• Il est bien connu que lorsque le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement en justice et obtient gain de cause, l’employeur est généralement condamné à lui verser des dommages et intérêts.

    Ce qui l’est moins, en revanche, c’est que cette condamnation en entraine automatiquement une autre : la condamnation de l’employeur à rembourser à Pôle emploi le montant des allocations que cet organisme aura eu à verser au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de 6 mois de prestation chômage.

    C’est l’article L.1235-4 du Code du travail qui le dit :

    « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées » (Cette disposition ne s’applique cependant pas lorsque le licenciement affecte un salarié ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou lorsque l’entreprise qui procède au licenciement emploie moins de 11 salariés).

    L’entreprise a tout intérêt à prendre en compte cet effet secondaire dans le cadre du règlement transactionnel de litiges prud’homaux.

    Me Manuel DAMBRIN

     

    Effet secondaire

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  • L’article 16 de la Constitution du 4 octobre 1958 contient une disposition unique en son genre dans les constitutions françaises et dans les constitutions des Etats démocratiques, en autorisant le Président de la République à exercer une dictature temporaire.

    Cet article est le fruit de notre histoire (l’effondrement des institutions de la III ème République en mai-juin 1940) et de l’enseignement qu’en a tiré le général de Gaulle : il est bon que, dans des circonstances exceptionnelles, la direction du pays soit confiée à une personne qui saura donner à l’action du gouvernement la cohérence qu’exigent les circonstances.

    L’article 16 a été appliqué une seule fois, du 23 avril au 29 septembre 1961, à la suite du putsch des généraux pendant la guerre d’Algérie. A cette occasion, le général de Gaulle a pris les mesures permettant de rétablir l’ordre et de mettre au pas la rébellion, mettant en place, par exemple, des tribunaux d’exception.

    Article 16 de la Constitution : une garantie et un risque

    Il est rédigé de la manière suivante :

    « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.

    Il en informe la Nation par un message.

    Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.

    Le Parlement se réunit de plein droit.

    L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.

    Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée».

    Ainsi, en résumé le président de la République peut recourir à l'article 16 (conditions cumulatives) :

    - En cas de menace sur les institutions

    - Lorsque le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu 

    Afin de permettre aux pouvoirs publics d’accomplir leur mission dans les plus brefs délais.

    Si ces critères apparaissent objectifs, il ne s’agit que d’un trompe-l’œil : en effet, seul le président de la République apprécie souverainement si ces conditions sont réunies. Il est le seul interprète de la Constitution.

    Et s’il doit consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées, et le Conseil constitutionnel, il n’est aucunement tenu de prendre en compte les objections qui pourraient être formulées.

    Enfin, la décision de recourir à l’article 16 et les actes législatifs pris par le président pendant sa mise en œuvre ne font l’objet d’aucun contrôle juridictionnel.

    Dans un arrêt du 2 mars 1962 (arrêt Rubin de Servens), le Conseil d’État a jugé que la décision présidentielle de mettre en œuvre l’article 16 était un "acte de gouvernement" (c’est-à-dire un acte insusceptible de recours juridictionnel). Il a également souligné qu’il ne pouvait être saisi que de recours contre des mesures relevant du domaine réglementaire. Dès lors, une mesure prise dans le cadre de l’article 16, relevant du domaine législatif, et violant les libertés fondamentales, ne peut pas être déférée au juge administratif.

    Le rétablissement de la peine de mort pendant la durée de mise en œuvre de l’article 16 serait possible. Pour quels « crimes » ? Le président de la République en jugerait. 

    Une limite à la possibilité d’arbitraire a été posée par la réforme constitutionnelle résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : au bout d’un mois d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président d’une des deux assemblées ou par soixante députés ou sénateurs, afin de dire si les conditions d’application des pouvoirs de crise sont toujours réunies. Le Conseil se prononce de plein droit au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà.

    Pour autant, pendant un mois, le président de la République a les mains libres pour s’arroger les pleins pouvoirs en fonction de critères qu’il est seul à déterminer.

    Garantie des institutions et de survie de la nation lorsque des circonstances exceptionnelles exigent une concentration du pouvoir et une grande rapidité d’exécution incompatible avec le fonctionnement normal du régime parlementaire, l’article 16 constitue une arme redoutable si sa mise en œuvre est instrumentalisée par le président de la République afin de créer les conditions à l’instauration d’un régime autoritaire.

