• Le statut du dirigeant, mandataire social, est précaire.

    Ainsi, peut-il être révoqué à tout moment (sur un mouvement de tête, ad nutum), sans préavis, précision de motifs, ou indemnités.

    L’absence de justes motifs à la révocation peut donner lieu à contrôle par le juge, et à indemnisation, mais non à réintégration dans les fonctions.

    Mais même si la révocation est justifiée, elle ne doit pas prendre la forme d’un abus dans les conditions dans lesquelles elle intervient, soit parce qu’elle se déroule dans des conditions vexatoires, soit parce que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, le dirigeant ne s’étant pas vu offrir la possibilité d’exposer les raisons pour lesquelles il estime que le maintien dans ses fonctions serait justifié.

    Evidemment, tout est question de circonstances, et la jurisprudence en la matière est pour le moins fluctuante, raisonnant au cas par cas.

    Mais il faut garder à l’esprit qu’une fois respectées les limites ci-dessus rappelés, le principe doit rester celui d’une grande liberté dans la motivation et la forme de la révocation d’un dirigeant.

    C’est ce qu’a rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mai 2017 (Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.633) dans l’affaire suivante : un dirigeant était considéré comme défaillant par le conseil d’administration de la société, tant sur le plan de sa gestion des affaires que s’agissant du management de ses équipes, qui se défiaient de lui.

    Invité à se présenter devant le conseil d’administration une dizaine de jours avant la tenue de celui-ci et informé du fait que sa révocation était envisagée, et ayant eu l’opportunité de présenter son point de vue, le principe du contradictoire avait été respecté.

    Une fois la décision prise, le dirigeant a immédiatement été privé d’accès à son serveur et à son adresse électronique, sa ligne téléphonique a été coupée, il a dû rendre sa voiture, et quitter son logement dans le délai d’un mois.

    Le dirigeant soutient que les conditions de cette révocation sont brusques et humiliantes, vexatoires, et portent atteinte à sa réputation.

    La Cour de cassation juge qu’il n’en est rien : d’une part, il a été averti plusieurs jours avant, a pu s’expliquer, la révocation était abondamment motivée ; d’autre part, les mesures le concernant, certes strictes, « étaient inhérentes à ses fonctions », sans qu’il ait été porté atteinte à sa réputation et à son honneur.

    Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéïenne.

     

    Me Xavier Chabeuf

     

     


  • Avec la hardiesse qui la caractérise, la presse ressasse à l’envi l’une des mesures phares des ordonnances portant réforme du code du travail : le plafonnement des « indemnités prud’homales ».

    Or, la notion d’« indemnités prud’homales » n’existe pas dans notre droit ; elle n’existait pas avant la réforme et elle n’existe toujours pas avec celle-ci.

    Les indemnités susceptibles d’être allouées par le juge prud’homal sont multiples et le plafonnement prévu par l’article 2 de l’« ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail » ne concerne en réalité que l’une d’entre elles : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail.

    Cette indemnité a un objet circonscrit : elle a vocation à réparer le préjudice résultant de la perte d’emploi lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. Son montant était jusqu’alors souverainement appréciée par le juge en fonction de critères tels quel l’âge, l’ancienneté, ou les difficultés pour retrouver un emploi (durée d’indemnisation Pôle emploi).

    Désormais, le juge ne pourra plus allouer un montant supérieur à celui prévu par le nouvel article L.1235-3 qui instaure un barème d’indemnisation allant de 1 à 20 mois de salaire en fonction de l’ancienneté (un tel barème existait déjà sous l’article R.1235-22 mais n’avait pas de caractère contraignant pour le juge).

    Le juge conserve en revanche toute liberté – et gageons qu’il en usera – pour allouer d’autres indemnités, réparant d’autres chefs de préjudice que celui résultant de la perte d’emploi.

     Le plafonnement des "indemnités prud'homales" ou la grande (dés)illusion

     Le nouveau texte, lui-même, réserve plusieurs hypothèses échappant à l’emprise du barème (cas de harcèlement, de discrimination ou d’atteinte à une liberté fondamentale, vaste programme…). Au-delà de ces cas de figure, rien n’interdit au juge d’allouer des dommages et intérêts pour indemniser d’autres préjudices, plus ou moins caractérisés, tels de que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, légèreté blâmable, licenciement brutal ou vexatoire, dommages et intérêts pour atteinte à l’état de santé, préjudice moral, etc…).

