• Lanceur d’alerte : la protection joue également pour la dénonciation de manquements à des obligations déontologiques

    Lanceur d’alerte : la protection joue également pour la dénonciation de manquements à des obligations déontologiquesLe lanceur d’alerte est celui qui communique à des tiers à son entreprise des faits susceptibles de nuire à celle-ci en raison de leur caractère scandaleux ou répréhensible.

    C’est la loi du 6 décembre 2013 qui a introduit dans le code du travail les premières dispositions protégeant les lanceurs d’alerte en alignant cette protection sur celle des dénonciateurs ou témoins de discriminations : toute mesure prise à leur encontre, tel qu’un licenciement, est nulle et ouvre droit, au choix du salarié, à réintégration ou à indemnisation.

    La Cour de cassation est venue préciser, sur le fondement de la liberté d’expression, le régime de la protection assurée au lanceur d’alerte : celui-ci doit agir de bonne foi.

    Cela ne signifie pas que les faits dénoncés doivent être avérés ; le lanceur d’alerte a droit à l’erreur.

    Cela signifie que la protection liée à la dénonciation des faits n’est écartée que si le salarié avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés, car alors il est de mauvaise foi.

    C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt du 19 janvier 2022 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation en matière de violation de règles déontologiques propres à la profession d’expert-comptable (Soc. 19 janv. 2021, FS-B, n° 20-10.057).

    La bonne foi étant toujours présumée, c’est à l’employeur qu’il appartiendra de rapporter la preuve de la mauvaise foi du salarié, ce qui peut ne pas être une mince affaire.

    En l’espèce, le salarié d’une société d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes avait, par lettre recommandée, alerté son employeur sur une situation de conflit d’intérêts entre ses missions d’expert-comptable et celles de commissaire aux comptes, indiquant qu’il saisirait la compagnie régionale des commissaires aux comptes en cas d’inertie de ce dernier à la suite de son alerte, ce qu’il avait fait, la veille de l’entretien préalable à son licenciement, et avant d’être licencié pour faute grave une semaine plus tard.

    Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud’homale, qui annule son licenciement et cette solution est confirmée par la Cour de cassation, qui rappelle le principe selon lequel le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

    L’apport de cette décision est d’étendre la protection à la dénonciation de « manquements à des obligations déontologiques », quand elle était jusqu’à présent réservée aux faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime.

    Me Manuel Dambrin

     

    Pin It