• Après quatre mois d’absence dont elle avait justifié par la production d’arrêts de travail en bonne et due forme, la salariée, juriste au sein d’un établissement bancaire, avait cessé de justifier ses absences pendant plusieurs semaines malgré une mise en demeure de son employeur.

    "Parce que le monde bouge"

    L’abandon de poste était caractérisé et le licenciement pour faute grave était prononcé.

    A tort, selon la Cour de Cassation, qui juge que la « Cour d’appel qui a constaté que la salariée était fragilisée depuis quelques mois par des problèmes de santé et que la décision de rompre le contrat de travail de cette dernière était déjà prise au moment de son retour d'arrêt de travail pour maladie, a pu en déduire que ces éléments laissaient présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé ».

    Le licenciement est annulé et la salariée réintégrée.


    Me Manuel Dambrin

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  •  

    Que se passe-t-il si une personne décède, voit sa succession liquidée et partagée entre ses héritiers, puis qu’un héritier inconnu se révèle ?

     

    Cette hypothèse rare, est néanmoins possible lorsque, par exemple, un enfant adultérin n’a pas été reconnu par son père mais que cette paternité est reconnue (par la justice) après le décès.

     

    La situation est évidemment fort complexe car les actifs du défunt ont déjà été partagés entre ses héritiers : faut-il alors tout remettre en cause parce qu’un nouvel héritier fait valoir ses droits dans la succession ?

     

    L’article 887-1 du code civil répond positivement à cette question.

     

    L’héritier omis dispose de deux possibilités : soit demander l’annulation intégrale du partage, soit simplement réclamer sa part, en nature ou en valeur, sans annulation du partage.

     

    Cette seconde hypothèse signifie concrètement qu’il y aurait lieu de recalculer les parts de chacun et que l’héritier omis devient le créancier de chacun des héritiers ayant bénéficié du partage. Il pourrait alors réclamer une soulte à chacun.

     

    Dans tous les cas, l’on imagine facilement les difficultés pratiques liées à une telle opération, dans la mesure où les héritiers ont pu faire un usage de ce dont ils ont bénéficié par héritage et vont devoir restituer une partie de ce qu’ils ont perçu.

    Révélation de paternité postérieure à la clôture de la succession : après l’heure, il est encore l’heure

     

    Il en va d’autant plus ainsi que l’intervention d’un nouvel héritier est susceptible d’intervenir plusieurs années après le partage de la succession.

     

    Enfin, précisons que l’article 887-1 du code civil prévoit que, pour déterminer cette part, les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé sont réévalués à la date du nouveau partage ! Les cartes sont donc intégralement rebattues, dans les faits.

     

    La solution offerte par l’article 887-1 du code civil n’est pas ouverte aux successions clôturées avant le 23 juin 2006, mais concerne toutes les successions existantes ou ouvertes depuis cette date.

     

    Tel est le sens de la décision rendue par la Cour de cassation le 11 avril dernier (n° 17-19.313), qui visait une espèce dans laquelle le défunt était décédé en avril 1996 et laissait pour lui succéder son épouse et deux enfants. Lors des obsèques, une femme s’est manifestée pour le compte de son fils, âgé de dix ans, issu des œuvres du défunt mais non reconnu. La succession du défunt a été partagée dès octobre 1996, sans que l’enfant adultérin ne se voit attribuer de part, puisqu’il n’avait pas été reconnu par le défunt de son vivant.

     

    La mère de l’enfant adultérin a alors engagé une action en recherche de paternité, en 1997, laquelle a abouti… en 2005. La cour de cassation a néanmoins confirmé la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait retenu que l’article 887-1 du code civil, dans sa rédaction postérieure à la loi du 23 juin 2006 ne pouvait bénéficier à l’enfant adultérin, la succession ayant été partagée en 1996.

     

    Mais si une telle situation devait être soumise à la justice actuellement, l’article 887-1 trouverait à s’appliquer, et l’enfant adultérin pourrait réclamer sa part en qualité d’héritier réservataire.

     

    Me Xavier Chabeuf

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  • Manquement à l’obligation de formation : plus d’indemnisation automatique.L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation et la formation des salariés à leur poste de travail. C’est le sens de l’article L. 6321-1 du code du travail, qui énonce que « L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (…) ».

