• Harcèlement moral : bien choisir son juge

    Harcèlement moral : bien choisir son jugeLe harcèlement moral fait l’objet de deux définitions légales distinctes : l’une dans le Code pénal ; l’autre dans le code du travail.

    Le Code pénal fait du harcèlement moral un délit et le définit comme « des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » ; il est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail (art. 222-33-2-2).

    Le Code du travail, de son côté, définit le harcèlement moral comme « des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (art. L. 1152-1).

    Les définitions sont proches mais, en pratique, les éléments constitutifs diffèrent et, selon le juge saisi (conseil de prud’hommes ou tribunal correctionnel), la solution apportée au litige pourra être différente.

    C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 février 2022 (n° 21-82266).

    Dans cette affaire, les héritiers d’une salariée qui s’était suicidée à la suite d’agissements de harcèlement moral de son employeur avaient choisi la voie pénale, sans doute à tort.

    En effet, ils furent déboutés au motif que si la dégradation des conditions de travail de la salariée était établie, l’employeur n’en avait pas eu conscience.

    Autrement dit, l’élément matériel du délit de harcèlement moral pouvait être caractérisé (matérialité des faits) mais l’élément moral (l’intention coupable) faisait défaut.

    Or, en droit pénal, tout délit suppose l’intention de le commettre, en l’occurrence la conscience de dégrader les conditions de travail de la salariée.

    Cette condition n’aurait pas été requise devant le juge prud’homal, la Cour de cassation, chambre sociale, estimant que l’intention ou la conscience de harceler n’est pas nécessaire à la reconnaissance du harcèlement moral (Soc., 17 juin 2009, n° 07-43.947).

    Me Manuel Dambrin

     

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