• Faute lourde

    La faute lourde se situe à l’échelon le plus élevé dans la hiérarchie des fautes contractuelles ou disciplinaires (au-dessus de la faute grave). Elle est rarement reconnue car ni la gravité des faits ni le préjudice qui en est résulté ne suffit à l’établir. Le critère de reconnaissance de la faute lourde est l’intention du salarié de nuire à l’employeur.
     

    A noter que la faute lourde est la seule qui permette à l’employeur d’engager la responsabilité financière du salarié c’est-à-dire de lui demander réparation. L’employeur devra donc, s’il souhaite obtenir un dédommagement de son salarié en raison de la faute par lui commise, procéder à un licenciement pour faute lourde. C’est principalement ce qui différencie la faute lourde de la faute grave, ces deux fautes étant privatives de l’indemnité de licenciement et du préavis.


    A noter également que la faute lourde ne prive pas le salarié de ses droits auprès de Pôle emploi, pas plus que la faute grave. Le critère pour être éligible aux prestations de Pôle emploi étant d’avoir été involontairement privé d’emploi, ce qui est le cas quel que soit le type de licenciement prononcé.


    Deux exemples récents de reconnaissance d’une faute lourde par les juges :

    Dans la première affaire, un salarié s’était octroyé une prime représentant 6 ans de salaires et avait de surcroit été jugé coupable d’abus de bien sociaux pour ces faits. Les juges ont considéré que le salarié avait usé de sa qualité de directeur d’usine pour s’attribuer le bénéfice de cette prime, dont il connaissait l’impact sur l’entreprise et le caractère irrégulier de sa fixation, ce dont ils ont pu déduire que les agissements du salarié caractérisaient une faute lourde (Cass. Soc., 2 juin 2017, n° 15-28.115).
    Dans la seconde affaire, un directeur administratif et financier avait détourné 240.000 €, falsifié des documents pour dissimuler ses agissements et établi de fausses factures et de fausses opérations comptables. Ces malversations avaient été découvertes à réception d’une contrainte de l’URSSAF qui avait provoqué une enquête interne. La faute grave a été admise, ainsi que la condamnation du salarié à payer 50.000 € de dommages et intérêts à l’employeur (Cass. Soc., 8 juin 2017, n°15-25.193).


    Me Manuel Dambrin

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  • Dans l’affaire ici commentée (Cass. Crim., 1er février 2017, n° 15-85.199, B), un dirigeant de deux sociétés avait été reconnu coupable d’abus de biens sociaux et condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir transféré la quasi-totalité du bénéfice comptable de l’une vers l’autre, entraînant ainsi la cessation de paiements de la société ponctionnée et l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Il s’était également vu infliger une peine complémentaire de cinq ans d’interdiction de gérer une société commerciale, en application de l’article L. 249-1 du code de commerce.

     

    Devant la Cour de cassation, le dirigeant indélicat faisait valoir que ladite peine complémentaire prononcée à son encontre était disproportionnée au regard de la liberté d’entreprendre et de travailler.

     

    Se posait donc la question de la motivation de la peine et du degré de contrôle du juge de cassation à cet égard.

     

     

     

    Jusqu’à présent, la chambre criminelle estimait que, sans avoir à s’en expliquer, les juges répressifs appréciaient, dans les limites fixées par la loi, la sanction à infliger à l’auteur d’une infraction (voir notamment : Cass. Crim., 14 mai 1998, n° 96-84.622, B. n° 163).

     

    Mais l’arrêt commenté marque une évolution significative.

     

    En effet, la Cour de cassation y énonce qu’« en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ».

     

    Elle estime, au cas présent, que le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de gérer se trouve justifié au regard de ces critères, la cour d’appel ayant relevé que :

    •   le prévenu avait suivi une école de commerce ;
    • qu’il était dirigeant de société depuis 1978 ;
    • qu’il avait repris la gérance de la société placée
      en redressement judiciaire en novembre 2013 ;
    • qu’il ne percevait pas de rémunération au titre de sa gérance et qu’il bénéficiait de revenus fonciers de l’ordre de 10 000 € par mois ;
    • qu’il avait privilégié les intérêts de ladite société dans laquelle il avait des intérêts, et délibérément sacrifié l’autre société et placé celle-ci dans l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Cette nouvelle exigence de motivation, qui permet une meilleure compréhension par le justiciable des peines prononcées à son encontre et dissipe le sentiment d’arbitraire, ne peut qu’être saluée.

    Elle permettra un approfondissement du débat contradictoire sur la nature et le quantum des peines prononcées et, surtout, vient corriger l’incongruité de l’absence de motivation de condamnations pouvant atteindre dix années de prison ferme.

    Cela semble être la moindre des choses.

     

     

    Me Xavier Chabeuf


  • Avec l’utilisation du numérique, désormais incontournable dans le monde du travail, les modes de travail évoluent. Dans bien des secteurs, le lieu de travail n’existe plus, les salariés sont de plus en plus « connectés » en dehors des heures de bureau, la frontière entre vie professionnelle et personnelle est ténue, le temps de travail n’est plus continu.


    C’est pour s’adapter à cette réalité et créer les protections nécessaires à la santé des salariés actuelle qu’un « droit à la déconnexion » a été inscrit dans la loi et figure désormais à l’article L. 2242-8 du Code du travail issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi Travail).
    Ce droit à la déconnexion concerne tous les salariés, mais surtout ceux qui ont opté pour le télétravail ou qui bénéficient du statut cadre.

    Droit à la déconnexion


    Ce texte consacre le « plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé, ainsi que la vie personnelle et familiale ».
    Plus précisément, ce texte prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés ont l'obligation d'engager des négociations avec les partenaires sociaux dans l'entreprise ou l’établissement sur « les modalités d'exercice du droit à la déconnexion » des salariés. À défaut d'accord collectif, l'employeur doit établir une charte, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.


    Cette disposition n'est cependant pas plus précise et laisse donc une grande liberté aux partenaires sociaux quant aux mesures à prendre, qui peuvent aller de la limitation de l’envoi d’e-mails dans certaines tranches horaires, jusqu’au blocage des serveurs informatiques, en passant par les études de flux ou les « journées sans mails »…
    Si l’intention paraît bonne, on peut douter de la pertinence de la méthode, à savoir une réponse unique forcément inadaptée à la grande diversité des situations individuelles. Faut-il vraiment avoir recours à la loi pour dicter ce que l’éducation et la politesse, qui sont des valeurs universelles, devraient suffire à imposer ?


    Me Manuel Dambrin

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