    Autrement dit, il est vraisemblable que les juges, voyant ainsi leurs prérogatives restreintes, s’emploieront à maintenir, in fine, les indemnisations allouées à un niveau qu’ils estimeront juste.

    Me Manuel DAMBRIN

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  • Faute lourde

    La faute lourde se situe à l’échelon le plus élevé dans la hiérarchie des fautes contractuelles ou disciplinaires (au-dessus de la faute grave). Elle est rarement reconnue car ni la gravité des faits ni le préjudice qui en est résulté ne suffit à l’établir. Le critère de reconnaissance de la faute lourde est l’intention du salarié de nuire à l’employeur.
     

    A noter que la faute lourde est la seule qui permette à l’employeur d’engager la responsabilité financière du salarié c’est-à-dire de lui demander réparation. L’employeur devra donc, s’il souhaite obtenir un dédommagement de son salarié en raison de la faute par lui commise, procéder à un licenciement pour faute lourde. C’est principalement ce qui différencie la faute lourde de la faute grave, ces deux fautes étant privatives de l’indemnité de licenciement et du préavis.


    A noter également que la faute lourde ne prive pas le salarié de ses droits auprès de Pôle emploi, pas plus que la faute grave. Le critère pour être éligible aux prestations de Pôle emploi étant d’avoir été involontairement privé d’emploi, ce qui est le cas quel que soit le type de licenciement prononcé.


    Deux exemples récents de reconnaissance d’une faute lourde par les juges :

    Dans la première affaire, un salarié s’était octroyé une prime représentant 6 ans de salaires et avait de surcroit été jugé coupable d’abus de bien sociaux pour ces faits. Les juges ont considéré que le salarié avait usé de sa qualité de directeur d’usine pour s’attribuer le bénéfice de cette prime, dont il connaissait l’impact sur l’entreprise et le caractère irrégulier de sa fixation, ce dont ils ont pu déduire que les agissements du salarié caractérisaient une faute lourde (Cass. Soc., 2 juin 2017, n° 15-28.115).
    Dans la seconde affaire, un directeur administratif et financier avait détourné 240.000 €, falsifié des documents pour dissimuler ses agissements et établi de fausses factures et de fausses opérations comptables. Ces malversations avaient été découvertes à réception d’une contrainte de l’URSSAF qui avait provoqué une enquête interne. La faute grave a été admise, ainsi que la condamnation du salarié à payer 50.000 € de dommages et intérêts à l’employeur (Cass. Soc., 8 juin 2017, n°15-25.193).


    Me Manuel Dambrin

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  • Dans l’affaire ici commentée (Cass. Crim., 1er février 2017, n° 15-85.199, B), un dirigeant de deux sociétés avait été reconnu coupable d’abus de biens sociaux et condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir transféré la quasi-totalité du bénéfice comptable de l’une vers l’autre, entraînant ainsi la cessation de paiements de la société ponctionnée et l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Il s’était également vu infliger une peine complémentaire de cinq ans d’interdiction de gérer une société commerciale, en application de l’article L. 249-1 du code de commerce.

     

    Devant la Cour de cassation, le dirigeant indélicat faisait valoir que ladite peine complémentaire prononcée à son encontre était disproportionnée au regard de la liberté d’entreprendre et de travailler.

     

    Se posait donc la question de la motivation de la peine et du degré de contrôle du juge de cassation à cet égard.

     

     

     

    Jusqu’à présent, la chambre criminelle estimait que, sans avoir à s’en expliquer, les juges répressifs appréciaient, dans les limites fixées par la loi, la sanction à infliger à l’auteur d’une infraction (voir notamment : Cass. Crim., 14 mai 1998, n° 96-84.622, B. n° 163).

     

    Mais l’arrêt commenté marque une évolution significative.

     

    En effet, la Cour de cassation y énonce qu’« en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ».

     

    Elle estime, au cas présent, que le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de gérer se trouve justifié au regard de ces critères, la cour d’appel ayant relevé que :

    •   le prévenu avait suivi une école de commerce ;
    • qu’il était dirigeant de société depuis 1978 ;
    • qu’il avait repris la gérance de la société placée
      en redressement judiciaire en novembre 2013 ;
    • qu’il ne percevait pas de rémunération au titre de sa gérance et qu’il bénéficiait de revenus fonciers de l’ordre de 10 000 € par mois ;
    • qu’il avait privilégié les intérêts de ladite société dans laquelle il avait des intérêts, et délibérément sacrifié l’autre société et placé celle-ci dans l’impossibilité de désintéresser ses créanciers.