    Sa mise en œuvre pourrait-elle être envisagée en cas de climat insurrectionnel du type de ce que l’on a connu au cours de la période récente : émeutes dans les banlieues, grève générale des transports, désobéissance de l’administration, manifestations violentes, vague d’attentats ? Rien ne l’interdit.

    Quelle garantie a-t-on que le président de la République rendra le pouvoir absolu qu’il détient si le Conseil constitutionnel dit, au bout d’un mois, que les conditions de mise en application de l’article ne sont pas ou plus réunies ? Aucune, en fait. Il suffirait de discréditer les neuf membres du Conseil constitutionnel par des mises en cause personnelles, par des démissions opportunes et/ou par la remise en cause de leur objectivité en raison de leur engagement partisan passé pour qu’un conflit institutionnel sérieux apparaisse.

    Indispensable à la survie de la Nation en cas de danger mortel, l’article 16 constitue aussi la voie la plus simple pour mettre en place une dictature tout en respectant les apparences de la légalité constitutionnelle.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Nous sommes heureux de vous annoncer que léquipe de Cardinal se complète avec l’arrivée à nos côtés de Me Tristan Aubry-Infernoso, qui a prêté serment le vendredi 21 avril dernier (sur la photo, deuxième en partant de la droite).

     

    Me Aubry-Infernoso est diplômé d’un Master I en droit des affaires (Université de Paris-Est Créteil) et d’un Master 2 de droit international comparé spécialisé en Common Law.

     

    Il a été chargé d’enseignement à l’Université de Paris-Est Créteil en droit anglais de la responsabilité civile, en procédure pénale américaine, et en droit de Common Law (en langue anglaise).

     

    Me Aubry-Infernoso a vocation à travailler principalement en droit des affaires.

      

    Le Cabinet Cardinal est désormais composé de deux associés (Mes Manuel Dambrin et Xavier Chabeuf) et de deux avocats collaborateurs (Mes Mélanie Haddad et Tristan Aubry-Infernoso), outre un ou deux élèves-avocats.

     

    Le Cabinet Cardinal s’agrandit

     

    We are pleased to announce that Me Tristan Aubry-Infernoso has joined our team as a new associate lawyer, after taking his oath on Friday, April 21st.

     

    Me Aubry-Infernoso graduated from the University Paris-Est-Creteil, in Business law (Master I) and International Comparative law (Master II).

     

    He has also been a teaching assistant at University Paris-Est-Creteil and was in charge of the following courses: “Tort law”, “American criminal law” and “Introduction to Common law” (in English language).

     

    Me Aubry-Infernoso will mainly be working on Business law matters and cases.

     

    Cardinal is now composed of two partner lawyers (Mes Manuel Dambrin and Xavier Chabeuf) and two associates lawyers (Mes Mélanie Haddad and Tristan Aubry-Infernoso).

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  • Il n’est pas toujours évident pour une salariée d’avoir l’esprit tranquille lorsqu’elle quitte temporairement son poste au sein d’une entreprise pour partir en congé de maternité.

    En effet, si heureux est l’évènement attendu par la future maman, il arrive parfois que l’employeur ne partage pas tout à fait ce sentiment.
       
    A l’heure où l’égalité professionnelle (prévue pour 2186 selon le Forum économique mondial…) est au cœur du débat politique, la tendance actuelle semble s’orienter en faveur d’une protection renforcée du statut de la salariée avant, pendant et après son congé de maternité.

    L’état du droit

    Le Code du travail fait interdiction à l’employeur de licencier une salariée :
    -Lorsque l’état de grossesse est médicalement constaté ;
    -Pendant toute la durée du congé de maternité ;
    -Pendant les dix semaines suivant l’expiration du congé de maternité.

    Précisons au passage que c’est la loi « Travail » du 8 août 2016 qui a étendu la période de protection postérieure à l’issue du congé maternité, la faisant passer de 4 à 10 semaines. Au demeurant, cela permet de constater qu’à bien y chercher, cette loi comporte certaines mesures protectrices des salariés susceptibles d’échapper à la vindicte populaire.

    Dans le cas où la salariée déciderait de prendre des congés payés immédiatement après la fin de son congé de maternité, la période de protection de 10 semaines commencerait alors à courir à l’expiration des congés payés.

    L’interdiction de licencier est cependant écartée lorsque le licenciement est prononcé au motif d’une faute grave commise par la salariée, non liée à l'état de grossesse, ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement (sachant que des difficultés économiques, en dehors de la fermeture de l’entreprise ne caractérisent généralement pas cette impossibilité).

