• Le témoin contraint au silence

    Le témoin contraint au silenceIl est fréquent, pour ne pas dire systématique, que dans la transaction par laquelle un employeur et un salarié mettent fin à un litige prud’homal né ou à naitre, il soit prévu une clause par laquelle le salarié s’interdit d’apporter un témoignage à l’encontre de son ancien employeur, notamment en faveur d’un autre salarié qui se trouverait à son tour en litige.

    La valeur d’une telle clause pose de sérieuses difficultés dans la mesure où elle constitue une atteinte à la liberté d’expression ainsi qu’à la liberté fondamentale de témoigner, protégées par les articles 6 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

    Cette interdiction de témoigner est également de nature à tenir en échec l’article 10 du Code civil suivant lequel « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité ».

    C’est pourquoi, en pratique, de telles clauses ont une vertu essentiellement dissuasive auprès des salariés qui la souscrivent car l’employeur sera généralement dans l’incapacité d’en faire sanctionner la violation.

    C’est ce qu’illustrent les motifs de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 5 juillet 2018 :

    « Aux termes de l’article 10 du code civil, chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité et celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis peut-être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts. 

    En l’espèce, la cour estime que l’existence de la clause contenue dans la transaction signée avec la société CROWN EUROPE GROUP SERVICES, aux termes de laquelle Madame Y s’engageait à ne pas établir de témoignages à son encontre, ne constitue pas un motif légitime de refus de témoigner sur des faits argués de manquements à l’obligation de sécurité et de discrimination.

    La protection de la sécurité et de la santé au travail, ainsi que l’interdiction de comportements discriminatoires, présentent, en effet un caractère de nécessité d’une valeur supérieure à la protection des intérêts privés de l’entreprise » (Pôle 6 - chambre 5, n° 16/08500).

    Me Manuel Dambrin

     

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