• Télétravail : pas de retour en arrière sans clause de réversibilitéC’est l’histoire d’une salariée qui avait obtenu la possibilité de télé-travailler à l’occasion de la naissance de son premier enfant. Un avenant à son contrat de travail avait été régularisé en ce sens, prévoyant plus précisément que cette organisation du travail était accordée “à titre exceptionnel”.

    Considérant que cette précaution rédactionnelle l’autorisait à mettre fin au télétravail lorsqu’il le déciderait et constatant, après quelques mois, que le travail à domicile avait atteint ses limites en termes d’efficacité, l’employeur demandait à la salariée de revenir au bureau. Il lui accordait un délai d’un mois pour lui permettre de s’organiser puis, devant sa résistance, un délai supplémentaire.

    Mais la salariée refusait de réintégrer l’entreprise de sorte que son employeur la licenciait en raison de son refus réitéré de reprendre le travail « en présentiel ».

    A tort, selon les juges, pour qui ce licenciement est abusif.

    Pour la Cour d’appel de Lyon (Chambre sociale b, 10 septembre 2021, n° 18/08845), ce retour à une exécution du travail au sein de l’entreprise constituait une modification du contrat de travail qui était subordonnée à l’accord de la salariée dans la mesure où ni le contrat de travail, ni l’avenant ne précisaient les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.

    Quant au terme « exceptionnel » qui assortissait le passage au télétravail dans l’avenant, il ne signifiait pas, selon les juges, que les parties avaient entendu conférer à cette modalité un caractère provisoire mais seulement que l’employeur avait accepté « de façon exceptionnelle » cette modalité …

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Le licenciement doit être le fait de l'employeurAinsi l’employeur ne peut-il pas déléguer cette prérogative à une personne extérieur à l’entreprise, comme son avocat ou son cabinet d’expertise comptable, pas plus qu’il ne peut confier cette responsabilité à un directeur ou responsable des ressources humaines qui n’appartiendrait pas à la société, entendue au sens strict.

    Dans l’affaire qui illustre ce principe (Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, n°20-11.485), le salarié d’une société A avait été licencié par la Directrice des Ressources Humaines d’une société B, laquelle appartenait au même groupe.

    La Directrice des Ressources Humaines de la société B avait en effet reçu mandat aux fins de prendre des décisions particulières comme le licenciement de salariés d’autres filiales.

    Impossible, selon la Cour de cassation, pour qui un tel licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, pour ne pas avoir été prononcé par l’employeur.

    Après avoir rappelé que « la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement », la Cour de cassation énonce que « la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement ».

    Me Manuel Dambrin

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  • Oublier de fixer les objectifs peut coûter cherOutil de motivation des salariés, la prime sur objectifs est un élément de rémunération fréquemment prévu dans les contrats de travail : une prime ou un bonus sera versé en fonction de l’atteinte d’objectifs qui auront été préalablement fixés en début d’exercice.

    Qu’advient-il de cette rémunération variable lorsque, comme cela se produit souvent, pris par le temps ou cédant à la négligence, l’employeur omet de fixer les objectifs ?

    La question s’est posée à la Cour de cassation dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt du 28 septembre 2016 (Chambre sociale, n°15-10.736).

    Dans cette affaire, la cour d’appel avait jugé que « la direction n’ayant établi aucun plan de bonus, le salarié n’est pas fondé à réclamer le paiement de la partie variable de sa rémunération ».

    Erreur, selon les Hauts Magistrats :  en statuant ainsi alors qu’elle avait constaté que la partie variable de la rémunération contractuelle du salarié dépendait de la réalisation d’objectifs fixés chaque année unilatéralement par l’employeur, ce qui n’avait pas été le cas en en 2009 et 2011, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »). En effet, poursuivent-ils, faute pour l’employeur d’avoir fixé des objectifs, « cet élément de rémunération devait être versé intégralement pour chaque exercice », c’est-à-dire comme si le salarié avait atteint 100% de ses objectifs.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Primes sur objectif : par ici la monnaie !Il est fréquent, particulièrement dans les fonctions commerciales, que le salaire fixe soit complété par une rémunération variable ou bonus, déterminé en fonction de la réalisation d’objectifs.