    Si l’employeur outrepasse cette interdiction, la salariée est fondée à demander la nullité du licenciement, assortie, si elle le souhaite, de sa réintégration dans l’entreprise ainsi que le paiement de l’ensemble des salaires qui auraient du lui être versés entre son licenciement et sa réintégration. Si la salariée ne souhaite pas être réintégrée, elle peut alors prétendre à des dommages et intérêts.

    La durée de la période de protection restant cependant limitée dans le temps, certains employeurs ont pu être tentés d’attendre la fin de la période de protection pour licencier la jeune maman, tout en préparant son éviction durant ladite période.

    La jurisprudence a donc été amenée à statuer sur ces cas pour déterminer si un licenciement prononcé postérieurement à la période de protection pouvait encourir la nullité pour violation des règles protectrice du statut de la salariée en situation de maternité, en raison d’actes préparatoires commis durant cette période.

    La réponse est positive. La Cour de cassation, faisant écho à la jurisprudence européenne en la matière, a considéré pour la première fois en 2010 que les « mesures préparatoires » prises par l’employeur pendant la période de protection de la salariée, entraîne la nullité du licenciement prononcé après la fin de cette période (Cass. soc., 15 sept. 2010, n°08-43.299).

    Cette jurisprudence tend à s’affirmer, puisqu’elle a récemment été confirmée.


    Extension de la protection due à la salariée de retour de congé maternité : L’interdiction des « mesures préparatoires au licenciement"
    L’arrêt du 1er février 2017

    Par un arrêt rendu le 1er février 2017, la Cour de cassation vient de nouveau affirmer qu’il est interdit à l’employeur, non seulement de notifier un licenciement pendant la période de protection prévue par la loi, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision (Cass. soc., 1er février 2017, n°15-26.250).

    Le principe semble donc aujourd’hui clair. Une interrogation de taille demeure pourtant : Que doit-on entendre par « mesures préparatoires ».

    A ce stade, les deux arrêts précités ont seulement confirmé que constituent des mesures préparatoires :
    L’embauche définitive d’un salarié pour remplacer la salariée de retour de de congé maternité ;
    L’information donnée à la salariée, pendant la période de protection, de son licenciement économique à venir et l’examen des modalités de celui-ci.

    De manière plus générale, il semblerait que la nullité soit encourue dès lors que la décision de licenciement a été prise et préparée pendant le congé.  

    Il faudra cependant attendre un développement de la jurisprudence en la matière pour mieux appréhender cette notion de mesures préparatoires.


    Tristan Aubry-Infernoso

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  • Le Code du travail prévoit que les entreprises ou établissements employant habituellement au moins 20 salariés doivent établir un règlement intérieur prévoyant des dispositions en matière disciplinaire et notamment la nature et l’échelle des sanctions que l’employeur peut prendre, traditionnellement :    l’avertissement ou le blâme, la mise à pied disciplinaire avec retenue de salaire, la mutation, la rétrogradation et, enfin, la sanction ultime, le licenciement pour faute simple, grave ou lourde.


    Dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt du 23 mars 2017 (n°15-23.090), le salarié sollicitait l’annulation de l’avertissement qu’il avait reçu, non pas simplement au motif que celui-ci n’était pas justifié au regard des faits reprochés, mais au motif prépondérant qu’alors que son employeur employait au moins 20 salariés, il n’avait pas mis en place de règlement  intérieur.


    La Cour de Cassation lui donne raison en posant que : « une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur ».


    Cette décision se situe dans la ligne de précédents arrêts en la matière, selon lesquels dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur (Cass. soc. 26 octobre 2010, n° 09-42740 ; Cass. soc. 12 décembre 2013, n° 12-22642).

    C’est cependant la première fois à notre connaissance que le principe est posé sans ambiguïté et de manière aussi affirmée.

    Me Manuel Dambrin

    Pas de sanction sans règlement intérieur

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  • Les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier de parts sociales dans une société civile immobilière donne souvent lieu à différends.

     

    L’arrêt rendu le 15 septembre 2016 par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 septembre 2016, n° 15-15.172) aidera à clarifier la situation.

     

    Il a été décidé, au terme d’une assemblée générale d’une SCI familiale, de vendre l'immeuble constituant le seul actif de la société pour un prix identique à la valeur du bien estimée 22 ans plus tôt. 

     

    L’un des nu-propriétaires des parts de la SCI demande alors l’annulation de cette assemblée, au motif que l’usufruitière des parts sociales n’y a pas été convoquée.