    Cette nouvelle exigence de motivation, qui permet une meilleure compréhension par le justiciable des peines prononcées à son encontre et dissipe le sentiment d’arbitraire, ne peut qu’être saluée.

    Elle permettra un approfondissement du débat contradictoire sur la nature et le quantum des peines prononcées et, surtout, vient corriger l’incongruité de l’absence de motivation de condamnations pouvant atteindre dix années de prison ferme.

    Cela semble être la moindre des choses.

     

     

    Me Xavier Chabeuf


  • Avec l’utilisation du numérique, désormais incontournable dans le monde du travail, les modes de travail évoluent. Dans bien des secteurs, le lieu de travail n’existe plus, les salariés sont de plus en plus « connectés » en dehors des heures de bureau, la frontière entre vie professionnelle et personnelle est ténue, le temps de travail n’est plus continu.


    C’est pour s’adapter à cette réalité et créer les protections nécessaires à la santé des salariés actuelle qu’un « droit à la déconnexion » a été inscrit dans la loi et figure désormais à l’article L. 2242-8 du Code du travail issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi Travail).
    Ce droit à la déconnexion concerne tous les salariés, mais surtout ceux qui ont opté pour le télétravail ou qui bénéficient du statut cadre.

    Droit à la déconnexion


    Ce texte consacre le « plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé, ainsi que la vie personnelle et familiale ».
    Plus précisément, ce texte prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés ont l'obligation d'engager des négociations avec les partenaires sociaux dans l'entreprise ou l’établissement sur « les modalités d'exercice du droit à la déconnexion » des salariés. À défaut d'accord collectif, l'employeur doit établir une charte, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.


    Cette disposition n'est cependant pas plus précise et laisse donc une grande liberté aux partenaires sociaux quant aux mesures à prendre, qui peuvent aller de la limitation de l’envoi d’e-mails dans certaines tranches horaires, jusqu’au blocage des serveurs informatiques, en passant par les études de flux ou les « journées sans mails »…
    Si l’intention paraît bonne, on peut douter de la pertinence de la méthode, à savoir une réponse unique forcément inadaptée à la grande diversité des situations individuelles. Faut-il vraiment avoir recours à la loi pour dicter ce que l’éducation et la politesse, qui sont des valeurs universelles, devraient suffire à imposer ?


    Me Manuel Dambrin

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  • Avec des températures avoisinant les 38°C et plus de la moitié des départements classés en « alerte canicule », on peut se demander s’il est bien raisonnable de continuer à travailler pour certains corps de métiers particulièrement exposés à ces fortes chaleurs. On pense aux couvreurs et plus généralement aux métiers des travaux publics.
     

    Si l’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de garantir la santé de ses salariés, le code du travail ne prévoit aucune température « limite » à partir de laquelle il fait trop chaud pour travailler (la médecine du travail considère que des risques existent au-delà de 30°C, pour une activité sédentaire, et 28°C pour un travail physique).

    C’est le fameux « droit de retrait » qui devra être utilisé par le travailleur qui estime, en son âme et conscience, que la poursuite du travail constitue un danger ou un risque pour sa santé.

    Ce droit est prévu par l’article L.4131-1 du code du travail, qui énonce :
    « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
    Il peut se retirer d'une telle situation.
    L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ».

    Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre des salariés qui font usage de leur droit de retrait mais si l’employeur considère le retrait abusif, il reviendra au Prud’hommes de trancher la difficulté.

    Me Manuel DAMBRIN


  • Les salariés dont les fonctions comportent une dimension commerciale se voient souvent assigner des objectifs (lesquels peuvent d’ailleurs conditionner le versement d’une partie variable de rémunération, mais c’est un autre sujet).

    Les objectifs n’ont pas nécessairement à être fixés d’un commun accord : il est admis que l’employeur puisse fixer unilatéralement les objectifs dans le cadre de son pouvoir de direction, pourvu que les objectifs soient fixés avant ou au début de la période au cours de laquelle ils doivent être réalisés et pourvu qu’ils soient réalisables (Cass. Soc. 6 oct. 2016 n° 15-15672).

    Licenciement pour non atteinte des objectifs : pas si simple...

    C’est uniquement à cette double condition que la non atteinte des objectifs pourra éventuellement justifier un licenciement : d’une part que le salarié en ait eu connaissance au début de l’exercice de référence et, d’autre part que les objectifs présentent un caractère réalisable.