    La jurisprudence déduisait de ce texte que le salarié qui avait été laissé sans formation pendant une certaine durée pouvait prétendre à l’indemnisation du préjudice que lui avait nécessairement causé cette situation, sans avoir à étayer particulièrement sa demande autrement que par le fait objectif que son employeur ne lui avait pas fait suivre de formation.

    Ainsi jugé « qu'ayant relevé que la salariée, qui était présente dans l'entreprise depuis sept ans n'avait bénéficié au cours de cette période d'aucun stage de formation continue, la cour d'appel a caractérisé un manquement de l'employeur à l'obligation de veiller au maintien de la capacité de la salariée à occuper un emploi » et a justifié l’octroi de 6.000 € à titre de dommages et intérêts (Cass. Soc., 7 mai 2014, N° 13-14749 ; Soc., 2 mars 2010, P. n° 09-40.914 ; Soc., 23 juin 2010, N° 09-41912 ; Cass. Soc., 28 septembre 2011, N°09-43339).

    Le récent arrêt rendu le 3 mai 2018 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation (N°16-26.796) modifie cette approche en posant désormais que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation de ce chef, uniquement s’il démontre avoir subi un préjudice, lequel ne peut résulter simplement d’une absence de formation pendant une longue période.

    En l’occurrence, se fondant sur l’ancienne jurisprudence, le salarié reprochait à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de l'obligation de formation alors qu’il n'avait bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant ses 16 années d’emploi dans l'entreprise. Mais son pourvoi est rejeté au motif que « l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; que la cour d'appel a estimé que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice résultant du non-respect par l'employeur de son obligation de formation ». En l’occurrence, la cour d’appel avait notamment relevé que le salarié n’avait pas indiqué les postes auxquels il aurait pu prétendre ou les formations qu’il avait demandées et qui lui auraient été refusées.

    Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une évolution jurisprudentielle plus large tendant à bannir, en droit du travail, l’indemnisation automatique de certains manquements, pour revenir à une approche traditionnelle, obligeant celui qui réclame une indemnisation, à établir la consistance du préjudice qu’il a subi.

    Me Manuel Dambrin

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  • Effets de seuilsLa notion de seuil d’effectif en droit du travail est déterminante.Il s’agit du fait, pour une entreprise ou un établissement, de franchir un seuil en termes d’effectifs, ce qui entraîne des obligations nouvelles qui varient en fonction du seuil franchi.

    Dans une interview accordée au Parisien et retranscrite dans son édition du 3 mai 2018, le Ministre de l’économie et des finances envisage d’importantes modifications concernant ces seuils, que nous verrons après avoir rappelé l’état actuel du droit.

    Actuellement, les trois premiers seuils sont ceux de 11, 20 et 50 salariés et entrainent principalement les obligations suivantes :

    A partir de 11 salariés :

    • Obligation d’organiser l’élection de la délégation au CSE (Comité Social Economique) avec des attributions réduites (Code du travail, art. L. 2311-2) ;
    • Augmentation du taux de la participation à la formation continue (Code du travail, art. L. 6331-9) ;
      Perte d’une partie des exonérations de cotisations sociales sur la rémunération des apprentis (Code du travail, art. L. 6243-2) ;
    • Modification du calcul de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : indemnité minimale et maximale spécifique en fonction de l’ancienneté du salarié (Code du travail, art. L. 1235-3) ;
    • Obligation de s’acquitter du versement de transport (Code général des collectivités locales, art. L 2333-64) ;
    • Obligation de s’acquitter du forfait social sur les contributions patronales de prévoyance complémentaire (Code de la Sécurité sociale, art. L. 137-15).

     

    A partir de 20 salariés :

    • Obligation d’emploi des personnes handicapées (Code du travail, art. L. 5212-1) ;
    • Obligation de mise en place du règlement intérieur (Code du travail, art. L. 1311-2) ;
    • Perte de la déduction de cotisations sociales sur la rémunération des heures supplémentaires (Code de la Sécurité sociale, art L. 241-18) ;
    • Perte du coefficient amélioré de la réduction Fillon (Code de la Sécurité sociale, art L. 241-13) ;
    • Assujettissement à la cotisation FNAL supplémentaire (Code de la Sécurité sociale, art L. 834-1) ;
    • Contrepartie obligatoire en repos de 100 % si le contingent annuel d’heures supplémentaires est dépassé dans l’entreprise (loi n° 2008-789 du 20 août 2008) ;
    • Modification du mode de calcul de la cotisation accident du travail (Code de la Sécurité sociale, art D. 242-6-2).