     

    La convocation de l'usufruitier de parts sociales d’une SCI aux assemblées générales d’associés

    On peut comprendre qu’elle soit directement concernée par la décision d’aliéner le bien dans lequel elle réside et la question de savoir si elle a voix au chapitre se pose légitimement.

     

    Pour autant, la Cour de cassation juge qu'une assemblée générale de SCI, ayant pour objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l'affectation des bénéfices, ne saurait être annulée au motif que l'usufruitier de parts sociales n'a pas été convoqué pour y participer.

     

    La décision présente un intérêt pratique évident, en ce qu’elle cantonne l’obligation de convoquer l’usufruitier des parts sociales d’une SCI aux seules décisions pour lesquelles il bénéficie d’un droit de vote, à savoir, celles qui concernent l’affectation des bénéfices.

     

    Elle présente également un intérêt théorique, en ce que la Cour de cassation semble implicitement dénier la qualité d’associé à l’usufruitier de parts sociales.

     

    On sait, en effet, que l’article 1844, alinéa 1er, du code civil dispose que « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ».

     

    C’est ainsi, par exemple, que le nu-propriétaire ne peut être privé de son droit de participer aux décisions collectives, même lorsque le droit de vote est attribué à l'usufruitier (Com., 2 décembre 2008, n° 08-13.185).

     

    C’est ainsi également, dans une autre hypothèse que celle du démembrement de propriété qui nous intéresse ici, les propriétaires indivis de parts sociales doivent tous être invités à participer aux assemblées générales.

     

    En revanche, la Cour de cassation ne reconnaît pas ce droit à l’usufruitier.

     

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • A l’inverse d’un salarié, un dirigeant mandataire social peut être révoqué à tout moment – ad nutum – pour tout motif.

    Cela signifie -t-il pour autant que les associés peuvent congédier le président sans aucune garantie pour ce dernier ?

    Certes non, et la chambre commerciale de la Cour de cassation vient utilement de le rappeler dans un arrêt du 22 novembre 2016 (P. n° 15-14.911) : l’obligation de loyauté implique que le dirigeant ait connaissance des motifs de sa révocation avant qu’elle soit décidée, pour qu’il puisse s’en expliquer.

    Dans cette affaire, les statuts d’une SAS prévoyaient que son président était révocable à tout moment par décision de la collectivité des associés statuant à la majorité simple, sans que cette décision ait à être motivée.

    A la suite d’un désaccord survenu entre deux associés, une assemblée générale est convoquée, au terme de laquelle le président de la société est révoqué.

    Ce dernier conteste les circonstances de cette révocation et demande des dommages-intérêts.

    Même le dirigeant révoqué a le droit de connaître les raisons de son éviction !

    La cour d’appel accueille ses demandes, en relevant que le vote de l’assemblée a été obtenu au vu d’un rapport ne reflétant pas la réalité, et sur lequel le dirigeant révoqué n’a pas pu s’exprimer.

    Le pourvoi soutient que la révocation du dirigeant d’une SAS intervient dans les conditions prévues par les statuts, lesquels stipulaient en l’espèce que la révocation du président pouvait être décidée ad nutum. Il en déduisait que la réalité des motifs invoqués était indifférente à la régularité de la révocation.

    Mais la Cour de cassation écarte le moyen. En effet, la cour d’appel ayant retenu que la société invoquait à l’encontre de son président, en cause d’appel, des griefs différents de ceux soulevés dans le rapport préalable à sa révocation, de sorte qu’il n’avait pas pu s’expliquer sur ces griefs, elle a pu en déduire que les associés avaient méconnu leur obligation de loyauté.

    La Cour de cassation rappelle ainsi que la possibilité de révoquer un dirigeant ad nutum ne dispense pas les associés de leur obligation de loyauté à son égard dans la mise en œuvre de cette révocation.

    Si le dirigeant peut être révoqué sans justes motifs, il ne peut cependant l’être sur le fondement de motifs fallacieux, sans être informé des véritables motifs de sa révocation avant le vote de l’assemblée générale (déjà en ce sens : Com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, B. n° 80).

    Les associés peuvent révoquer le dirigeant à tout moment, sans préavis, pour toute raison qui leur semble valable, mais ils sont tenus au respect d’un certain formalisme processuel : le motif de l’éviction du dirigeant doit lui être communiqué, être exposé aux associés, et le dirigeant doit disposer de la possibilité de s’expliquer avant que la mesure de révocation ne soit adoptée.

    Libres à eux de maintenir leur décision ensuite.

