• Le téléphone professionnel du salarié peut contenir des messages privés

    Le téléphone professionnel du salarié peut contenir des messages privésL’employeur ne peut accéder à la correspondance privée d’un salarié, même lorsque celle-ci est hébergée sur le téléphone professionnel qu’il a mis à sa disposition, sans violer le secret des correspondances privées électroniques.

    C’est l’enseignement de l’arrêt rendu le 24 mars 2020 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (n° 19-82069 D).

    Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le salarié avait été licencié pour faute lourde puis assigné aux prud’hommes par son ancien employeur pour avoir violé sa clause de non-concurrence. Pour prouver la concurrence, l’employeur avait produit des correspondances issues de la messagerie personnelle que le salarié avait installé sur son téléphone professionnel et qu’il avait oublié d’effacer avant de le rendre (échanges de courriels avec un client et un fournisseur).

    Le salarié contre-attaque alors en portant plainte pour atteinte au secret des correspondances émises par voie électronique.

    Il n’est pas suivi par la cour d’appel, qui relaxe l'employeur au motif que le salarié avait omis de paramétrer cette adresse de messagerie comme étant « personnelle » ou « privée », et que le caractère personnel des courriels litigieux ne pouvait se déduire du seul fait qu'ils avaient été échangés à partir d'une adresse mise en place par le salarié. Il faut souligner, en outre, que le règlement intérieur de l’entreprise interdisait l’usage personnel du téléphone professionnel.

    Mais ces éléments n’ont pas convaincu la Cour de Cassation.

    Celle-ci rappelle l’article 226-15 du code pénal, selon lequel : « Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ».

    Puis elle ajoute que « la mauvaise foi » prévue par ce texte est caractérisée dès lors que celui qui utilise ou divulgue une correspondance sait que celle-ci ne lui est pas destinée, « quel que soit le mobile auquel il obéit ».

    Aussi, pour la Cour de Cassation, « dès lors qu'ils avaient constaté que les messages en cause avaient été échangés entre des tiers et [le salarié] postérieurement au licenciement de celui-ci, depuis son adresse de messagerie personnelle, les juges ne pouvaient déduire de la seule absence d'un paramétrage spécifique indiquant le caractère privé des courriels, que ceux-ci n'étaient pas personnels, sans examiner l'objet des messages utilisés par l'employeur ».

    L’affaire devra donc être rejugée par une nouvelle Cour d’appel qui devra examiner le contenu des messages litigieux, pour dire s’il s’agissait de correspondances privées.

    Soulignons que la chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de rappeler que l’employeur ne peut pas se servir de courriels émanant de la messagerie personnelle d'un salarié, distincte de la messagerie professionnelle, comme preuve dans le cadre d’un contentieux qui les oppose. Leur production en justice porterait effectivement atteinte au secret des correspondances, peu important que cette messagerie personnelle soit accessible à partir de l’ordinateur professionnel (cass. soc. 26 janvier 2016, n° 14-15360 ; cass. soc. 23 octobre 2019, n° 17-28448 D).

    Me Manuel Dambrin

     

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