     

    A partir de 50 salariés :

    • Obligation d’organiser l’élection de la délégation au CSE avec des attributions étendues (Code du travail, art. L. 2312-2) ;
    • Faculté de désigner un délégué syndical, ou un représentant de la section syndicale (Code du travail, art. L. 2143-3, L. 2142-1-1) ;
    • Obligation de mettre en place une base de données unique des représentants du personnel (Code du travail, art. L. 2323-8) ;
    • Obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité – le BTP étant couvert par un accord de branche (Code de la Sécurité sociale, art. L.138-29) ;
    • Obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en cas de grand licenciement économique collectif (Code du travail, art. L. 1233-61) ;
    • Obligation de mettre en place la participation aux résultats de l’entreprise (Code du travail, art. L. 3322-2).

     

    En présence de ces règles, le projet du Ministre est de supprimer le seuil de 20 salariés et les obligations sociales et fiscales y afférente, à l’exception de celles liées à l’emploi de personnes en situation de handicap.

    Par ailleurs, Bruno Le Maire a indiqué vouloir retarder les effets de seuil pour les PME. Selon le ministre, les entreprises « devront avoir franchi pendant 5 années consécutives le seuil de 10 ou 50 pour se voir imposer les obligations sociales et fiscales qui y sont liées ». Le but de cet aménagement serait de limiter la tendance qui peut consister, pour certaines entreprises dont l’effectif avoisine un seuil, à renoncer au recrutement de nouveaux collaborateurs pour éviter les obligations afférentes au seuil suivant.

    Me Manuel Dambrin

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  • Le plafonnement des "indemnités prud'homales" prend un coup au moral...!Le plafonnement des « indemnités prud’homales » résultant du barème qui a été l’une des mesures phare de la récente réforme du droit du travail incite les plaideurs à diversifier les causes de leurs préjudices pour parvenir à une meilleure indemnisation.

    Il faut bien voir en effet que la notion d’« indemnités prud’homales » est un raccourcis journalistique qui ne trouve aucun écho dans le code du travail et que le barème dont il est question ne concerne que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail, c’est-à-dire l’indemnité censée indemniser le préjudice résultant de la perte de l’emploi et aucun autre.

    La loi réserve déjà les cas de harcèlement, de discrimination, ou d’atteinte à une liberté fondamentale, qui sont indemnisés hors barème.

    Mais au-delà de ces exclusions légales, rien n’interdit au justiciable d’invoquer d’autres chefs de préjudices pour tenter d’obtenir globalement une meilleure indemnisation que celle résultant du seul barème.

    Parmi ces derniers, figure en bonne place le fameux préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture : un salarié qui estime avoir été licencié dans des conditions brutales ou vexatoires peut demander en justice des dommages-intérêts. Il s’agit alors d’indemniser un préjudice distinct de celui résultant de la perte d’emploi, à telle enseigne que de tels dommages-intérêts peuvent être alloués même si le licenciement est justifié et n’ouvre droit, quant à lui, à aucune indemnité (Cass. Soc. 22 juin 2016, n° 14-15171).

    Une telle demande échappe au barème de l’article L.1235-3 du code du travail.

    Ont ainsi pu être indemnisés : « un contexte de pressions et de propos déplacés de la part de l'employeur » (Cass. Soc., 18 mai 2017, n° 15-27555), le fait que « la rupture du contrat de travail était intervenue alors que le salarié, cadre dirigeant, avait auparavant été gratifié d'une prime exceptionnelle pour son action, révélant une situation vexatoire et humiliante » (Cass. Soc., 9 mars 2016, n°14-20175), ou encore le fait que « la lettre de licenciement avait été signée pour ordre par une secrétaire hiérarchiquement subordonnée » au salarié licencié, « cette seule circonstance conférant au licenciement un caractère vexatoire » (Cass. Soc., 28 octobre 2002, n° 00-44548).