    Par hypothèse, cette rémunération variable est généralement versée en décalage, souvent à la fin de l’exercice comptable ou au début du suivant, en rémunération des objectifs réalisés au cours du précédent exercice.

    Qu’en est-il lorsque le salarié quitte l’entreprise en cours d’exercice ?

    C’est la question à laquelle a répondu la Cour de cassation dans son arrêt du 29 septembre 2021 (Chambre sociale, n°13-25.549), confirmant une solution constante.

    Dans cette affaire, la salariée avait été licenciée le 19 octobre, tandis que son contrat de travail subordonnait le paiement de primes commerciales sur objectifs à sa présence dans l'entreprise le 31 décembre de la même année.

    La condition de présence n’étant pas remplie, l’employeur refusait de s’acquitter des commissions.

    A tort, selon la Cour de cassation, qui rappelle qu’il faut distinguer l’acquisition du droit à la prime d’une part et, d’autre part, le paiement de la prime.

    Autrement dit, si l’acquisition du droit à la prime peut être subordonnée à une condition de présence (le salarié doit être présent pendant la période de référence servant de base à la détermination de l’élément de rémunération), il ne peut être exigé qu’il soit encore présent dans l’entreprise au moment où cette rémunération est versée.

    En l’occurrence, les primes litigieuses correspondaient à des objectifs commerciaux d’ores et déjà atteints, en cours d’année par la salariée ; elles étaient donc acquises à la salariée, peu important que leur versement soit différé dans le temps.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Heures supplémentaires : l’accord implicite de l’employeurLes heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures par semaine. Sauf convention collective fixant des taux différents, ces heures ouvrent droit, pour le salarié, à une majoration de salaire égale à 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 43ème heure hebdomadaire) et à 50 % pour les heures supplémentaires suivantes (au-delà de 43 heures).

    En principe, les heures supplémentaires ouvrant droit à rémunération doivent avoir été réalisées à la demande de l’employeur ou, en tout cas, avec son accord.

    Cependant, cet accord peut être implicite, comme l’enseigne l’arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre sociale, le 8 juillet 2020 (n°18-23.366).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le salarié occupait des fonctions d’assistance technique auprès d’un client ; il justifiait, grâce à des relevés de pointage issus du logiciel informatique de l’employeur, d’une durée du travail allant au-delà de 41,5 heures par semaine, mais non d’une autorisation ou d’un accord de l’employeur pour effectuer ces dépassements de la durée légale du travail.

    Peu importe, selon la Cour de cassation, qui estime que par ce dispositif, l’employeur était réputé informé des heures de travail, ce qui valait « accord au moins implicite de l’employeur à leur réalisation » ; la demande d’heures supplémentaires est donc accueillie.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • Un testament doit être rédigée dans une langue comprise par son rédacteurEnoncé ainsi, la portée de l’arrêt rendu le 9 juin 2021 par la Cour de cassation (1ère chambre civile, n° 19-21.770) semble frappée au coin de l’évidence.

    Pour autant, ce n’en était pas vraiment une, car l’article 970 du code civil prévoit seulement que le testament olographe doit être rédigé, daté et signé par le testateur : « il n’est assujetti à aucune autre forme ».

    Il n’est pas exigé qu’il soit rédigé en langue française, par exemple. Si l’article 2, aliéna 1er, de la Constitution, prévoit que la langue de la République est le français, cela ne vaut que dans les rapports avec les administrations publiques et n’interdit pas l’utilisation d’une langue étrangère en France (comme cela se pratique fréquemment d’ailleurs dans le monde des affaires).

    D’ailleurs, l’arrêt ici évoqué est un arrêt de cassation, laquelle a censuré un arrêt rendu par la Cour d’appel de Chambéry qui avait eu à connaître de la situation d’un ressortissant allemand vivant en France mais non francophone. Il avait rédigé son testament en langue française accompagné d’une notice d’explication rédigée, elle, en allemand.

    La question qui se posait n’était pas celle de la langue utilisée mais celle du plein et valable consentement à un acte juridique emportant des conséquences considérables.

    Pour la Cour d’appel de Chambéry, la présence d’un document annexe explicitant en allemand le contenu du testament rédigé en français, sans le trahir, permettait de considérer que le rédacteur avait bien compris la portée de l’acte et que son consentement suffisamment éclairé pour être valable.