    Me Xavier Chabeuf

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  • L’actualité récente nous rappelle l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 29 septembre 2010 (n° 09-41544). Dans cette affaire, la salariée, collaboratrice d’un député, avait dénoncé au procureur de la république le caractère fictif de l'emploi occupé par la fille de son employeur au sein de sa permanence parlementaire. Le député, considérant que cette initiative constituait une faute grave, licencia la délatrice.

    La plainte contre le député fut classée sans suite au motif que l'infraction n'était pas caractérisée mais, pour autant, les juges du contrat de travail ont considéré que le licenciement de la collaboratrice n’était pas justifié.

    La Cour de Cassation a posé en effet le principe que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l'entreprise qui lui paraissent anormaux, qu'ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute ».

    Et, appliquant ce principe au cas qui leur était soumis, les juges ont retenu que « L’employeur avait établi une attestation destinée à l'Assedic mentionnant inexactement qu'il employait sa fille ; qu'il résultait des procès-verbaux d'enquête que celle-ci n'avait exercé aucune activité au profit de son père ; que les sommes payées à titre de salaire pour cette prétendue activité, d'abord versées sur son compte bancaire, avaient été transférées sur celui du père et que les bulletins de paie correspondants avaient été envoyés à une adresse à laquelle seul ce dernier pouvait accéder ; qu'ainsi, les faits dénoncés par la salariée n'étaient pas mensongers et que, peu important la décision de classement sans suite, la salariée n'avait commis aucune faute en les lui révélant ».

    Cette solution peut aujourd’hui s’inscrire dans le cadre du nouvel article L.1132-3-3 du code du travail issu de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, qui institue une protection spécifique en faveur des « lanceurs d’alerte », ces salariés qui dénoncent, de bonne foi et de manière désintéressée, des faits constatés dans l’entreprise, constitutifs notamment d’un manquement grave à la loi, d’un crime ou délit.

    A noter que pour bénéficier de « l’immunité » et pouvoir ainsi remettre en cause son licenciement, le lanceur d’alerte doit être « désintéressé » et « de bonne foi », deux conditions qui devront être appréciées par le tribunal au cas par cas et qui promettent d’intéressants débats judiciaires…

    Me Manuel Dambrin

    Dénoncer un emploi fictif n'est pas un motif de licenciement

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  • Le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 pris en application de la loi Macron a introduit dans le Code du travail un nouvel outil pour assister le juge dans la fixation du montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués en cas de licenciement jugé abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
    Cette nouvelle disposition laisse intacte la règle de base selon laquelle le salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et qui est employé au sein d’une entreprise de plus de dix salariés peut prétendre, en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité égale au minimum à 6 mois de salaire (article L.1235-3 du code du travail).
    L’objet du décret susvisé, qui introduit dans le Code du travail l’article R. 1235-22, est de fixer un « référentiel indicatif » d'indemnisation, en fonction de l'ancienneté dans l’entreprise, quelle que soit d’ailleurs la taille de celle-ci.

    Contentieux du licenciement : tarification des dommages et intérêts

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le référentiel est le suivant :

    ANCIENNETÉ
    (en années complètes) 

    INDEMNITÉ
    (en mois de salaire) 

    ANCIENNETÉ
    (en années complètes) 

    INDEMNITÉ
    (en mois de salaire) 

    0 

    1 

    22 

    14,5 

    1 

    2 

    23 

    15 

    2 

    3 

    24 

    15,5 

    3 

    4 

    25 

    16 

    4 

    5 

    26 

    16,5 

    5 

    6 

    27 

    17 

    6 

    6,5 

    28 

    17,5 

    7 

    7 

    29 

    18 

    8 

    7,5 

    30 

    18,25 

    9 

    8 

    31 

    18,5 

    10 

    8,5 

    32 

    18,75 

    11 

    9 

    33 

    19 

    12 

    9,5 

    34 

    19,25 

    13 

    10 

    35 

    19,5 

    14 

    10,5 

    36 

    19,75 

    15 

    11 

    37 

    20 

    16 

    11,5 

    38 

    20,25 

    17 

    12 

    39 

    20,5 

    18 

    12,5 

    40 

    20,75 

    19 

    13 

    41 

    21 

    20 

    13,5 

    42 

    21,25 

    21 

    14 

    43 et au-delà 

    21,5 


    Il est prévu en outre que ces montants soient majorés d'un mois si le salarié est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture. Ils sont également majorés d'un mois en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d'activité considéré.