    Il est assez prévisible que les juges eux-mêmes, auront tendance à assouplir les conditions d’admission de tels préjudices distincts pour atténuer (contourner ?) les effets d’un barème que la loi leur impose.

    Me Manuel Dambrin

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  • La justice n’échappe pas à la fièvre réformatrice. Les propositions de changement réglementaires ou législatifs prennent une telle ampleur, dans tant de domaines à la fois, qu’opinion publique et professionnels font face à un effet de « sidération » et se trouvent dans l’incapacité de prendre la mesure de tous les changements proposés, se focalisant sur quelques mesures phares, censément emblématiques, et souvent polémiques.

    Cette manière de réformer interroge et l’on comprend bien qu’elle s’inscrit dans la volonté d’adapter rapidement les institutions françaises aux défis de l’époque.

    Mais attention à ne pas aller trop vite, parfois, en revenant sur des principes bien établis qui ont fait leurs preuves.

    C’est la réflexion qu’inspire le projet d’« Amélioration et simplification de la procédure civile » remis récemment au Ministre de la Justice.

    Les auteurs du rapport sont conscients du nombre de réformes ayant profondément modifié les règles de procédure au cours des toutes dernières années : « Les professionnels s’en inquiètent légitimement. Les réformes s’enchaînent à un rythme qui ne permet pas aux pratiques et aux habitudes de s’installer, condition pourtant nécessaire à toute sécurité juridique. On le sait, la matière procédurale, peut-être plus que toute autre, ne peut se façonner qu’avec le temps et l’accoutumance ».

    Pour autant, la rapport formule 30 propositions.

    Certaines sont attendues (numérisation), bienvenues (simplification des actes de saisine du juge civil), d’autres audacieuses (financement de la justice civile par les parties), et l’une est, finalement, inquiétante : « Généraliser l’exécution provisoire de droit de la décision ».

    Sous son libellé technique, il s’agit d’une question de principe, fondamentale.

    Vers la fin de l'exécution provisoire ?

    Actuellement, le principe est, hormis dans un certain nombre de domaines dans lesquels l’exécution provisoire est de droit (procédure de référé par exemple), que l’appel suspend l’exécution du jugement rendu en première instance, sauf lorsque « le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire » (article 515 du code de procédure civile).

    Le projet de réforme consiste à inverser principe et exception et à faire de l’exécution provisoire le principe, et de la suspension de l’exécution en cas d’appel, l’exception.

    Les arguments invoqués au soutien de la réforme sont séduisants : revalorisation de la décision rendue en première instance qui ne serait pas une simple étape procédurale vers la décision finale, rapidité.

    La réticence ici exprimée tient principalement à deux séries d’argument : l’atteinte au principe du double degré de juridiction et l’important taux de réformation des jugements en appel :

    ð  L’atteinte au principe du double degré de juridiction : si l’exécution provisoire de la décision rendue en première instance n’interdira pas, en principe, d’interjeter appel, il est clair que l’exécution du jugement enlève à l’appel une grande partie de son intérêt. On l’observe quotidiennement dans nos Cabinets : si une partie est amenée à indemniser, payer, faire ce qui a été ordonné en première instance, la condamnation est déjà passée, et la partie qui succombe renonce bien souvent à porter l’affaire en appel.

    La généralisation de l’exécution provisoire aboutit donc, de facto, à une éradication de l’appel. Il s’agit là d’ailleurs sans doute de la finalité cachée de la réforme proposée, qui sous couvert de simplification et d’efficacité, vise à des économies.

    Or le Conseil constitutionnel a plusieurs fois eu l’occasion de juger que des dispositions remettant en cause le caractère suspensif de l’appel méconnaissaient le droit à un recours effectif.

    Il ne s’agit pas là de défendre un principe théorique et un peu abstrait, mais tout simplement de rappeler que le droit de faire juger l’affaire par des juges plus expérimentés, siégeant à plusieurs, est de nature à permettre une meilleure décision de justice.

    Cette préoccupation est bien concrète.

