaires d’un droit à l’information (article L. 225-118 pour les SA) qui leur donne accès à tous les documents sur la base desquels l'assemblée générale est appelée à se prononcer.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Après le reçu pour solde de tout compte puis le certificat de travail voici, pour clore cette trilogie, l’attestation d’assurance chômage.

    Au moment de l’expiration du contrat de travail, l’employeur est tenu de délivrer au salarié une attestation d’assurance chômage (ancienne « attestation Assedic ») lui permettant d’exercer ses droits à l’assurance chômage.

    Toutes les formes de ruptures (licenciement, démission, « prise d’acte », rupture de période d’essai, mise à la retraite) et tous les salariés (en CDD, CDI, en contrat d’apprentissage, saisonniers…) sont concernées.

    Comme les deux autres documents de fin de contrat précédemment examinés, l’attestation d’assurance chômage est « quérable » et non « portable », c’est-à-dire que l’employeur est seulement tenu de la mettre à la disposition du salarié à charge pour ce dernier de se déplacer à l’entreprise pour en prendre possession.

    L’employeur de 10 salariés et plus doit adresser cette attestation au Pôle Emploi sous forme électronique. Les employeurs de moins de 10 salariés peuvent faire un envoi électronique ou continuer d’envoyer au Pôle Emploi un exemplaire de l’attestation papier.

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    Quelques règles à respecter :

    Date de la délivrance : à la fin du préavis, qu’il soit exécuté ou non. L’attestation d’assurance chômage ne doit pas être remise au salarié avant la notification de la rupture du contrat de travail. Si tel était le cas, cette remise pourrait s’analyser en un licenciement non motivé (absence d’énonciation des motifs), ce qui rendrait le licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

    Mentions contenues dans l’attestation. Parmi les informations essentielles, l’attestation Pôle emploi doit comporter :

    -          Le motif de la rupture (licenciement pour motif personnel, économique, démission, rupture conventionnelle, ...) ;

    -          Les salaires bruts soumis à cotisations (ainsi que les primes et gratifications avec mention de leur périodicité de versement) ;

    -          Le montant des indemnités de rupture (y compris celui de l'indemnité transactionnelle le cas échéant) ;

    -          Le nom et la qualité du signataire ;

    -          Le cachet de l’employeur ;

    -          La caisse de retraite complémentaire à laquelle le salarié a été affilié.

    Sanctions en cas de mentions erronées, d’absence ou de retard dans la délivrance. Compte tenu de l’importance que revêt ce document pour le salarié (ouverture des droits à l’assurance chômage), la jurisprudence est particulièrement sévère à l’encontre des employeurs qui remplissent mal ou tardent à remettre l’attestation d’assurance chômage. Le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts en cas d’indications erronées notamment si celles-ci ont pour effet de réduire l’assiette de calcul de ses droits. Il est en outre jugé que la remise tardive de ce document cause « nécessairement » un préjudice au salarié, c’est-à-dire sans que ce dernier soit tenu d’en démontrer l’étendue. En outre, la non remise de l’attestation d’assurance chômage est une contravention de la 5e classe, passible d’une amende de 1 500 €.

    Me Manuel Dambrin

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  • Les clauses abusives sont définies par l’article L. 132-1 du Code de la consommation, aux termes duquel : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

    Le Code de la consommation distingue deux catégories de clauses :

    • Celles qui sont présumées abusives : en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
    •  Celles qui, compte tenu de la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées comme abusives de manière irréfragable.

    Ces deux catégories de clauses sont énumérées aux articles R. 132-1 (liste des clauses expressément abusives) et R. 132-2 (liste des clauses simplement abusives) du Code de la consommation et sont régulièrement mises à jour.

    Malgré la clarté de sa rédaction, qui ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, la question s’est longtemps posée de savoir si les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation pouvaient trouver application dans les relations entre professionnels.

    L’arrêt rendu par le Cour de cassation commenté ci-après vient mettre un terme aux interprétations en posant une solution claire et de bon sens.

    Les faits de l’espèce étaient les suivants : une société d’importation et de transformation de bois de construction a fait installer un système de télésurveillance dans l’un de ses établissements par une société spécialisée dans le domaine des systèmes d’alarme et de vidéo surveillance. Après plusieurs cambriolages, elle l’a assignée en responsabilité. Elle a été déboutée de son action sur la base d’une des clauses du contrat liant les deux sociétés, aux termes de laquelle la société de surveillance n’était liée par aucune obligation de résultat auprès de la société de transformation de bois de construction. Cette dernière a soutenu que cette clause était abusive et devait être frappée de nullité.

    Par un arrêt du 3 décembre 2013 (Cass. com., 3 décembre 2013, pourvoi n° 12-26.416 : ici), la chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé que « les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliqu[ai]ent pas aux contrats de fourniture de biens ou de service conclus entre sociétés commerciales ».

    Cette solution n’est pas nouvelle (1.). Elle appelle néanmoins certaines observations (2.).

     

    1. Une solution conforme à l’état de la jurisprudence

    Par un arrêt du 11 décembre 2008, la Haute juridiction avait déjà jugé « que les dispositions du texte susvisé [article L. 132-1 du code de la consommation] ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales »(Cass. com., 11 décembre 2008, pourvoi n° 07-18128).

    Elle réitéra cet attendu de principe par deux arrêts du 6 septembre 2011 (Cass. com., 6 septembre 2011, pourvois n° 10-21.583 et 10-21.584, à propos de l’article L. 136-1 du code de la consommation).