    Par ailleurs, la non atteinte des résultats ne peut constituer, en soi, une cause de licenciement ; elle doit être la conséquence d'une insuffisance professionnelle imputable personnellement au salarié.

    Se posera alors la question de savoir si le salarié a disposé des moyens (matériels, humains, etc…) pour atteindre les résultats qui lui étaient assignés, s’il a préalablement été averti sur son niveau de performance jugé insuffisant, et si la non atteinte des objectifs n’est pas due à des causes extérieures à son action (crise économique, produits défaillants, forte concurrence, etc…).

    Ainsi jugé par exemple que le licenciement d’un salarié pour insuffisance de résultats était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors qu’il n’avait fait l’objet d’aucun rappel à l’ordre et que l’employeur ne lui avait pas laissé la possibilité d’améliorer ses résultats pour atteindre l’objectif (Cass. Soc. 2 mars 2011 n° 09-41398).

    Au contraire, pourra être justifié le licenciement d’un salarié qui n’avait pas ses objectifs considérés comme réalistes et qui malgré un avertissement préalable, n’avait pas présenté un plan de travail afin de redresser ses ventes (Cass. Soc. 29 janv. 2014 n° 12-21516).

    Me Manuel Dambrin

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  • Le 1er juin dernier, le garde des Sceaux a présenté un projet de loi "pour la confiance dans notre vie démocratique" sensé répondre à la défiance de nos concitoyens envers leurs représentants.

    Dans une France marquée par un chômage massif et ancien, à la croissance souffreteuse, à la balance commerciale déficitaire, aux comptes publics dégradés, aux prélèvements obligatoires confiscatoires, menacée par le terrorisme, ne sachant plus ni qui elle est ni ce qu'elle a à proposer, la priorité des priorités est d'interdire aux  parlementaires de travailler avec des membres de leur famille, de réformer la Cour de justice de la République et, aussi (mais pas seulement), de supprimer la réserve parlementaire.

    La France ne va pas si mal, finalement...

    Parmi les mesures de "moralisation" promues par les nouveaux incorruptibles, un serpent de mer refait surface : l'interdiction faite aux avocats d'exercer leur profession en même temps qu'un mandat parlementaire.

    Il est en effet prévu qu'il ne sera pas possible de commencer une activité de conseil en cours de mandat ni moins d'un avant la date des élections.

    Le dispositif demande manifestement à être clarifié, car rien n'est plus vague que l'exercice d'une "activité de conseil" : le champ peut s'étendre à toutes sortes de professions tertiaires.

    L'autre point à préciser concerne le commencement d'une telle activité en cours de mandat ou un an avant la date des élections. Si ladite activité est si  nocive, pourquoi la tolérer si elle a été commencée plus d'un an avant le début du mandat ? Quant à l'interdiction de commencer une activité de conseil  un an avant le début du mandat parlementaire, se traduira-t-elle par l'interdiction pure et simple de se présenter aux élections législatives ou sénatoriales ?

    La réflexion sur le dispositif proposé n'a visiblement pas été sérieusement approfondie et confond, ainsi que nous en avons pris désormais l'habitude, légiférer et communiquer.

    La "moralisation" sans (contre) les avocats ?

    Mais l'application de ce dispositif aux avocats est plus inquiétante, car je ne connais pas de démocratie qui interdise aux avocats, ardents défenseurs des libertés publiques, de représenter leurs concitoyens.

    Cette suspicion à l'égard des avocats trahit un soupçon de corruption à l'égard de l'ensemble de la profession. Elle repose sur l'idée que les avocats ont des clients qui les paient pour soutenir leur cause, et qu'un avocat parlementaire pourrait avoir des clients qui le rémunérerait pour défendre ses intérêts au Parlement.

    Théoriquement, cela n'est pas absurde, mais quelqu'un peut-il me citer un seul exemple d'un tel mélange des genres ?

    Je n'en connais aucun.

    Et si des cas pouvaient être caractérisés, il y aurait lieu d'en alerter les électeurs afin que ceux-ci votent le renouvellement dudit parlementaire en toute connaissance de cause.

    Dans le même temps, le Gouvernement n'envisage pas à un seul moment de demander aux fonctionnaires de quitter la fonction publique une fois élus parlementaires, ni aux permanents syndicaux de renoncer à leurs mandats. Il reste également possible d'être salarié et parlementaire, or la statut subordonné du salarié pourrait être considéré comme incompatible avec l'indépendance attendue du parlementaire.

    Où est la cohérence ?