    Car les décisions de première instance sont fréquemment réformées, partiellement ou intégralement, en appel. L’appel n’est pas un détour inutile, une lubie d’avocats souhaitant prolonger les affaires, ou un outil au service de justiciables querelleurs : 21,4 % des jugement rendus par les tribunaux de grande instance font l’objet d’un appel, cette proportion atteignant 67,8 % s’agissant des jugements rendus par les conseils de prud’hommes, et 13,7 % pour ce qui est des jugements rendus par les tribunaux de commerce (données 2015). Or sur 138.271 affaires portées devant les cours d’appel, 30.754 ont été totalement réformées (22 %), et 48.053 ont été partiellement réformées (34,75 %), soit un taux de réforme total ou partiel de plus de 56 % !

    Il paraît difficile de prétendre que la voie de l’appel est inutile et doit être restreinte. Pareillement, il n’est pas raisonnable de forcer l’exécution provisoire de manière quasi systématique en première instance, ce qui provoque des difficultés de rétablissement de la situation antérieures à l’exécution parfois considérables, voire pratiquement insurmontables.

    Il importe par conséquent de préserver l’équilibre du système actuellement en vigueur, qui préserve l’intérêt de l’appel et rend possible, en fonction des données de l’affaire, l’exécution provisoire.

    Ce n’est pas en favorisant la rapidité à tout prix et en décourageant les parties de former des recours que l’on améliorera la qualité de la justice rendue.

    Me Xavier Chabeuf

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  • Grève des transports : quelles conséquences pour le salarié ?Face aux perturbations annoncées dans les transports, les salariés peuvent avoir bien du mal à se rendre normalement sur leur lieu de travail. Sanctions, retenues, récupérations, … Ce qu’il faut savoir en bref.

    Sanction

    L'absence ou le retard au travail d'un salarié pour cause de grève des transports – comme en matière d’intempérie (http://cardinal-avocats.eklablog.com/fait-il-trop-froid-pour-aller-travailler- a136571552) - ne constitue généralement pas une faute et l'employeur ne peut donc prendre aucune sanction disciplinaire à l'égard d'un salarié absent ou en retard en raison d'une grève, dans la mesure toutefois où le salarié aura prévenu son employeur du motif de son absence et sera en mesure de fournir un justificatif émanant de la société de transport, si l'employeur en fait la demande.

    Retenue sur salaire

    En revanche, sauf si un accord collectif prévoit des règles spécifiques sur ce point, l'employeur n'est pas obligé de payer ces heures d'absence involontaire. Il peut donc choisir d'effectuer une retenue sur salaire pour les heures non-travaillées par le salarié. Cette retenue doit alors être calculée proportionnellement à la durée de l'absence.
    A noter néanmoins que les salariés rémunérés au forfait, en jours ou en heures, ne sont théoriquement pas concernés par cette retenue de salaire, étant donné leur autonomie présumée dans l'organisation de leur temps de travail.

    Récupération des heures

    Tandis que le Code du travail prévoit la possibilité de récupérer les heures perdues dans certains cas (par exemple en cas d'accident ou d'intempéries), il ne le prévoit pas dans le cas d’une grève des transports ayant empêché le salarié de se rendre au travail ou d’arriver à l’heure.

    Toutefois, rien ne s’y oppose de sorte que pour éviter de réduire la rémunération du salarié, l'employeur pourra lui demander de récupérer les heures de travail perdues.

    Imputation sur les congés payés ou les RTT

    L’employeur peut aussi imputer cette absence sur les congés payés, mais seulement avec l'accord du salarié.

    Télétravail

    Le recours au télétravail peut également être envisagé à titre exceptionnel lorsque sa mise en place est possible. L’article L1222-11 du code du travail prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considéré comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise.

    Me Manuel Dambrin

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  • Selon la nature de son activité économique et l'évolution de ses besoins, l'employeur peut vouloir compter sur la mobilité de certains de ses salariés entre ses différents sites d'exploitation.


    Deux cas de figure sont à envisager.


    1er cas : La nouvelle affectation se situe dans la « même zone géographique » ou le « même bassin d’emploi ».

    Dans ce cas, à moins qu'il ne soit stipulé, par une clause claire et précise du contrat de travail, que le salarié exécutera son travail exclusivement dans un lieu donné, la mention du lieu de travail dans le contrat a uniquement valeur d'information et, moyennant un simple délai de prévenance, le salarié peut être muté n’importe où à l’intérieur de la « zone géographique » ou du « bassin d’emploi » où il travaille. Un refus de sa part de rejoindre sa nouvelle affectation l’expose à un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, voire une faute grave (abandon de poste).