    Pour la Cour de cassation, en revanche, le fait que le testament ait été rédigé dans une langue non comprise par son rédacteur constituait un obstacle à son consentement, nonobstant la présence de la notice explicative rédigée en allemand.

    Cette solution doit être approuvée : recopier à la main un texte que l’on ne comprend pas ne satisfait pas aux exigences de la loi.

    Les notaires le savent bien d’ailleurs, qui prennent la précaution, sans que cela ne soit obligatoire, de solliciter la présence d’un traducteur assermenté lorsque le testateur n’est pas francophone.

    Quant à la présence d’un notice explicative rédigée dans la langue comprise du rédacteur, elle ne peut que poser des difficultés supplémentaires : comment, en effet, s’assurer qu’elle a bien été rédigée en même temps que le testament, qu’elle a été soumise au rédacteur qui en a compris le sens, et qu’elle n’a pas été rédigée a posteriori ?

    Ce type de testament olographe est bien souvent présenté par son bénéficiaire comme au cas de l’arrêt ici commenté, où le testament faisait de la sœur du rédacteur la légataire de la quotité disponible.

    On peut douter, parfois, de l’authenticité d’un testament opportunément retrouvé par une personne qui est la première intéressée par sa prise en compte.

    Il est d’autant plus impératif que le testament traduise, par lui-même, la volonté du défunt.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Aller en pause, est-ce travailler ?La pause en droit du travail, on l’a expliqué récemment (cf. http://cardinal-avocats.eklablog.com/c-est-l-heure-de-la-pause-a209208852), est le temps pendant lequel Le salarié peut librement vaquer à des occupations personnelles sans avoir à respecter les directives de son employeur ; il n’est pas rémunéré. Il s’oppose au temps de travail effectif défini par l’article L. 3121-1 du code du travail, durant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives.

    Cela étant posé, qu’en est-il du temps de déplacement pour se rendre du poste de travail au lieu de pause, lorsque celui-ci est relativement éloigné ?

    La question prend toute sa dimension dramatique lorsque l’on sait que les lieux de pause sont souvent équipés de babyfoot et qu’il est très énervant d’être interrompu en pleine partie pour retourner travailler.

    Heureusement la Cour de cassation, Chambre sociale, y a répondu dans une série d’arrêts du 16 juin 2021 (n° 19-22.410 et autres).

    Dans cette affaire, les salariés, préparateurs de commandes au sein de la société La Redoute, estimaient que le temps qu’ils mettaient à rejoindre leur lieu de pause (lequel était éloigné du site où ils travaillaient) ne devaient pas être décompté de leur temps de pause. Ils réclamaient ainsi un rappel de salaire correspondant à ce temps trajet.

    Le Conseil de prud'hommes de ROUBAIX leur donna raison en considérant que le lieu de pause était imposé par la direction et que des échanges avec l’inspection du travail mettaient en évidence cette problématique de trajet pour rejoindre la salle de pause et avaient conduit la société à créer une seconde salle de pause et à concéder une tolérance au démarrage du temps de pause.

    Mais cette solution est censurée par la Cour de cassation dont les juges ne jouent peut-être pas assez au babyfoot.

    Conformément à l’orthodoxie juridique, les hauts Magistrats décident qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les salariés se trouvaient, durant le temps de trajet pour se rendre de leur poste de travail au lieu de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, le conseil de prud’hommes a violé l’article L. 3121-1 du code du travail.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • L'excuse de provocation en droit du travailL’excuse de provocation est un concept bien connu des pénalistes qui permet de défendre l’auteur d’une agression en soutenant que ce dernier a riposté de manière immédiate et irréfléchie à une provocation.

    L’arrêt rendu par la Cour de cassation 20 octobre 2021 illustre la transposition de ce principe en droit du travail (Chambre sociale, n°20-10.613).

    Il s’agissait en l’occurrence d’une éducatrice spécialisée au sein d’une association qui avait été licenciée pour faute grave (sans indemnité ni préavis) pour avoir exercé des violences physiques sur un collègue (coups portés à la tête) et l’avoir menacé de mort, ce qui avait provoqué l’interruption du service et profondément choqué la dizaine de salariés présents.