    Et que dire de la logique qui consisterait à écarter du mandat de législateur ceux qui connaissent le droit et en font leur exercice professionnel ?

    Gambetta, Poincaré, Briand, Mendès France, Mitterrand, Badinter, Sarkozy, Cazeneuve, pour ne citer que quelques noms, ont-ils déshonoré la politique ?

    Espérons qu'un petit peu de raison viendra tempérer les excès d'une "moralisation" qui risque de se traduire par un réel appauvrissement du personnel politique et par une injustice créée à l'endroit d'une profession qui a fourni tant d'hommes d'Etat à la France.

    Me Xavier Chabeuf

     

     

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  • Les droits de succession applicables en France sont d’un montant significatif.

     

    Au-delà d’un abattement de 100.000 € entre parents et enfants, les droits vont de 5 à 45 %.

     

    Entre frères et sœurs, au-delà d’un abattement de 15.932 €, la succession est taxée au taux de 35 % entre 0 € et 24.430 €, puis à 45 % au-delà.

     

    Quant aux droits à acquitter entre parents jusqu’au 4ème degré inclus, les abattements sont encore réduits à hauteur de 7.967 € (neveu et nièce), voire 1.594 € (tous les autres parents) : le taux d’imposition est alors unique, de 55 %.

     

    Au-delà du 4ème degré, les droits de succession sont de 60 %.

     

    Autant dire que le paiement des droits de succession est parfois difficile, compte tenu des montants réclamés.

     

    Il en va d’autant plus ainsi dans deux cas de figures :

     

    -         Lorsque les héritiers se voient attribuer la seule nue-propriété des biens, l’usufruit étant réservé à un autre héritier (le conjoint survivant le plus souvent) et où les héritiers doivent acquitter des droits sur un  bien dont ils n’ont pas jouissance et dont ils ne peuvent pas disposer ;

     

    -          Lorsque, en raison d’un différend entre héritiers, les opérations de liquidation et partage de la succession ne sont pas réglées lorsque les droits de succession doivent être acquittés. Les cas de contentieux successoraux durant plusieurs années sont fréquents.

     

     

     

    Différé et fractionnement des droits de succession : encore un instant Monsieur le Bourreau !

     

    Dans ces conditions, il est essentiel que les héritiers puissent bénéficier d’un différé de paiement des droits de succession, de manière à pouvoir les acquitter lorsqu’ils auront véritablement perçu le produit de leur héritage.

     

    Cette possibilité est prévue par l’article 1722 bis du Code général des impôts et les articles  397 et 404 B de l’annexe III du même Code.

     

    Le paiement différé ne peut porter que sur la fraction de droits correspondant :

     

     -     soit à la valeur imposable de la nue-propriété s'il s'agit d'une succession comportant une dévolution de cette nature ;

    -   soit aux soultes ou récompenses payables à terme au redevable s'il s'agit d'une succession qui donne lieu à l’attribution préférentielle de certains biens prévue à l’article 832 du code civil [exploitations agricoles] ou à la réduction de libéralités portant sur un bien pouvant faire l'objet d'une telle attribution prévue à l’article 924-3 du code civil.

     

    Cette solution est donc a priori exclue en matière de contentieux successoral.

     

    Le paiement des droits peut être différé jusqu’à l’expiration d’un délai qui ne peut excéder six mois à partir :

     

    -     soit de la date de la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière ;

    -     soit du terme du délai imparti à l’attributaire, le légataire ou le donataire pour le paiement des sommes dont il est débiteur envers ses cohéritiers.

     

    En contrepartie du différé de paiement, des intérêts doivent être acquittés par l’héritier.

     

    La dispense du paiement des intérêts est cependant possible en cas de dévolution de biens en nue-propriété, à la condition que les droits de mutation par décès soient assis sur la valeur imposable au jour de l'ouverture de la succession de la propriété entière des biens qu'il a recueillis.

     

    Il s’agit donc de faire un calcul sur la solution la plus avantageuse au moment d’opter pour la dispense du paiement des intérêts.

     

    Outre le paiement différé, il est également possible de solliciter le paiement fractionné des droits de successions mais, là encore, des conditions sont posées par le Code général des impôts (articles 396 398, 399, 402, 403, 404 de l’annexe III du Code général des impôts)

     

    En principe, les versements, à intervalle de six mois au plus, ne peuvent être supérieurs à trois, et ne peuvent être étalés sur plus d’un an. Le premier versement a lieu en même temps que le dépôt de la déclaration de succession.