    Il peut cependant y avoir un désaccord et donc une discussion sur la « zone géographique » ou le « bassin d’emploi », qui sont des notions à géométrie variable dont les périmètres doivent s’apprécier au cas par cas, en particulier selon le degré d’urbanisation. En cas de litige le juge s'appuiera sur des critères tels que, la distance entre les établissements, le rallongement du temps de trajet à prévoir ou la qualité des transports en commun desservant le nouveau lieu de travail.

    Conditions de validité d'une clause de mobilité

    2ème cas : La nouvelle affectation se situe en dehors de la « zone géographique » ou du « bassin d’emploi ».

    Il est alors nécessaire que le contrat de travail contienne une clause de mobilité et que cette clause soit valable.
    La clause de mobilité géographique peut cependant trouver sa source directement dans la convention collective applicable, sans la moindre mention dans le contrat individuel de travail. Si la clause conventionnelle est suffisamment précise elle peut alors s'imposer au salarié même si son contrat de travail ne comporte aucune disposition sur ce point (Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-42.646).


    Pour être valable, une clause de mobilité doit définir précisément sa zone géographique d’application, c’est-à-dire le périmètre dans lequel le salarié est susceptible d’être affecté. À défaut, la clause, même acceptée par le salarié au moment de la signature de son contrat de travail, est nulle et l’affectation du salarié sur un nouveau site nécessitera son accord. Son refus de rejoindre une nouvelle affectation ne pourrait alors être considéré comme fautif ni justifier un licenciement.


    Telle est le cas, typiquement, de la clause qui énonçait que « le soussigné s'engage à répondre dans les plus brefs délais à toute autre affectation suivant les nécessités de l'entreprise et en tout lieu où la société exerce ou exercera ses activités » (Cass. Soc. 16 juin 2009, n°08-40.020, Inédit).


    En revanche, une clause prévoyant que le salarié pourra être muté dans « l’un des établissements actuels ou futurs de la société en France » et énumérant de façon non exhaustive les établissements visés est valable (cass. soc. 14 février 2018, n° 16-23042).


    Mais une clause de mobilité valable peut toujours être mise en échec, au cas par cas, si le salarié démontre que sa mise en œuvre correspond à un abus de droit de l’employeur, en particulier si ce dernier fait jouer la clause pour des raisons étrangères à « l'intérêt de l'entreprise ». Ainsi a été jugé abusif le fait pour un employeur d'imposer à un salarié un changement immédiat d'affectation, alors qu'il savait que celui-ci se trouvait dans une situation familiale critique (en l'occurrence, son épouse était enceinte de sept mois) et que ce poste pouvait être pourvu par d'autres salariés ayant moins de contraintes familiales (Soc. 18 mai 1999, n° 96-44.315).


    A noter enfin que certains emplois imposent, par nature, une obligation de mobilité géographique aux salariés concernés. Il en va ainsi pour certains contrats de travail internationaux et, dans une certaine mesure, en ce qui concerne les contrats de travail conclus avec des représentants de commerce.


    Me Manuel Dambrin

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  • Il est tentant pour le salarié licencié ou en passe de l’être, de photocopier ou de s’approprier des documents appartenant à l’entreprise pour alimenter une procédure prud’homale et combattre les motifs de son licenciement, ou même se préconstituer des preuves avant tout litige déclaré : notes, mails, courriers, fichiers, bulletins de paie, données nominatives pouvant être couvertes par le secret professionnel, des affaires ou médical, etc… .


    En principe cette appropriation est illégale et l’employeur qui constaterait que des documents lui appartenant ont disparu ou sont produits en justice, serait fondé à en réclamer la restitution et à porter plainte.


    Mais le droit de propriété ou encore celui du secret des correspondances ou des affaires se heurtent ici aux droits de la défense du salarié.


    La jurisprudence admet que la production en justice de documents, ou de copies, appartenant à l’entreprise dont le salarié a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions ne constitue pas un vol, pour autant que leur production dans le litige prud’homal soit strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense du salarié.