    Il s’ensuit que l’arrêt précité du 3 décembre 2013 s’inscrit dans un courant jurisprudentiel excluant sans ambiguïté les sociétés commerciales du champ d’application rationa personae de la protection instituée au bénéfice des consommateurs et non-professionnels.

    On rappellera que, par le passé, la Cour de cassation autorisait les sociétés commerciales à se prévaloir de cette protection dès l’instant où le contrat conclu n’avait pas un « rapport direct » avec l’activité professionnelle de celui qui l’invoque (Cass. civ. 1ère, 3 janvier 1996, pourvoi n° 93-19.322).

    Ce « rapport direct » reçut cependant une acception large. Ainsi jugé qu'un contrat de location de matériel téléphonique a un rapport direct avec l'activité professionnelle d'un fabricant de bracelets en cuir (Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1996, pourvoi n° 94-18.667).

    Les sociétés commerciales pouvaient donc difficilement, même avant l’arrêt du 11 décembre 2008, prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation.

    Le droit de l’Union européenne, qui ne connaît pas la notion de « non-professionnel », réserve quant à lui le bénéfice du droit de la consommation à la seule catégorie de consommateurs qui « doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement les personnes physiques » (CJUE, 22 novembre 2001, C-541/99).

                  

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     2. Une solution dont la portée est à nuancer

    Tout d’abord, si les sociétés commerciales sont exclues du bénéfice des dispositions consuméristes, il en va autrement d’un syndicat de copropriétaires, personnes morale, qui peut lui s’en prévaloir (Cass. civ. 1ère, 23 juin 2011, pourvoi n° 10-30.645), ou encore d'une société civile, laquelle n'exerce pas une activité commerciale.

    Ensuite, l'article L. 442-6 du Code de commerce reprend, au bénéfice des commerçants, une protection analogue à celle offerte par le Code de consommation.

    Aux termes du 2° de cet article, engage ainsi la responsabilité de son auteur le fait « [d]e soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

    Cette formulation reprend à l’identique l’article L. 132-1, al. 1er du Code de la consommation qui dispose que « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

    La non-applicabilité de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans les relations entre commerçants ne signifie donc pas que "tout est permis" entre eux, mais seulement que le commerçant lésé devra prouver une faute (soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséqsuilibre significatif dans les droits et obligations des parties), un préjudice et un lien entre les deux.

    Autant dire que, privé des listes de clauses réglementaires du Code de la consommation, il faut repartir de zéro sans bénéficier de la force de dispositions qui instaurent une présomption ou une irréfrégabilité de caractère illégal. Elles n'en seront pas moins utiles, à titre d'analogie, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

    Soulignons, enfin, une différence concernant la sanction des dispositions contractuelles induisant un "déséquilibre significatif" : le commerçant lésé se verra alloué une indemnisation de son préjudice, tandis que les consommateurs et non-professionnels peuvent obtenir que la clause litigieuse soit réputée non écrite.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Dans un précédent post, nous faisions le point sur le reçu pour solde de tout compte. Voici présenté le deuxième document dit de fin de contrat : le certificat de travail.

    À l’expiration du contrat de travail, quel que soit le type de contrat et quel que soit le mode et le motif de la rupture, l’employeur est tenu de remettre au salarié un certificat de travail (c. trav. art. L. 1234-19).

     

    certificat de travail

    Mentions obligatoires. Le certificat de travail doit comporter les mentions suivantes :

    -  Date d’entrée du salarié dans l’entreprise (date à laquelle le salarié a effectivement pris ses fonctions, premier jour de la période d’essai) ;

    -  Date de sortie du salarié (date à laquelle le préavis, effectué ou non, a pris fin) ;

    -  Nature de l’emploi, ou des emplois successivement occupés (qualification exacte des fonctions remplies par le salarié) avec précision des périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus ;

    -  Droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation (DIF), c’est à dire le solde du nombre d’heures acquises au titre du DIF et non utilisées, ainsi que la somme correspondant à ce solde ;

    -  Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) compétent pour verser les sommes correspondant à la valorisation de la portabilité du DIF, dans l’éventualité où l’intéressé utiliserait cette faculté pendant sa période de chômage.

    Mention  « libre de tout engagement ». Fréquemment les modèles de certificat de travail en circulation précisent que le salarié quitte l’entreprise « libre de tout engagement ». Attention, cette mention, qui est facultative, n’a pas la portée que l’on pourrait croire. En particulier,  lorsqu’une clause de non-concurrence a été prévue au contrat de travail, cette formule n’a pas pour effet de libérer le salarié de son obligation de respecter la clause de non concurrence et de dispenser l’employeur de s’acquitter de la contrepartie financière. Le cas échéant, la clause de non-concurrence doit être dénoncée par un courrier séparé la visant expressément.

    Mentions interdites. Toutes mentions de nature à porter préjudice au salarié ou à compromettre sa future recherche d’emploi, tels que « Monsieur x nous quitte ce jour libre de tout engagement et c’est pas trop tôt ! » ou « casse-toi pauv’con … » sont à bannir.

    Sanctions. La non-remise du certificat de travail est passible d’une amende de la 4ème classe (c. trav. art. R. 1238-3). La remise tardive peut être sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts sans que le salarié ait à démontrer l’existence d’un préjudice (cass. soc. 25 janvier 2012, n° 10-11590, BC V n° 20).

    A suivre : l’attestation d’assurance chômage destinée à Pôle emploi…

    Me Manuel Dambrin

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