     

    La demande de crédit différé ou fractionné doit être expressément formulée au pied de la déclaration de succession, ou dans un document y annexé.

     

    Elle doit contenir une offre de garanties suffisantes, le fisc refusant de prendre le risque de ne pas être payé.

     

    Différé et fractionnement des droits de succession : encore un instant Monsieur le Bourreau !

    Tous types de garantie peuvent être proposées au comptable public (BOI-ENR-DG-50-20-40-20160203, p. 6) : notamment des sûretés réelles d’une valeur au moins égale au montant des sommes au paiement desquelles il est sursis, une caution personnelle, une hypothèque sur les immeubles de la succession.

     

    Les garanties doivent être constituées dans un délai de quatre mois à compter de la date de la demande d’admission au crédit.

     

    En cas de non-respect de ce délai, le redevable est déchu du bénéfice du crédit (Article 403 de l’annexe III ; Cass. Com., 9 octobre 2007, Bull. Civ. IV, n° 213, P. n° 05-14.142).

     

    La constitution de garanties est donc une condition impérative du bénéfice d’un crédit de paiement différé ou fractionné.

     

    Le taux d'intérêt exigé en contrepartie du crédit est égal à celui du taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux fixe aux particuliers entrant dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-36 du Code de la consommation, au cours du quatrième trimestre de l'année précédant celle de la demande de paiement fractionné ou différé, réduit d'un tiers.

     

    Le taux en question pour le quatrième trimestre 2016 s’élevait à 2,53 % (Avis du 27 décembre 2016 : ECFT1637967V).

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • A l’heure de la dématérialisation et du télétravail (« home office » pour nos amis d’outre-Manche) se pose la question de savoir dans quelle mesure cette organisation du travail peut être imposée au salarié et, surtout, comment elle doit être indemnisée. 

    La Cour de Cassation considère de longue date que « l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail ».

    Elle en déduit que si le salarié, « qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail », accède à cette demande, l’employeur « doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile » (Cass. Soc., 7 avril 2010, n° 08-44.865).
    Cette indemnisation doit prendre en compte, d’une part les frais proprement dit occasionnés par le travail à domicile, qui sont assez aisément et objectivement quantifiables (outils de travail, quote-part de loyer ou de la valeur locative, pourcentage de frais d’électricité, de connexion internet,…) et, d’autre part, le dédommagement de l’atteinte à la vie privée.
     

    C’est là que cela se complique.
     

    C’est sur cette question que s’est prononcée la Cour de Paris (CA Paris, Pôle 6, ch.11, 24 février 2017, n° 14/02059) à propos d’une catégorie de personnel particulièrement concernée par cette problématique puisqu’il s’agissait de VRP de la société L’Oréal qui étaient amenés, de par leurs fonctions, à stocker des documents nécessaires à leur activité.

    Occupation du domicile à des fins professionnelles

    Le désaccord entre les parties ne portait pas sur le principe d’une indemnisation, qui était admis par l’entreprise, mais sur le montant de celle-ci : les VRP se plaignaient du fait que, pour une surface mobilisée identique de leur domicile, ils percevaient une indemnisation moindre que celle accordée à une autre catégorie de salariés de l’entreprise, les Directeurs Régionaux.
     

    Pour justifier cette différence de traitement, l’employeur soutenait que l’indemnité allouée ne devait pas être calculée uniquement par rapport au critère mathématique de la surface du domicile personnel réservé au travail mais, aussi, par rapport au temps passé à travailler au domicile.
     

    La Cour d’appel valide cette thèse : si l’indemnisation doit être fonction de la surface consacrée au travail (qu’il s’agisse d’un lieu de stockage ou d’un poste de travail), il faut aussi tenir compte de la durée, plus ou moins longue, passée par le salarié à travailler chez lui. Or en l’espèce, il était acquis (aux termes d’une expertise menée par la CHSCT) que les Directeur Régionaux passaient beaucoup plus de temps à travailler à leur domicile que les VRP, ce qui justifiait qu’ils soient mieux indemnisés, du fait d’une plus grande immixtion dans leur vie privée.
     

    Ainsi se trouve consacré le principe selon lequel l’indemnité allouée dédommage moins l’occupation matérielle du domicile, que l’intrusion plus ou moins prolongée ou répétée du travail dans la sphère privée du salarié : l’importance de l’indemnisation dépendra de l’intensité de l’occupation du domicile à des fins professionnelles.


    Me Manuel Dambrin

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