    Bien mal acquis... peut profiter au salarié licencié !Deux conditions doivent donc être remplies pour que l’utilisation de ces documents soit possible :


    - Le salarié doit démontrer avoir obtenu les documents en cause dans l’exercice de ses fonctions ;

    - Le salarié doit démontrer que ces documents étaient strictement nécessaires à l’exercice de sa défense.

    La mise en œuvre de la première condition peut être illustrée par un récent arrêt de la Cour de ROUEN en date du 8 mars 2018 (n° 16/05635). Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, la salariée, licenciée pour motif économique, avait versé aux débats un document interne comportant différentes alternatives de réorganisation de l’entreprise sur lequel figurait l’indication « Document strictement confidentiel ». L’employeur soutenait sans être contredit que ce document était réservé exclusivement à la Direction de la société et n'avait jamais été communiqué, ni aux représentants du personnel, ni à aucun autre salarié, ce dont les juges ont déduit que « faute pour la salariée d'établir qu'elle a eu connaissance de ce document à l'occasion de ses fonctions » il devait être écarté des débats.


    Pour ce qui est de la seconde condition, le salarié devra démontrer le caractère utile des documents qu’il produit, c’est-à-dire établir un lien étroit et précis entre le(s) document(s) et le litige l’opposant à son employeur. S’il échoue dans cette démonstration, l’irrecevabilité frappera les éléments de preuves provenant de ces documents, le juge pourra obliger le salarié à les restituer et à réparer le dommage éventuel subi par l’employeur.


    Un exemple nous est donné par un arrêt de la Cour de Nîmes du 6 juin 2017 (n°15/05568) : une secrétaire licenciée pour motif économique, motifs pris de résultats d'exploitation négatifs, produisait aux débats, pour contester ce motif, des relevés de compte bancaire de l’entreprise et un courriel adressé à celle-ci par le cabinet d'expertise comptable. La Cour approuve cette production en relevant que l’appréhension de ces éléments, dont la salariée avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, étaient strictement nécessaires à l'exercice de sa défense.


    Me Manuel Dambrin

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  • La révélation des dernières volontés de Johnny Hallyday a provoqué un torrent de réactions passionnées lorsqu’il a été révélé que le chanteur avait rédigé un testament conforme à la loi californienne aux termes duquel il cédait l’intégralité de son patrimoine et des droits moraux sur son œuvre à son épouse Laetitia.

    De fait, ses enfants, tous ses enfants (aussi bien ses petites filles Joy et Jade que les aînés issus de relations précédentes) sont exclus de l’héritage (même s’il est semble-t-il prévu que Joy et Jade héritent en second rang, au décès de leur mère).

    En tant que praticien du contentieux des successions n’ayant qu’une connaissance journalistique de l’affaire, j’avoue avoir été surpris par la tournure des événements, qui justifient les quelques observations suivantes.

     

     1. La possibilité d’échapper à la réserve héréditaire française par l’application d’une loi étrangère la méconnaissant

    La réserve est la part minimale d'héritage à laquelle ont droit les héritiers dits "réservataires", enfants, conjoints en l’absence d’enfants, ascendants.

    S’agissant des enfants, la réserve est de la moitié de la succession avec un enfant (le défunt ayant la libre disposition de l’autre moitié), d’un tiers avec deux enfants, d’un quart avec trois enfants, etc.

    En droit français, il n’est donc pas possible d’exhéréder ses enfants, il est seulement possible de réduire leur part, sans pour autant porter atteinte à leur réserve héréditaire.

    Il n’est cependant pas très difficile de contourner cette règle. Outre le mécanisme de l’assurance-vie, dans certaines limites, l’un des moyens consiste à résider dans un pays dans lequel la réserve successorale n’existe pas et de décider que la loi du pays de résidence régira la succession.

    En effet, il résulte du Règlement communautaire n° 65/2012 du 4 juillet 2012 que la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

    J’ai déjà eu l’occasion de commenter ici les deux arrêts rendus récemment par la Cour de cassation dans des affaires apparemment comparable concernant les deux musiciens français Michel Colombier et Maurice Jarre, tous deux résidents californiens ayant logé dans un trust leur patrimoine, tout comme semble l’avoir fait Johnny Hallyday.

    A l’occasion de ces décisions, la Cour suprême a retenu que le mécanisme de la réserve pouvait était écarté lorsque le droit étranger applicable à la succession ne le prévoyait pas, ce qui est le cas de nombreux pays pourtant proches de la France.