    Les faits n’étaient pas contestés et de nature à justifier le licenciement pour faute grave.

    Mais ce n’est pas ce qu’a décidé la Cour d’appel, qui a retenu que « ce comportement, sans aucun doute fautif et parfaitement inadéquat s’inscrit dans le prolongement de l’agression [d’un collègue] et qu’il convient de tenir compte du contexte professionnel du pôle 115 qui induit légitimement une certaine tension psychologique » et jugé que le licenciement était abusif.

    Cette solution a été approuvée par la Cour de cassation : « Ayant constaté que l’ensemble des faits reprochés à la salariée et commis à l’égard d’un collègue de travail s’étaient produits en réaction à l’agression subite et violente dont elle avait été victime de la part de ce dernier, dans un contexte professionnel de tension psychologique et de fréquentes altercations, la cour d’appel a pu retenir que ces faits ne caractérisaient pas une faute grave et, dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, a décidé qu’ils ne pouvaient être une cause réelle et sérieuse de licenciement ».

    Me Manuel Dambrin

     

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  • C'est qui le patron ?Selon l’article L.1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ».

    Autrement dit, dès lors qu’il a connaissance de faits qu’il estime fautifs et qu’il souhaite sanctionner, l’employeur doit convoquer le salarié à l’entretien préalable dans un délai maximum de deux mois ; passé ce délai, les faits sont prescrits et ne sont plus sanctionnables.

    La difficulté tient au fait que, selon une conception contractuelle, l’employeur est, la plupart du temps, une personne morale (une société, une association). Cette dernière doit par conséquent recourir à une ou plusieurs personnes physiques pour mettre en œuvre le droit disciplinaire en son nom et pour son compte.

    La question est donc de savoir qui (personne physique) au sein de l’employeur (personne morale) est habilité à recevoir la connaissance du fait fautif de nature à faire courir le délai de deux mois après l’expiration duquel plus aucune sanction n’est possible.

    La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 23 juin 2021 (Chambre sociale n°20-13.762 et 19-24.020) en posant que « L’employeur, au sens de ce texte [L.1332-4 du code du travail], s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir ».

    Cela veut dire qu’à partir du moment où un supérieur hiérarchique a connaissance d’un fait fautif commis par un subordonné, le délai de deux mois pour sanctionner ledit fait commence à courir, même si ledit supérieur hiérarchique (dénué du pouvoir disciplinaire) n’a pas « remonté » l’information au titulaire du pouvoir disciplinaire, lequel risque donc, en n’étant pas informé à temps, d’être hors délai pour prononcer une sanction.

    Me Manuel Dambrin

     

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  • La loi est dure mais c'est la loiEn matière de licenciement disciplinaire le respect des délais n’est pas à prendre à la légère.

    C’est la leçon à tirer de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 novembre 2019 (Chambre sociale n° 18-15.195).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, l’employeur avait convoqué un salarié à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, qu’il avait fixé au 27 mars. Le salarié s’y était présenté mais l’employeur était absent, retenu par un rendez-vous important. Le salarié avait attendu une demi-heure, avant de partir.

    Qu’à cela ne tienne, l’employeur avait convoqué de nouveau le salarié pour un nouvel entretien qui eût cette fois lieu, une dizaine de jours plus tard, soit le 7 avril.

    Puis l’employeur notifiait le licenciement pour faute grave par un courrier du 29 avril.

    Trop tard, selon le juge, qui déclare le licenciement abusif, sans en examiner les motifs, au visa de l’article L1332-2 du Code du travail.

    Ce texte prévoit en effet que le licenciement « ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ».

    En l’occurrence, si le licenciement était bien intervenu moins d’un mois après la seconde date fixée pour l’entretien préalable, ce délai était dépassé si on le calculait à partir de la première date.

    Or, pour la Cour de cassation, le salarié s’étant rendu au premier entretien et le report de celui-ci ne résultant pas, ni d’une demande de sa part, ni de l’impossibilité pour celui-ci de s’y rendre, mais de la seule initiative de l’employeur, le licenciement notifié plus d’un mois après ce premier entretien était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

    Me Manuel Dambrin

     

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