• Statut du conjoint du chef d’entreprise : la fin de l'ambiguité

    Les avancées concernant les droits des femmes passent par des prises de position médiatiques, des manifestations spectaculaires, des révélations choquantes, mais aussi, et c’est heureux, par des évolutions juridiques qui, d’apparences techniques n’en sont pas moins essentielles.

    Il en va ainsi du statut du conjoint collaborateur.

    Chacun a en tête ces conjoints, le plus souvent des conjointes, qui travaillent pendant des années aux côtés de leur époux chef d’entreprise, artisan ou exerçant une profession libérale : secrétaire générale de la société « de fait », caissière ou serveuse dans les magasins, bars et restaurants, assistante médicale, …

    Leur statut juridique n’est pas toujours clairement défini, quand il n’est pas, tout simplement inexistant, ce qui a des conséquences dramatiques en termes de pension de retraite ou en cas de divorce, par exemple.

    Statut du conjoint du chef d’entreprise : la fin de l'ambiguitéLe décret n°2019-1048 du 11 octobre 2019, entré en vigueur en partie le 14 octobre 2019 et en partie le 1er janvier 2020, précise les conditions de déclaration, par le chef d’entreprise, du statut de son conjoint ou partenaire de PACS qui exerce dans l’entreprise familiale une activité professionnelle de manière régulière (statut de conjoint collaborateur – associé – ou salarié).

    Ce décret a été pris en application de la loi Pacte du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, dont l’un des objectifs était de renforcer la protection du conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale.

    Si la loi prévoyait déjà, à travers l’alinéa IV de l’article L.121-4 du code de commerce que « le chef d’entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise », dans les faits, l’activité du conjoint n’était pas toujours déclarée.

    Il en résultait principalement deux conséquences néfastes, que ce soit pour le chef d’entreprise ou pour le conjoint.

    D’une part, le défaut de déclaration exposait le premier à une condamnation pour travail dissimulé, et d’autre part, le conjoint bénévole était privé des avantages conférés par la reconnaissance d’un statut (assurance-maladie ; droits à la retraite, etc.).

    Depuis le 22 mai 2019, l’alinéa IV de l’article L.121-4 du code de commerce ajoute qu’« à défaut de déclaration d’activité professionnelle, le conjoint ayant exercé une activité professionnelle de manière régulière dans l’entreprise est réputé l’avoir fait sous le statut de conjoint salarié.

    A défaut de déclaration du statut choisi, le chef d’entreprise est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de conjoint salarié ».

    En attribuant automatiquement le statut de conjoint salarié (le plus protecteur des trois statuts possibles) en cas de défaut de déclaration de la part du chef d’entreprise familiale, le législateur fait d’une pierre deux coups : (1) Il protège le chef d’entreprise lui-même contre les sanctions pouvant résulter d’un défaut de déclaration, et (2) il met fin à la situation floue dans laquelle étaient placés de nombreux conjoints ou partenaire de PACS.

    Les conséquences de ce statut de salarié « par défaut » sont nombreuses.

    On peut citer, par exemple le fait que le conjoint entre dans les effectifs de la société, avec les conséquences de cette intégration en termes de franchissement de seuils ; qu’un contrat de travail devra être conclu et une rémunération versée comme pour n’importe quel salarié ; que le conjoint salarié restera dans la société même en cas de cession de cette dernière par l’époux ; que la question du licenciement et des indemnités afférentes devra généralement être réglée en cas de divorce (il est probable que les époux divorçant ne souhaitent plus se côtoyer au travail, même si tout est envisageable) ; qu’en l’absence de fixation du statut du conjoint des demandes de régularisation sont envisageables ; que le licenciement entraînera, naturellement, le versement d’indemnités versées par Pôle emploi.

    Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la protection des droits est bien mieux assurée par l’obligation de choisir un statut au conjoint du chef d’entreprise commerciale, libérale ou artisanale et par l’option par défaut pour le statut de conjoint salarié.

    Paradoxe apparent toutefois : cette avancée des droits a pour conséquence la clarification de la position de chacun car le conjoint salarié doit, comme tout salarié, se trouver en situation de subordination par rapport au chef d’entreprise, qui dirige et contrôle son activité.

    Le chef d’entreprise doit assurer seul la direction de son activité, sans intervention de son conjoint salarié, le conjoint salarié risquera d’être qualifié de « gérant de fait ».

    Vigilance aussi, exigée du chef d’entreprise qui ne souhaiterait pas que son conjoint se voit attribuer la qualité de salarié, avec les conséquences de l’application de statut en termes de protection, certes, mais également de coût. Il convient, sans tarder, d’opter positivement pour l’un des deux autres statuts envisageables : conjoint collaborateur ou conjoint associé.

    Me Xavier Chabeuf

    Pin It