    Ce barème est moins révolutionnaire qu’il n'y paraît.

    D’une part, il ne fait qu’entériner une pratique des juridictions du travail, consistant peu ou prou à allouer un mois de salaire par année d’ancienneté avec un écrêtement au-delà d’une certaine ancienneté.
    D’autre part il n’est, comme son nom l’indique, qu’« indicatif », c’est-à-dire que sauf accord mutuel des parties pour s’en remettre au barème en cas de condamnation,  le juge est toujours libre, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation du préjudice, d’accorder une indemnité plus ou moins élevée que celle indiquée par le barème, en fonction des données particulières de chaque cas particulier.


    Enfin, il ne faut pas perdre de vue que ce barème ne concerne que les dommages et intérêts susceptibles d’être alloués en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse ; il n’a pas vocation à régir le cas des licenciements discriminatoires, de ceux consécutifs à des agissements de harcèlement moral ou encore de ceux prononcés en violation d’une liberté fondamentale, qui comme tels sont frappés de nullité et obéissent à un régime propre d’indemnisation.

    Manuel Dambrin

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  •  

     A la douleur faisant suite à la perte d'un être cher succèdent les affres de l'organisation de la succession du défunt, avec parfois son lot de révélations et de coups de théâtre générateurs de tensions entre les héritiers.

     

     

    S'il en est un qui ignore superbement la situation, c'est bien l'Etat, qui voit dans le trépas d'un compatriote l'occasion de s'emparer d'une partie des actifs que le défunt a réussi à réunir en dépit de la taxation dont ses revenus, la détention de son patrimoine et sa transmission ont pu générer tout au long de son existence.

     

     

    Et l'Etat n'attend pas !

     

     

    Le délai pour souscrire la déclaration de succession est fixé à six mois à compter du décès (Article 641 du CGI).

     

     Il est fréquent qu'en cas de contentieux successoral les héritiers n'aient pas trouvé d'accord dans ce délai (ou que le juge ait pu trancher les différends existants).

     

     

    Il faudra donc que les héritiers, séparément ou collectivement, déposent une déclaration de succession, quand bien même le montant de l'actif successoral et la part revenant à chacun fasse l'objet de contestations.

     

     

    Nul ne peut atténuer ni différer le paiement des droits de succession sous le prétexte de contestation sur la quotité, ni pour quelque autre motif que ce soit, sauf à se pourvoir en restitution s'il y a lieu (Article 1701, alinéa 2, du CGI ; Cass. Com., 8 mars 2005, n° 02-12.721, B. n° 48).

      

    Ainsi, de simples difficultés concernant le suivi dans la succession et un changement de notaire ne sauraient justifier un dépôt tardif de la déclaration de succession (CA Versailles, 29 septembre 2016, RG n° 14/06506).

     

    Délai pour déposer une déclaration de succession

     

     

    Selon l’administration fiscale, les héritiers étant solidaires pour le paiement des droits (Article 1709 du CGI), chacun d'eux a qualité pour souscrire la déclaration au nom de tous (BOI-ENR-DMTG-10-60-20-20120912, n° 1).

     

    Il résulte de ce qui précède que, même en cas de désaccord entre les héritiers sur la consistance du patrimoine, ceux-ci restent tenus de déposer, dans le délai légal de six mois à compter du décès, une déclaration de succession, laquelle peut être souscrite par chacun des héritiers (ou plusieurs d’entre eux) pour le compte de tous.

     

    Sanctions encourues en cas de défaut ou de production tardive de la déclaration

     

    • Intérêt de retard au taux de 0,40 % par mois, décompté du 1er jour du mois qui suit celui au cours duquel la déclaration aurait dû être déposée jusqu'au dernier jour du mois de dépôt effectif de la déclaration (Article 1727 du CGI)

     

    • Majoration de 10 % à partir du 1er jour du 7e mois suivant celui de l'expiration du délai de dépôt de la déclaration (Article 1728, 2°, du CGI).

     

    • Majoration de 40 % si la déclaration n'a pas été déposée dans les 90 jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à la produire dans ce délai (Article 1728, 2°, du CGI).

     

     En outre, sauf régularisation de leur situation dans les quatre-vingt-dix jours de la notification d’une mise en demeure, les héritiers qui n’ont pas déposé, dans le délai légal, une déclaration de succession régulière peuvent être taxés d’office (Article L. 66, 4°, du LPF ; BOI-ENR-DMTG-10-60-50-20141030, n° 230).

     

    Me Xavier Chabeuf 

     

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