• Il n’y a pas d’empiètement minime : chacun chez soi !

    Aux termes de l’article 544 du code civil, « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements », tandis que l’article 545 ajoute : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

    Il n’y a pas d’empiètement minime : chacun chez soi !Ces dispositions sont demeurées inchangés depuis la première rédaction du code civile de 1804 et sont la  directe transposition de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». 

    Depuis 232 ans, la propriété constitue en France « un droit inviolable et sacré » et permet de faire face aux nationalisations sans indemnité de la puissance publique et de résister aux dangereux empiétements de voisinage.

    La troisième chambre civile de la Cour de cassation vient de le rappeler avec une grande clarté dans un arrêt du 4 mars 2021 (P. n° 19-17.616) : aucun empiétement sur la propriété d’autrui, aussi minime soit-il, n’est tolérable, et toute violation doit conduire au retour au statu quo ante de manière à ce que le propriétaire agressé puisse à nouveau jouir de sa propriété de la manière la plus absolue.

    Au cas de l’espèce, un mur avait été construit afin de délimiter deux parcelles séparatives. Ce mur restait bien sur la propriété de celui qui avait décidé de l’édifier.

    Toutefois, lors du creusement des fondations dudit mur, des coulures de béton avaient dérivé sur le terrain voisin sur…18 cm au maximum !

    Le voisin demandait la démolition du mur dans son intégralité au motif qu’il avait été porté atteinte à sa propriété et la Cour d’appel de Lyon avait considéré que l’empiètement était si minime qu’il ne justifiait pas la démolition. On pouvait imaginer, à la place, une indemnisation pécuniaire.

    La Cour de cassation récuse – à juste titre il nous semble – toute possibilité d’appréciation par le juge du fond de ce que pourrait être un empiètement minime, tolérable, n’appelant pas démolition mais indemnisation.

    L’empiètement appelle la démolition, ce qui permet de sanctionner utilement tous ceux qui seraient tenté d’imposer des situations de fait à leurs voisins en escomptant qu’ils ne viendront pas protester contre des atteintes à leur droit de propriété qui pourraient être considérées comme mineurs.

    Me Xavier Chabeuf

     

     

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