    Tout la question est donc de savoir ce qu’il faut entendre par « résidence habituelle au moment du décès ».

    L’action des avocats de David Hallyday et Laura Smet se focalisera sans doute sur ce point dans la mesure où il ne paraît pas que l’on puisse soutenir que Johnny Hallyday avait perdu son discernement lorsqu’il a rédigé son testament californien, en 2014.

    Les avocats des demandeurs soutiennent que le chanteur résidait la majorité de son temps en France, y est décédé, y a passé les derniers mois de sa vie, y générait l’essentiel de ses revenus.

    L’avocat de la veuve soutiendra, sans doute, que Johnny résidait plus de la moitié de l’année en Californie, depuis plusieurs années, que ses filles mineures y poursuivent leur scolarité, et que le fait qu’il ait passé ses derniers mois en France pour se faire soigner n’en faisait pas pour autant le pays de sa résidence principale.

    Toujours est-il qu’il apparaît à première vue que la situation de Johnny Halliday est sans doute moins claire que celle de Michel Colombier et de Maurice Jarre, lesquels étaient résidents américains depuis des décennies et avaient construit aux Etats-Unis une partie essentielle de leur carrière professionnelle.

     

    2. Le temps de la communication et le temps judiciaire

    Rien de banal ne semble devoir arriver s’agissant de Johnny Hallyday.

    Il n’a fallu attendre que quelques semaines après son décès et l’hommage national qui lui a succédé, pour que les deux enfants écartés de la succession mettent leur différend sur la place publique : lettre ouverte, communiqués de presse, intervention des amis et plus ou moins proches.

    La veuve de Johnny Hallyday a été traitée avec une rare violence par l’entourage des enfants des premiers lits, dans une mise en scène visant à la faire passer pour une femme intéressée ayant manipulé un époux en état de faiblesse.

    Cette stratégie judiciaire impliquant une prise à témoin de l’opinion publique ne manque pas d’interroger.

    En effet, le risque est que nul ne sorte indemne d’un tel déballage, et les premières contre-attaques de Laetitia Hallyday ont bien mis en évidence que les demandeurs n’avaient pas été oubliés par leur père.

    Par ailleurs, il est douteux que ce spectacle médiatique puisse influencer des magistrats civils qui se détermineront en droit, selon les mérites du dossier. Les magistrats risquent d'être peu sensibles aux complaintes d’héritiers défavorisés par leur père, mais non dépourvus de moyens.

    Enfin, la communication mise en place par les demandeurs autour de ce contentieux successoral porte atteinte à la mémoire de Johnny Hallyday, qui est présenté, au choix ou cumulativement, comme un homme influençable, peu courageux ou peu averti. Ce n’est pas le moindre des paradoxes d’un contentieux qui se donne en apparence pour objectif de défendre sa mémoire et l’intégrité de son œuvre.

     

    3. L’avenir de la réserve héréditaire

    Autre motif de curiosité face à cette affaire : il semblerait (le conditionnel s’impose tant le prisme médiatique peut être déformant) que les Français restent très attachés à la réserve héréditaire et au respect d’une certaine égalité dans la succession.

    Cette constatation vient à contre-courant des évolutions de la famille et de la société française de ces dernières décennies, marquées à la fois par la montée de l’individualisme ("c’est à moi de décider ce qui est le mieux pour moi") et par le recul de la biologie face aux familles d’élection.

    Ainsi que l’a rappelé Luc Ferry dans « L’homme-Dieu ou le Sens de la vie » (1996),

    « Pendant longtemps, à la question : « Qui es-tu ? », on a pu répondre en termes de lignages : « Je suis le fils ou la fille de… » Cette attitude convenait à des temps où l’idée d’individu, libre dans ses choix et seul dans son intimité, était pour ainsi dire inconnue. On se définissait comme membre d’une lignée indivisible ».

    On aurait pu s’attendre à ce que la large remise en cause de la famille traditionnelle s’accompagne d’une remise en cause de l’égalité dans la succession et à la promotion de la liberté de tester, appliquée dans les pays ango-saxons.

    Cette digue n’a semble-t-il pas encore sauté.

    Me Xavier Chabeuf